M le président Mamady Doumbouya il est clair que votre prise de pouvoir signifie pour une grande majorité des guinéens, libération, apaisement, fin des violences récurrentes, fin des injustices.
Et les guinéens vous en seront reconnaissant !
Nous savons aussi que les chantiers que vous avez trouvés sont abyssaux et par moment difficiles à réaliser.
Mais en dépit de tout M le président Mamady Doumbouya, ne cherchez pas à rompre avec vos objectifs primordiaux pour l’édifice d’un État juste, égalitaire en Guinée.
Vraisemblablement, les crises actuelles, mais aussi et surtout, le lent mais réel réveil des consciences sociales guinéennes, visibles dans la demande accrue en démocratie, en mieux-être, en éducation, en information sont aussi les signes que la société guinéenne ne se trouve pas seulement en transition politique, mais en transition sociale et culturelle. Et l’occulter sera une grave erreur.
Nous nous trouvons dans une conjoncture historique importante après plusieurs blocages d’une transition politique biaisée par l’élite. Et il nous faut impérativement rentrer dans une phase de transformation profonde, si nous voulons mettre fin à la crise de l’État guinéen.
Donc les crises actuelles doivent nous aider à décrypter le sens et le dessein des évolutions en cours dans notre pays.
Nous devons au moins développer une claire intuition des aboutissements vers lesquels ces processus de transformations sociales nous conduisent.
Et dans un contexte général d’incertitude, il nous est interdit de gouverner qu’à la surface.
Pour gagner ce pari, nous devons aller à la recherche de nouveaux rapports entre
l’Etat et la société guinéenne.
Ce qui sous-entend, qu’il faut être en mesure de maîtriser ces transformations, pour élaborer un agenda avec intelligence et en parfaite harmonie avec les attentes du peuple de Guinée.
Car être le premier d’un État, signifie élever la condition humaine de son peuple, assurer par ses moyens puissants le développement harmonieux de sa population, créer un environnement réellement propice au développement dans lequel il peut évoluer.
M Mamady Doumbouya, être le premier d’un État signifie, refuser de créer un État qui rapetisse ses citoyens pour en faire des instruments dociles, qui refuse le droit au développement à son peuple, qui encourage l’intolérance au savoir. Pour ainsi célébrer les médiocres.
C’est surtout faire en sorte que les richesses du pays profitent à tous les peuples, en favorisant la naissance d’une société qui se repose sur des valeurs communes de solidarité, de justice sociale et de respect des droits de l’homme.
Il faut rompre avec cet État qui puise ses fondements dans le néo-patrimonialisme basé sur: une extrême personnification du pouvoir, sur un système fort de clientélisme et de patronage, et sur une mauvaise utilisation et répartition des ressources de l’État.
Prôner l’instauration des institutions fortes ne suffit pas.
Car les valeurs d’un État repose sur les individus qui la composent.
Ce qui signifie que si ces individus sont atteints d’une déficience morale et intellectuelle, manquent de probité et de respect pour la chose publique. Les institutions étatiques ne seront que des coquilles vides.
C’est ce qui explique d’ailleurs que les raisons les plus profondes du retard économique de ce pays tout comme les symptômes de son sous-développement se trouvent à l’intérieur et bien évidemment en nous.
Et vous M le président Mamady Doumbouya, vous devez mettre en place les premiers édifices qui mettront fin à ces symptômes du sous-développement et à cet État néo-patrimonial.
Ainsi notre espoir en vous ne se transformera pas aussi en une autre déception programmée.
Car « de la même manière que la flamme d’une bougie brille de sa lumière la plus vive avant de s’éteindre», nous voulons croire que nous assistons aux derniers
soubresauts d’une période historique qui se meurt, celle de la Guinée des crises et des incertitudes.
Aïssatou Chérif Baldé.