Kankalabe : Historique
Kankalabé (Dalaba) : chronique historique de la province d’asile du Royaume Théocratique du Fouta Djallon
La collectivité rurale de Kankalabé, relevant actuellement de la préfecture de Dalaba, dans la Région Administrative de Mamou était la capitale du diiwal de Kolladhè, une des neuf (9) provinces du Royaume Théocratique du Fouta Djallon qui a joué un rôle de premier plan dans l’islamisation de la région, rapporte un correspondant de Guineematin.com en Moyenne Guinée, à travers le témoignage vidéo d’un notable de la contrée.
A l’occasion de la célébration de la 5ème édition des sacrifices tournants pour le développement de la préfecture de Dalaba, organisé à Kankalabé, il y a quelques jours, il est revenu au doyen Ibrahima Gobiré Sow, fonctionnaire faisant valoir ses droits à la retraite de faire brièvement un rappel de l’historique de cette province d’asile dans le Royaume Théocratique du Fouta Djallon.
Doyen Ibrahima Gobiré Sow
« Kankalabé connu aussi sous le nom de Kolladhè est situé au cœur du Fouta Djallon. Il est limité au Nord par Mombéya, au Sud par Mafara et Bodié, à l’Est par la préfecture de Tougué et à l’Ouest par Kébaly, Bodié et la préfecture de Pita. Kankalabé fait partie des neuf (9) provinces ou diiwé du Fouta Théocratique qui étaient Koïn ayant pour chef Thierno Saliou Balla, Labé ayant pour chef Alfa Mamadou Cellou, Timbi ayant pour chef Thierno Ciré Bouroukaanyè, Bhouria ayant pour chef Thierno Mamadou Samba, Timbo ayant pour chef Alfa Ibrahima Sambégou, Fodé Hadji ayant pour chef Fodé Issagha, Fougoumba ayant pour chef Thierno Mamadou Sadio, Kébaly ayant pour chef Thierno Moussa Sow et Kankalabé ayant pour chef Alfa Amadou» a expliqué le doyen.
Le Fouta était à l’époque habité par des Djallonké, des Puli, des Foulakounda tous païens animistes mais très puissants. « Les 9 karamokos décidés à islamiser le Fouta se retrouvèrent pour combattre les féticheurs. Ils choisirent Karamoko Alfa Mo Kolladhè (Kankalabé) comme chef compte tenu de la situation géographique de son territoire et du fait qu’il était très cultivé et pondéré et l’un des plus âgés. Karmoko Alfa déclina l’offre, prétextant que son territoire était très petit, pauvre et peu peuplé. Ils se retrouvèrent alors à Timbi Tounni et choisirent Karamoko Alfa Mo Timbo. Ce qui permettait d’arrêter les velléités d’annexion des malinkés à l’Est. Ils confièrent à chaque diiwal un rôle » a-t-il ajouté.
C’est ainsi que, selon l’orateur, Kankalabé a été choisi comme lieu d’asile du Fouta : « un citoyen, quel que soit la faute commise, s’il foule le diiwal de Kolladhè, est gracié par l’Almamy. Un citoyen de Kolladhè ne peut être jugé à Timbo. Lors des djihads, le butin de guerre est reuni à Timbo et reparti entre les 9 diiwé. Mais, ce que Kankalabé gagne au champ de bataille lui revient. Quand un chef mourrait, c’est l’Almamy décidait de la succession. Quant au chef de Kolladhè, il décidait de la succession et rendait compte à Timbo. Quand le Fouta est engagé dans une guerre sainte, c’est Kolladhè qui décidait de la date de déclaration et de celle de cessation des hostilités. L’arrivée du chef de Kolladhè à Timbo était annoncée par les coups de Tabala. Le Tribunal du Fouta était présidé par Kolladhè. Le dernier à présider ce Tribunal a été Alfa Mamadou Morou de Bodié désigné par Alfa Mamadou alors chef de Kolladhè. Quand l’Almamy s’est rendu compte que le poids de l’âge pesait sur le président du Tribunal, il remmena son siège à Bodié pour permettre à Alfa Mamadou Morou de faire la prière de vendredi chez lui. Car, les audiences du Tribunal avait lieu le jeudi », a-t-il précisé.
Sous la période coloniale, à l’arrivée des blancs après la conquête de Timbo, ils voulurent réinstaller le poste à Kankalabé. « Alfa Mamadou, petit fils de Karamoko Alfa Mo Kolladhè n’était pas consentant. Informés, les blancs destituèrent Alfa Mamadou de la tête de Kolladhè et divisèrent la localité en 4 diiwé : Kankalabé, Bodié, Mombéya et Galy. Bodié qui regroupait Séfouré, Donghol, Manta, Parawi, Djawléko et Burundi avait pour chef Alfa Mamadou Morou. Mombéya qui comprenait Lalya, Dounki, Diawoya, Mobhi, Kourako, Kassagui, Kankadi, Dankolo, Missikoun et Koundjéya avait pour chef Alfa Abdoulaye Foula. Galy qui comprenait Témen et Kénéné avait pour chef Ismaëla. Kankalabé qui comprenait Lonsi, Thioro, Niékéma, Gobiré Doubbhel et Dantaba avait pour chef Alfa Bakar Mawdho, puis Alfa Ibrahima Sila » a-t-il indiqué.
