M’ma Camara : Je suis M’ma Camara, journaliste reporter d’images pour l’agence de presse africaine (APA news) qui diffuse en gros des informations, reportage (news, télé photos) à ses partenaires. Le métier du journaliste Reporter d’Images, c’est de l’idéologie à la diffusion en passant bien sûr par la collecte, la réalisation, le traitement. Je suis également présidente de l’Association de la presse étrangère en Côte d’Ivoire. (APE CI). Je me suis intéressée au métier du cinéma et du journalisme en 2000 où j’ai eu mes premiers contacts avec ces deux corps de métier et depuis 2003, je fais mon chemin.Par la force des choses, j’ai collaboré avec plusieurs médias internationaux. Notamment, Apanews Abidjan, Radio Canada, Africa N1, TF1, Vox Africa, Africanews, Al Jazeera, Associaty Press, Bein Sport, VOA Afrique, Ubiznews…
Mes journées commencent avec la conférence de rédaction. Une fois sur le lieu du reportage, je commence d’abord à analyser l’environnement avant de cibler les personnes à interviewer. Travailler en agence, c’est la rapidité et encore plus quand on est JRI. Il faut être plus rapide dans la collecte, le traitement, et la diffusion de ton contenu. Ça n’attend pas puisque les clients vous attentent ; c’est savoir s’organiser et être structuré dans la tête, sinon vous ne savez pas où vous partez.
Je suis un produit fini de la Côte d’Ivoire et j’en suis fière. Sans moyens, la volonté propulse. Je suis née à Abidjan et j’y ai reçu l’essentiel de mon éducation sociale, scolaire et professionnelle. Je suis diplômée d’un BTS en gestion commerciale, et titulaire de deux Masters en marketing – management, et en communication option journalisme d’investigation. Je prépare d’autres Masters et aussi mon Doctorat. Dans quelques années, vous allez m’appeler Dr M’ma Camara (Rire). On peut être formé en Afrique et être un bon leader.
Permettez que je souligne, avant de répondre à votre question, que M’ma Camara est également présidente de deux organisations non gouvernementales. ‘’Mafondation’’, solution complète aux démarches de réduction du gaspillage alimentaire et de revalorisation des surplus et produits invendus ou inutilisés, est un instrument de lutte contre la pauvreté et le gaspillage alimentaire. Elle stimule également la responsabilité citoyenne, encourage les pratiques responsables et apporte son soutien aux personnes qui éprouvent des difficultés à se nourrir. Et ‘’Mahmédias’’ qui prône l’éducation aux médias, l’égalité professionnelle, un vecteur de performance et de croissance, stimule la responsabilité et la qualité du journalisme et encourage les pratiques professionnelles. Elle met gratuitement à la disposition des jeunes, et surtout des femmes qui ont des projets novateurs pour le développement de l’Afrique, les supports de communication de ses partenaires. Elle prône également le journalisme de développement en encourageant les femmes et les hommes des médias à l’entrepreneuriat, à privilégier l ‘égalité des chances, à favoriser les jeunes, à découvrir la culture et le langage des médias.
Revenant à la question, disons que le Journaliste reporter d’images (JRI), c’est à la fois être rédacteur, reporter, cameraman, preneur de son, monteur. Le JRI est presque une équipe à lui seul. Il propose des sujets de reportage ou d’enquête (actualité chaude ou magazine) à sa rédaction et tourne ceux-ci en autonomie. Le JRI doit pouvoir recueillir, vérifier et traiter, en choisissant notamment un angle pertinent pour traiter un sujet. Chaque sujet que vous traitez est une expérience et chaque expérience se vit différemment et avec satisfaction. Le JRI Réalise des reportages télévisés. Sur le terrain, il recueille des images et du son grâce à sa caméra, et mène des interviews. Avant le tournage, le journaliste prépare son sujet, appelle les personnes à interroger, mène une enquête préalable pour que son reportage soit pertinent. Une fois les images tournées, il lui faut encore les monter, c’est-à-dire choisir les plans intéressants, couper des séquences et rédiger un commentaire audio.
