La junte militaire guinéenne qui dit faire de la récupération des biens de l’État détournés par les hauts cadres de l’ancien régime son champ de bataille est passé ces derniers jours à la vitesse supérieure.
Puisqu’il vient de déloger l’ex président de l’assemblée nationale M Amadou Damaro Camara de sa Villa appartenant à l’État.
D’autres anciens caciques du régime de M Alpha Condé sont aussi sur le viseur de l’équipe gouvernementale.
Et ce faisant, le premier ministre Mohamed Beavogui a fait un communiqué invitant ceux qui occupent le patrimoine de l’État à les libérer ou de prendre contact avec le ministère de tutelle.
Des actes salvateurs, puisque le patrimoine foncier d’un État est sacré. Et surtout qu’en Guinée, la spoliation du patrimoine foncier de l’État par ses propres agents prouve le contraire.
Chacun prend comme bon lui semble.
Cependant, il reste à savoir pourquoi le président Mamady Doumbouya prêt à récupérer les biens de l’État ne fait pas de la déclaration du patrimoine de ses ministres une obligation ?
N’est-ce pas si la justice doit être la boussole de l’État guinéen, si l’on doit éviter les erreurs du passé et pour un souci de transparence, d’éthique?
Il serait donc judicieux qu’avant et après l’exercice des fonctions nominatives ou électives pendant cette période de transition, que chaque membre de ce gouvernement déclare ses biens.
En effet, le Président de la République et les membres du gouvernement doivent être tenus obligés de faire la déclaration écrite de leur patrimoine familial énumérant leurs biens meubles, y compris actions, parts sociales, obligations, autres valeurs, comptes en banque, leurs biens immeubles y compris terrains non bâtis, forêts, plantations et terres agricoles, minières, et tous autres immeubles, avec indication des titres.
Car nous n’avons pas encore oublié le pillage de l’État lors de la dernière transition démocratique ratée sous M Sékouba Konaté.
À l’arrivée de M Alpha Condé au pouvoir, les caisses de l’État étaient presque vidés de son contenu.
Les ministres de cette transition ont tout simplement pillé les caisses de l’État. Ils se sont enrichis de façon illicite. Et ils se sont même octroyés avant leur départ des parcelles et de l’argent.
Malheureusement, dans cette situation de corruption même certains membres du CNT étaient aussi complices.
Alors, si le psdt Mamady Doumbouya et les membres de son gouvernement de transition refusent de procéder à la déclaration de leur patrimoine ou que cette déclaration se heurte néanmoins à des résistances.
Dans ce cas, qu’ils ne nous parlent pas de lutte contre la corruption ou de refondation de l’État.
Car lorsqu’on veut faire de la lutte contre la corruption, son cheval de bataille.
Lorsqu’on veut moraliser la gestion de la chose publique sur fond de transparence, de probité.
Il serait d’une impérieuse nécessité de commencer d’abord par faire de la déclaration de son patrimoine une obligation constitutionnelle à défaut une obligation morale.
Cela exige que M Mamady Doumbouya et les membres du gouvernement soient tenus, lors de leur entrée en fonction et à la fin de celles-ci, de faire sur l’honneur une déclaration écrite de tous leurs biens et patrimoine qu’ils adresseront à la cour suprême par exemple.
Cette déclaration devrait d’ailleurs en temps réel se faire avant leur prise de fonction.
Et par une telle audience solennelle, les membres du gouvernement vont témoigner de leur humilité, leur sincérité et de leur probité au peuple de Guinée.
Par fini les autres autorités élues ou nommées feront de même.
En agissant ainsi, ils prouveront à la face du monde, que leur détermination à faire de la lutte contre l’enrichissement illicite, leur champ de bataille n’est pas une sorte de trompe l’œil.
Malheureusement les partis politiques d’oppositions, les forces vives de la nation, censés attirer l’attention de la junte militaire sur cette autre erreur ou contradiction du gouvernement de transition par rapport au discours tenu le 05 septembre 2021, préfèrent briller par leur silence.
Or, on ne peut pas prétendre poursuivre les anciens dignitaires qui sont coupables de détournement illicite de fonds publics et refuser de déclarer son patrimoine.
Car c’est grâce à ces pratiques éhontées que les anciens dignitaires se sont depuis toujours outrageusement enrichis dans ce pays.
Une situation qui fait malheureusement de la Guinée l’un des pays les plus corrompus au monde.
Pourtant, la déclaration du patrimoine vise à lutter contre la corruption, un fléau qui touche tous les échelons de l’administration guinéenne.
Et la junte militaire sait pertinemment que pour lutter contre la corruption et infractions assimilées dans la fonction publique.
Il faudra commencer par rompre avec les anciennes pratiques malsaines, obscènes qui ont fait de l’État guinéen, un État déficitaire, défaillant.
En commençant d’abord à exiger que tous les agents publics ou ceux qui sont désignés par les lois nationales déclarent leurs biens lors de leur prise de fonctions, ainsi pendant et à la fin de leur mandat.
C’est seulement à travers de tels actes que vous pourrez convaincre même les plus sceptiques de votre détermination à lutter contre la corruption des agents publics devenue un phénomène complexe et dont les effets sont dévastateurs sur la stabilité politique, économique, sociale et culturelle du pays.
Mais apparemment, les nouvelles autorités guinéennes ont du mal à comprendre qu’il existe un lien entre la déclaration de patrimoine et la lutte contre la corruption.
Dans ce cas, vivement le changement dans la continuité, la fabrication de nouveaux voleurs de la République dans une Guinée où tout change pour que rien ne change.
Aïssatou Chérif Baldé