L’affaire Nanfo Diaby qui n’est plus à présenter, a défrayé la chronique ces derniers temps, faisant couler assez d’encre et de salive dans la presse.
Dans cet entretien, El hadj Mahmoud Nabaniou Chérif, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République de Guinée au Royaume d’Arabie Saoudite, où il avait débuté également ses études de base à l’âge de 5 ans, a tenu à éclairer davantage la lanterne du public dans cette interview exclusive accordée à notre rédaction.
Lisez.
Bonjour Excellence.
-Bonjour M. Traoré.
Excellence Monsieur l’Ambassadeur, est-ce que la prière en islam est-elle autorisée en une autre langue que l’Arabe ?
-Merci pour la question. C’est vrai que cette affaire fait couler beaucoup d’encre et de salive chez nous. Ça c’est une réalité.
Mais, je peux vous dire très clairement, d’après la majorité des jurisconsultes : les hanbalites, les malikites, etc. la prière n’est pas autorisée dans une autre langue si non que l’Arabe.
Vous savez, j’ai fait mes études de base ici en Arabie Saoudite où je suis arrivé à l’âge de 5 ans. Nous avions beaucoup appris à l’école.
Quelqu’un qui embrasse l’islam de nos jours alors qu’il ne connaît rien en la matière : il ne sait pas lire la fatiha, il ne sait lire aucun verset du coran. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut attendre qu’il apprenne d’abord quelques versets du coran pour commencer à prier. Mais certains jurisconsultes disent qu’il peut commencer à prier en attendant, je dis bien en attendant d’apprendre la langue du coran. C’est à dire faire la lecture en langue du coran.
Le problème est que beaucoup confondent l’Arabe et la langue dans laquelle le coran est descendu. Vous savez, l’un des miracles du Prophète (Paix et Salut sur Lui) est qu’il ne savait ni lire, ni écrire.
Le fait de descendre ce coran-la en langue Arabe avec la rhétorique de celle-ci, étonnait plus d’un khoureichite. Ils se sont dit [… ] mais nous n’avons entendu nulle part cette rhétorique. Ce qui fait que vous pouvez parler l’Arabe, lire le coran sans comprendre le contenu du coran. Parce que c’est différent même de la langue Arabe. C’est la langue Arabe mais vu que la rhétorique qui est y, c’est difficile. C’est pourquoi, il y a une différence entre l’interprétation du coran et le coran lui-même.
Quand on traduit le coran, ça perd même son sens, son contenu.
Moi je crois que sincèrement notre frère Nanfo Diaby, a déraillé. Lorsque j’étais à
l’ISESCO (Islamic Educational, Scientific and Cultural Organization), nous avons énormément contribué pour promouvoir la langue N’ko en Guinée. Le grand érudit, Souleymane Kanté qui a eu l’initiative de créer l’alphabet N’ko, priait dans la langue du coran. On ne doit pas s’amuser avec la foi des gens.
-Pensez-vous que les Affaires Religieuses et les Oulémas de Guinée n’ont-ils pas une part de responsabilité ?
Je pense qu’en principe le Secrétariat Général des Affaires Religieuses, les érudits et les jurisconsultes doivent intervenir, donner des explications pour éclairer la religion des gens concernant cette attitude de l’imam Nanfo Diaby. Ce qui permettra de faire comprendre aux gens qu’on ne doit pas prier dans une autre langue que la langue du coran.
Partez en Chine, les musulmans chinois prient en langue Arabe, partez en Turquie, les musulmans Turques prient en langue
Arabe, partez au Japon, les musulmans japonais prient en langue Arabe.
Toute fois, il est autorisé de faire les sermons dans les mosquées dans notre langue maternelle pour éclairer la religion des gens.
Je pense que sincèrement, la justice a été très clémente avec Nanfo Diaby. S’il était dans un autre pays, la sentence serait plus lourde encore.
Justement, est-ce que ce n’est pas le fait qu’il a déclaré que son prophète et sa religion sont différents de l’islam qui aurait réduit sa peine ?
-C’est une fuite en avant. C’est juste pour se défendre. La Guinée est un État laïque. Cela veut dire que l’Etat laisse tout le monde faire sa religion. Allah (Soubhana watahala) l’a dit : Il n’y a de guerre de contrainte en islam car le bon chemin et le mauvais chemin sont très distincts. On ne force personne à adhérer ou à quitter l’islam. Mais ce qui est clair, une fois vous adhérez à l’islam, vous devez observer ses règles. Par contre, une fois vous adhérez à l’islam, vous ne devez pas déformer ses principes. Si non, vous ne vous entendrez pas avec les fidèles. D’ailleurs les fidèles en Guinée sont très conciliants. Ça aurait été dans un autre pays, j’avoue que Nanfo Diaby aurait craint même pour sa vie. Tout le monde sait la sentence qui avait été prononcée par les gens contre Salman (M). Pourquoi ils l’ont fait ? C’est parce que c’est un musulman. Au fait, la charia ne s’applique qu’aux musulmans. Quand vous n’êtes pas musulman, on ne peut pas vous appliquer la charia. Une fois encore, on ne s’amuse pas avec la religion des gens. C’est une sorte de sabotage.
Je prie Dieu que notre frère Nanfo Diaby se ressaisisse, qu’il revienne à de meilleurs sentiments, pour éviter de toucher à la sensibilité des gens.
Je vois remercie Excellence.
-C’est moi qui vous remercie.
Ousmane Traoré
Écrivain-journaliste.
Riyad (Arabie Saoudite).