Malgré les multiples restrictions liées à la pandémie, cette année, les transferts de fonds des migrants sont en hausse. Déjà plus de 589 milliards de dollars ont déjà été envoyés en 2021 par les exilés vers leurs pays d’origine. Des envois qui constituent souvent une « véritable bouée de sauvetage » pour les familles restées sur place.
Des chiffres records. Cette année, les sommes d’argent expédiées par les migrants vers leurs pays d’origine ont déjà atteint 589 milliards de dollars, soit une hausse de 7,3% par rapport à 2020, selon un nouveau rapport de la Banque mondiale.
« Pour la deuxième année consécutive, les envois de fonds vers les pays à revenu faible et intermédiaire, hors Chine, devraient dépasser la somme des investissements directs étrangers (IDE) et de l’aide publique au développement (APD) », a-t-elle expliqué.
Parmi les facteurs qui ont contribué à la forte croissance des envois de fonds : « la détermination des migrants à soutenir leurs familles en période de crise, aidée par la reprise économique en Europe et aux États-Unis, elle-même soutenue par les programmes de relance budgétaire et de soutien à l’emploi », note l’institution.
En 2020, malgré la pandémie de Covid qui a plongé le monde en récession, la baisse de ces fonds avait été contenue à 1,7%. Et ce, « grâce aux plans d’aide économique massifs mis en place dans les pays développés qui avaient permis aux migrants de continuer à envoyer de l’argent, après avoir eux-mêmes reçu ce coup de pouce financier des gouvernements ».
Au Maghreb, un bond de 15%
Cette année, toutes les régions sont concernées par la forte croissance des envois de fond. Les flux ont ainsi bondi de 9,7% au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, pour atteindre 62 milliards de dollars, « grâce au retour à la croissance dans les pays d’accueil de l’Union européenne (France et Espagne notamment) ».
Cette hausse s’explique aussi par la forte progression des flux entrants vers l’Égypte (12,6 %, soit 33 milliards de dollars) et vers le Maroc (25 %, soit 9,3 milliards de dollars). Dans le royaume, les migrations de transit jouent d’ailleurs « un rôle important dans ces résultats favorables ». Les envois de fonds vers le Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie) ont quant à eux fait un bond de 15,2 % du fait de la croissance de la zone euro.
Vers l’Afrique subsaharienne, « les envois de fonds ont repris de la vigueur en 2021 » : en progrès de 6,2 %, ils ont atteint 45 milliards de dollars. Le premier bénéficiaire du continent est le Nigeria, avec 17 milliards de dollars envoyés. Suivent le Ghana et le Kenya, avec respectivement 4,5 et 3,7 milliards. Le Sénégal arrive juste ensuite, avec 2,6 milliards reçus.
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Pour les pays concernés, l’argent des exilés est aussi une manne conséquente. D’abord parce qu’il contribue directement à leur croissance. Cette année, les pays où le volume des remises migratoires en pourcentage du PIB est le plus conséquent sont la Gambie (33,8 %), le Lesotho (23,5 %), le Cap-Vert (15,6 %), les Comores (12,3 %), le Liberia (10%) et le Sénégal (9,5%).
Ensuite parce que les montants envoyés par les migrants dépassent parfois le montant de l’aide au développement. En 2017, d’après l’African Institute of Remittances (AIR), les transferts de fonds de la diaspora africaine ont atteint 65 milliards de dollars. Soit plus du double de l’aide publique au développement des bailleurs de l’Afrique, à 29 milliards.
« Bouée de sauvetage »
Pour les familles, ces transferts de fonds sont une véritable « bouée de sauvetage », qui leur permettent essentiellement de se nourrir, de se soigner, ou de payer la scolarité des enfants. Pour de nombreux foyers, ces sommes représentent jusqu’à 40 % du revenu de leurs revenus, affirme une étude du Fonds international de développement agricole (Fida) publiée en 2015.
Et ce, malgré les commissions exorbitantes prélevées par les géants du secteur que sont Western Union ou Money Gram. « Au premier trimestre 2021, le coût de l’envoi d’argent au-delà des frontières internationales est resté élevé, autour de 6,4 % en moyenne », affirme la Banque mondiale. Un chiffre plus de deux fois supérieur à l’objectif de 3 % à l’horizon 2030 fixé par les Objectifs de développement durable. Mais c’est vers l’Afrique subsaharienne qu’il est le plus cher, autour de 8 %. En cause ? Des flux formels peu nombreux, et « l’utilisation des taux de change du marché noir ».
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Pour contourner ces frais, de plus en plus d’Africains font désormais appel à la concurrence, qui s’est beaucoup développée ces dernières années dans le secteur. D’autres sociétés, moins chères, se sont fait une place. À l’instar de World Remit, créée par l’entrepreneur du Somaliland Ismaïl Ahmed, ou de Wizall Money, une application spécialisée dans les paiements électroniques basée au Sénégal. Fondée en 2015, la société compte aujourd’hui près d’un million d’utilisateurs répartis au Sénégal, mais aussi en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso et au Mali.
Des applications qui participeront sans doute à la croissance des transferts de fonds en 2022, estimés par la Banque mondiale à 2,6%.