Rien de spécial, juste quelques parchemins glanés çàet là pour donner une sérieuse orientation à mes ambitions. Avant de parler de parcours, je suis diplômée d’un BTS en gestion Commerciale, puis titulaire de deux masters en marketing management, et en communication option journalisme d’investigation. J’ai débuté mon expérience dans le Cinéma en tant que Réalisatrice de cinéma avec Arentess de Bonnalii. C’est avec lui que j’ai touché pour la première fois à une caméra et pris contact avec un banc de montage. J’ai continué mon petit chemin à la Radio avec Sidibé de Maféré pour le compte de Radio Canada dans l’émission Tam Tam d’Afrique. Ce qui m’a permis de me retrouver à Africa N1 avec Sermé Lassina, ensuite APA news, Vox Africa. A Vox Africa, j’ai été chef d’édition et rédactrice en chef du Bureau Afrique de l’ouest….
Je suis très curieuse, Observatrice de nature avec une mentalité critique, d’équilibriste et décisionnaire. A cela, il faut ajouter ma rigueur, et mon intuition développée.
En toute chose il faut d’abord aimer son métier. Être disponible et disposé, une bonne culture générale de base s’impose. Il faut aussi des qualités d’expression écrite et orale, un esprit créatif, une curiosité intellectuelle toujours en éveil, un esprit d’analyse et de synthèse, une certaine originalité, de la rigueur, l’exactitude, et être dynamique. Le JRI doit bien souvent faire ses premiers pas en travaillant à la pige.C’est-à-dire en proposant ses services à différentes agences sous forme de missions ou de projets, en vue de se faire connaître auprès d’elles. Savoir montrer sa motivation et développer son propre réseau sont donc essentiels pour entreprendre une carrière de journaliste reporter d’images.
J’aime découvrir… Devenir journaliste reporter d’images est une carrière passionnante. C’est le métier idéal pour les amoureux de découvertes, de voyages, de rencontres et de partages. Dans cette spécialité, la curiosité s’impose ainsi que la culture générale, pour analyser un événement et le mettre en perspective. La maîtrise de la langue écrite et orale est impérative, celle de langues étrangères devient de plus en plus indispensable. Tenace, réactif, le JRI possède les mêmes qualités qu’un journaliste presse et est capable de gérer toute la partie technique liée au montage audio et vidéo.
Vous savez, le métier de journaliste en Afrique n’est pas facile. J’ai travaillé dure pour me faire une place et le secret c’est de savoir s’approcher des ainés. Pendant trois ans je n’avais pas de salaire. Je payais mon transport pour aller faire mes productions. Ma satisfaction, c’est quand mes productions étaient diffusées. C’est vrai que je n’avais pas d’argent, mais j’étais honorée et cela a créé une confiance entre moi et les personnes que j’approchais pour mes sujets. Quand vous commencez en tant que pigiste, il faut avoir des moyens et cela n’a pas été facile pour moi. Mon carnet d’adresse m’a beaucoup aidé. Ma galère dans mes débuts dans la presse était pour moi un investissement pour ma notoriété et mon épanouissement.
La polyvalence est la clef de ce métier. Le Journaliste reporter d’images est le fruit de l’évolution de l’audiovisuel. Il représente une rédaction à lui seul.
Non, c’est dommage ! Il n’y a pas assez de femmes Journalistes reporter d’images surtout en Afrique oùnous pouvons estimer à 3/20 le nombre de femme JRI en Afrique. Et c’est dommage et pourtant prometteur et plein de challenges. J’encourage les femmes qui suivent nos pas. Moi de mon côté j’ai décidé d’accompagner ces valeureuses femmes dans cette spécialité d’avenir audiovisuelle. Et pour y arriver, à partir du mois de juin j’organise des masters classes sur le journaliste reporter d’images (JRI) pour des femmes journalistes en Côte d’Ivoire. Je compte former une cinquantaine de femmes dans cette spécialité gratuitement. Sur l’écriture du montage vidéo et le langage de prise de vue.