Poursuivant son témoignage, le doyen Ibrahima Gobirè Sow a rappelé aussi que Karamoko Alfa Mamadou avait dirigé le Kolladhè durant de 30 ans, de 1879 à 1909. « Quand Elhadj Ibrahima Sila a eu à diriger le Kolladhè, il a eu à ouvrir les routes Dalaba-Kankalabé, en 1927, Kankalabé-Labé, 1928, Kankalabé-Koïn, 1929. Puis, il a construit l’école primaire qui a ouvert ses portes le 7 octobre 1929, avec un effectif de 104 élèves. Le premier maître de l’école fut Elhadj Alfa Ousmane Sombili Diallo, père de feu Alfa Ibrahima Mongo Diallo et Général Alpha Oumar Barou Diallo. C’est la seule école qui existait dans la localité jusqu’à l’avènement de l’indépendance », a-t-il déclaré.
Après l’indépendance, le gouvernement guinéen fit construire, par le truchement de l’investissement humain, les écoles primaires de Diawoya, Galy, Mombéya, Séfourè, Thioro, suivies les écoles primaires de Donghol, Kouffa, Diawléko, Dantaba, Sangouya, Dankolo, Lonsin, Wara, Dar-El-Salam et Dinkoli. « Quant à l’enseignement secondaire, c’est en 1966 que le collège a été créé sous le sobriquet de CER (Collège d’Enseignement Rural). Actuellement, la sous-préfecture compte 20 écoles primaires, avec un effectif de 2178 élèves dont 902 filles. Le Collège-Lycée a un effectif de 512 élèves dont 126 filles. »
Dans le Kolladhè, il y avait partout des écoles coraniques : « Bodié, Séfourè, Kenené, Galy, Mombéaya, Thioro, Kankalabé Centre et Gobiré. Le Kolladhè a connu aussi des grands érudits : Karamoko Alfa Mo Kolladhè, Cerno Mamadou Samba Mombéya, Cerno Aliou Waliou de Gomba, élève de Cerno Mamadou Samba de Mombéya, Cerno Mamadou Baldé de Gobiré et qui fit le maître coranique de Almamy Amadou, 13ème Almamy du Fouta, Elhadj Bademba Séfourè qui fit le premier à faire son pèlerinage à la Mecque en 1890, Alfa Mamadou de Kolladhè, Cerno Ibrahima de Gobirè qui alla s’installer dans le Komola Kouroussa, Elhadj Ibrahila Bodié, Karamoko Ilimane Barry de Galy, Elhadj Abdoulaye Wara et actuellement, Elhadj Thierno Hamidou Diallo de Coléyah. »
Comme bibliographie, il cite Paul Marty, Elhadj Maladho de Timbi-Madina, dans la préfecture de Pita et certaines sources orales parmi les doyens du village. Avant de conclure cette partie, il a tenu à préciser que la mosquée de Kankalabé a été la première à abriter les prières de vendredi dans le Fouta.
Sur le plan politique, ceux qui ont géré la Section du PDG-RDA et la Mairie de Kankalabé sont au nombre de 10. De Bakary Kourouma à Elhadj Abdoulaye Baldé, actuelle maire de la commune rurale.
Les administrateurs qui ont eu à gérer Kankalabé de 1959 à nos jours, sont au nombre de 28. De Kanté Kounta, chef de poste à l’époque au sous-préfet actuel, Fama Sanoh. « Retenons que de tous les temps, l’artisanat a joué un rôle prépondérant : les tisserands, les forgerons, les cordonniers, les teinturiers, les ébénistes ou lawbhè, les brodeurs, les potiers, etc. »
Sur le plan économiste et social, l’orateur s’est félicité « des avancées significatives en termes d’infrastructures sociales et économiques de base. Nous pouvons citer entre autres l’existence d’un centre de santé, de 8 postes de santé, d’un grand marché et d’une unité d’emballage d’eau minérale, d’une station d’essence. Il faut aussi signaler l’existence de près de 65 groupements d’intérêt économique et d’une union de groupements de planteurs qui a à son actif plus de 78 hectares de plantations forestières, ainsi que des pépiniéristes d’arbres fruitiers. Tout ce développement se fait grâce aux efforts conjugués des partenaires au développement notamment les ONG locales, à savoir l’Association pour le Développement de Kankalabé (ADK), l’Association des Jeunes Ressortissants de Kankalabé (AJRK), les ressortissants et le gouvernement » a-t-il conclu sa communication.