»Il serait injuste d’accabler les détenus politiques qui se voient contraints de demander pardon afin de recouvrer leur liberté. Certains d’entre eux ont été injustement condamnés ou condamnés à des peines disproportionnées par rapport aux faits qui leur sont reprochés. Beaucoup n’ avaient peut-être plus aucun espoir de sortir de prison avant l’expiration de la peine qui leur a été infligée. Nous ne sommes pas à leur place en prison ; nous ne vivons pas les mêmes réalités qu’eux. Il y en a parmi qui sont des pères de famille et ont donc des responsabilités. Leur détention les empêche d’assumer leurs responsabilités surtout vis-à-vis de leurs familles. Ils ont donc saisi ce qu’ils considèrent comme l’unique occasion d’être libres avant la fin de leur peine. Tout le monde n’a pas forcément les aptitudes nécessaires pour faire face à certaines difficultés de la vie. Ils ne sont donc pas à blâmer. Ceux qui sont blâmables sont ceux qui les ont mis dans ces difficultés.
Tout le monde ne peut être Nelson Mandela.
Mais de là à penser que les autres détenus se soumettront à cet exercice qui consiste à demander pardon pour espérer être grâciés, il y a quand même des doutes. Il n’est pas toujours facile de demander pardon quand on ne se sent pas en faute.C’est une question qui relève de la seule conscience des détenus.
Ce qui susciterait par contre des interrogations, c’est que les anciens détenus se retournent contre leurs entités d’origine en les tenant injustement pour responsables de leur emprisonnement et de leur condamnation. Une fois sortis de prison, ils sont libres de poursuivre ou de mettre un terme à leur militantisme. Mais ils doivent éviter d’exécuter le « marché », si marché il y a eu, qui consisterait à rejeter et à diaboliser, sans aucune objectivité, ce qu’ils soutenaient il y a peu de temps. Ils sont libres, c’est fini. On ne pourra plus les juger et condamner pour les mêmes faits. Ils devraient donc avoir un minimum de retenue au risque de perdre toute crédibilité aux yeux de l’opinion. Certes, la grâce n’efface pas leur condamnation. Mais chacun sait qu’ils ont été victimes d’une injustice; leur libération devrait être considérée comme une sorte de réparation de cette injustice.
C’est cela d’ailleurs l’une des finalités de la grâce même si on sait qu’en réalité dans notre cas, ce n’est pas forcément le souci de réparer une injustice qui a prévalu mais des considérations de politique politicienne. Qu’importe. Les détenus ont été élargis. Mais ils se doivent à leur tour se montrer réfléchis et continuer à être plus réalistes. Le réalisme qui les a poussés à demander pardon en échange de leur liberté doit les contraindre à comprendre les dessous les enjeux et implications politiques de toutes ces affaires. »
Me. Mohamed Traoré (In facebook)