J’ai beaucoup appris de ce métier. J’ai appris à comprendre les autres et à me mettre dans la peau des autres. J’ai appris à ne pas juger dans ce métier, en écoutant les différentes parties. J’ai appris à m’imposer et à ne pas marcher sur les autres. J’ai appris beaucoup et je rends ce que j’ai appris aux plus jeunes. En tant que JRI, j’ai beaucoup voyagé en Afrique, en Europe, en Asie, en Amérique… Et ce fut très enrichissant. Je pense que cela dépend du poste qu’on occupe mais dans l’ensemble, on apprend tous les jours. On rencontre chaque jour de nouvelles personnes, on traite des sujets différents et on découvre ainsi beaucoup de choses. C’est un métier qui n’est pas lassant. C’est un métier qui n’aime pas partager son temps. Il est ‘’égoïste ” (rire). On a du mal à concilier travail et vie de famille. Surtout quand vous êtes pigiste, vous devez faire face à quelques difficultés financières. Vous êtes votre propre entreprise donc vous n’avez pas du temps pour vous et votre entourage.
C’est vrai nous n’allons pas cacher cette vérité, des femmes ont de plus en plus des difficultés à concilier vie privée et vie professionnelle. Ce sont elles qui assument la majorité des tâches ménagères estimée à 90%. La culture africaine constitue un gros frein à cet équilibre professionnel et familial. Il faut arriver à la sensibilisation des conjoints et du peuple africain en général. Me concernant, il faut le reconnaitre, le métier de journaliste absorbe 80% de mon temps. Néanmoins j’arrive à donner satisfaction sur le plan professionnel et sur le plan familial. Je sais définir mes ambitions et mes priorités, à la fois dans ma vie personnelle et professionnelle. Je sais faire des choix et les assumer le plus possible. Je m’organise pour alléger mon esprit au maximum et pouvoir être le plus efficace possible. Il faut savoir mettre en confiance son conjoint et parler régulièrement avec lui. Surtout que nous sommes toujours en voyage, la confiance mutuelle joue à 90%.
Je vais vous étonner ! Le premier fait marquant de mon histoire, c’est d’être allée à l’école. Je remercie mes parents, oui mon père et ma mère de nous avoir donné notre chance en nous inscrivant aux cours préparatoires première année (CP1). C’est l’élément déclencheur de ma réussite.
L’histoire était trop belle ! Ma mère nous a accompagnées à l’école pour la première fois, ma sœur jumelle et moi. Quand elle nous a fait entrer dans la salle de classe nous étions dans l’uniforme de couleur marron 10 000 carreaux. Elle nous a tenu la main et elle nous a dit : « Les filles, vous êtes mes copines et maintenant vous êtes devenues mes parents (père et mère). Je compte sur vous pour aller très loin dans vos études. Moi je n’ai pas eu cette chance. J’ai eu le BAC et en première année de l’université j’ai été contrainte au mariage. Je ne regrette pas parce que je vous ai eues dans ce mariage et je serai encore heureuse si vous dépassez mon niveau d’étude d’au moins de 2 ans.
Trop d’émotions et chaque fois que c’est dur nous nous rappelons de cette phrase et nous n’abandonnons jamais. Aujourd’hui, je peux vous le dire ma mère est fière de ma sœur jumelle et moi. Nous avons été éprouvées, oui beaucoup éprouvées jusqu’à vouloir abandonner les études pour être servante. Mais grâce à la volonté de mes parents de ne pas nous laisser sur le carreau, nous avons continué nos études. J’ai commencé le commerce très tôt et j’ai commencé à voyager hors de la Côte d’Ivoire à l’âge de 16 ans. Cela m’a conduite jusqu’en Chine. Comme faits marquants aussi, ce sont ces reportages de guerre que j’ai eus à faire dans certains pays en crise avec des risques rencontrés. Chaque expérience dans ce métier que j’exerce avec passion est un fait marquant et une écriture différente dans mon histoire.
La difficulté de ce métier réside dans sa particularité. Être JRI, c’est la rapidité. Il faut être plus rapide dans la collecte, le traitement, et la diffusion de ton contenu. C’est savoir s’organiser et être structuré. Il faut être disponible et toujours prêt à partir. Pour une femme, c’est un peu compliqué parce que vous n’avez pas le temps pour vous-même y compris lafamille. Mais comme je viens de le dire c’est l’organisation, c’est être volontaire et passionné.
