Un migrant camerounais a raconté à l’AFP comment l’embarcation sur laquelle il se trouvait a été refoulée vers la Turquie, en juin, à quelques centaines de mètres de l’île grecque de Kos en mer Égée. L’homme de 39 ans a pu filmer les garde-côtes grecs qui étaient armés.
Le 10 juin, un migrant camerounais Tchinda a raconté à l’AFP son refoulement en mer Égée vers la Turquie alors que son embarcation se trouvait à quelques centaines de mètres seulement de l’île grecque de Kos. Trente autre migrants étaient à bord.
« Il y a d’abord eu un navire de la marine grecque qui a bloqué notre passage puis nous avons été rejoints par deux petits bateaux type zodiac », a déclaré le Camerounais de 39 ans lors d’une série d’entretiens téléphoniques menés entre le 1er et le 8 juillet. « Les garde-côtes étaient armés et nous ont crié de rentrer chez nous ».
Selon l’AFP, une vidéo prise par un téléphone portable à bord montre le canot pneumatique immobilisé par un patrouilleur des garde-côtes grecs, avec quatre membres d’équipage surveillant les migrants. Un deuxième patrouilleur et un troisième navire sont visibles au loin.
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« Restez couché et restez calme, pour votre sécurité », crie un garde-côte grec, avec un masque et des gants, tenant une longue perche.
« Ils ont vu que nous les filmions, ils n’ont pas osé nous frapper »
« Ils ont vu que nous les filmions et n’ont pas osé nous frapper », estime Tchinda. « Ensuite, les bateaux ont créé des vagues pour nous éloigner vers les eaux turques. Heureusement, personne n’est tombé à l’eau mais cela aurait pu être très dangereux », confie-t-il.
Dans une déclaration écrite du 11 juin, les garde-côtes turcs ont confirmé qu’ils avaient récupéré un bateau la veille peu avant 13h.
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L’incident survient au milieu d’une série de reportages des médias et d’ONG ces derniers mois sur le retour forcé de migrants du territoire grec ou dans les eaux grecques vers la Turquie.
InfoMigrants a reçu de nombreux témoignages similaires. Au mois de décembre, la rédaction a publié le témoignage d’un Guinéen de 17 ans, racontant comment des garde-côtes grecs ont percé l’avant de son canot.
Amnesty International a déclaré le mois dernier que les refoulements illégaux de réfugiés et de migrants vers la Turquie étaient devenus la politique frontalière « de facto » de la Grèce. Le gouvernement grec a nié à plusieurs reprises ces accusations.
300 incidents du même type recensés par le HCR en un an
Entre janvier 2020 et mars 2021, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a documenté environ 300 incidents signalés d’expulsions illégales autour des îles de la mer Égée et de la frontière terrestre nord-est de la Grèce, dans la région d’Evros.
Plusieurs groupes de soutien aux migrants, dont le Greek Helsinki Monitor, ont déposé en mai une plainte auprès de la Cour européenne de justice contre Frontex, l’agence de surveillance des frontières de l’UE.
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Le 3 mai, la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Dunja Mijatovic a exhorté le gouvernement grec, à mettre fin « instamment » aux refoulements en violation de « l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme » et de la Convention des Nations unies sur les réfugiés.
Démentant à nouveau catégoriquement les allégations de ces retours forcés, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a « rejeté le concept de refoulement. Ce mot n’existe pas dans mon vocabulaire », a-t-il dit début juillet dans un entretien au journal grec Kathimerini.
Il avait déjà rejeté ces allégations auprès d’InfoMigrants, au mois de novembre. « Les garde-côtes grecs sont là pour garder nos frontières. J’exclus le fait que les autorités grecques sont impliquées dans des refoulements ».