Les difficultés font partie de notre quotidien en tant que journaliste. Je participais à une sélection de camerawoman pour une grande activité sportive. Quand je suis arrivée avec mes nombreux papiers professionnels, le patron a dit à son collaborateur Hassan : « Je t’avais dit pas de femme ». Ils ont ensuite continué la conversation en arabe. J’en ai été froissée, quand mon ami qui m’avait fait appel est revenu vers moi pour me dire : « Désolé jumelle, ça n’a pas marché parce que le boss n’a pas confiance aux femmes. Je suis rentrée toute triste mais motivée. Vous savez pourquoi ? Parce que je devrais relever un défi. Mais comment me fait voir par son patron ? J’ai donc appelé Hassan et il m’a dit : « Le jour du match tu peux faire un sujet qui n’a rien à voir avec le direct du match. J’ai donc fait des à-côtés avec les communautés des pays représentés dans la compétition et chaque jour j’avais une vidéo à envoyer avec des histoires différentes. Mon cher Hassan les a présentées à son patron mais il ne lui a pas dit qui les produisait. Quand son patron a appris par la suite que c’était moi, il m’a dit : « Félicitations ! On prend tes sujets. » A la fin avant son départ, il m’a offert une montre et il m’a dit : « Ne regarde pas le temps passé sur la montre. Mais, mets-la à l’heure chaque fois qu’elle veut s’arrêter. »
Je suis contre le fait de faire du métier de JRI un métier de dépannage, parce qu’on sait juste appuyer le power et l’off de la caméra. Mon souhait est de voir de vraies Journalistes Reporters d’Images femmes partout en Afrique ; des JRI de qualité dans la collecte et le traitement de l’information, le langage vidéo, l’écriture du montage vidéo et le traitement audio. À cet égard, j’organise chaque année des masters classes sur le JRI pour des femmes journalistes en Afrique. Je compte former une cinquantaine de femmes dans cette spécialité gratuitement. Pour y parvenir, j’ai une ONG que je dirige. Il s’agit de Mahmédias dont l’objectif premier est de s’assurer du bien-être des hommes de médias, de leur formation et leur responsabilité sociétale pour un essor économique favorable de l’Afrique. Elle veut contribuer à éduquer sur le rôle des médias, de l’information et de la communication. Mahmédias vise en effet à former des cybers citoyens à comprendre et à apprécier avec un sens critique les différents aspects des médias et leur contenu. L’éducation aux médias, à l’information et à la communication doit constituer de nouveaux défis dans le rôle que joue le journaliste. J’ai également mis sur pied Mafondation qui est une solution complète aux démarches de réduction du gaspillage alimentaire, de l’eau, de l’énergie… Sauver des tonnes de denrées alimentaires qui se retrouvent dans les poubelles chaque jour au profit des personnes en difficulté alimentaire.
Vous savez, ici en Afrique la confiance en soi est l’une des qualités les moins bien partagées et mal enseignées dans notre culture. Mais une solution existe et elle est en chaque femme, c’est d’arrêter de se dévaloriser et de manquer d’assurance, il faut oser et s’affirmer. L’investissement durable se trouve dans la stratégie de planification : plus vous êtes ambitieux, plus vous vous donnez les moyens de vous enraciner dans ce secteur. Le travail est une passion et le travail bien fait et reconnu est le premier salaire que chaque femme doit pouvoir se procurer avant les pécules de la fin du mois. Le seul parcours de combattante en tant que femme entreprenante est de pouvoir surmonter sa peur et de s’affirmer. S’affirmer, c’est se faire confiance, et se faire confiance, c’est être le propre artisan de sa réussite. Il n’y a pas mieux que vous-même pour bien sculpter votre art. Chères consœurs prenez en main votre destin et écrivez votre histoire.
On ne vient pas au journalisme pour être riche mais pour être un acteur du développement. Le métier de JRI est un métier noble et il n’y a pas de honte à cela en tant que femme à le pratiquer. Ce n’est pas notre rôle d’enflammer mais de faire comprendre, prendre conscience, résoudre et apaiser. Il faut savoir être humble dans ce métier. Je vous remercie pour l’occasion que vous m’offrez pour parler aux femmes.
Par Mamadou Alpha Sow