À quoi faut-il s’attendre lorsqu’on est un mineur étranger isolé arrivant en France ? Comment entamer une procédure de prise en charge, être accompagné, logé ? InfoMigrants fait le point.
Article actualisé en mars 2021.
Environ 17 000 mineurs isolés sont pris en charge par la France chaque année. InfoMigrants fait le point sur la procédure à suivre pour faire reconnaître sa minorité sur le sol français.
Qu’est-ce qu’un mineur non-accompagné ?
Selon France Terre d’Asile, « c’est un jeune de moins de 18 ans qui n’a pas la nationalité française et se trouve séparé de ses représentants légaux sur le sol français. De sa minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal une situation d’isolement et un besoin de protection. »
J’arrive en France, je veux faire reconnaître ma minorité, où dois-je aller ?
Si je suis à Paris, c’est la Croix rouge qui s’occupe des mineurs isolés. Il faut se rendre dans les locaux du Demie (Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers), 5 rue du Moulin Joly, dans le 11e arrondissement. Le Demie est ouvert du lundi au vendredi de 9h à 17h.
Si je suis en Seine-Saint-Denis (93), c’est également la Croix rouge. Dans le Val de Marne (94), c’est l’association France Terre d’Asile qui s’en occupe.
Si j’arrive dans un autre département français (dans les Alpes-Maritimes, par exemple, parce que je viens d’Italie), je dois m’adresser à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) qui se trouve au sein du Conseil départemental.
En vertu des lois européennes et de la Convention internationale des droits de l’enfant, un mineur est un enfant avant d’être un migrant. À ce titre, il a le droit d’entrer dans le dispositif français de protection de l’enfance.
Depuis le début de l’année 2019, de nouvelles mesures existent. En parallèle de votre rendez-vous à l’Aide sociale à l’enfance, vous devrez vous présenter à la préfecture pour un relevé d’empreintes. L’État vous enregistrera dans un fichier centralisé. Cette nouvelle disposition vous empêchera de passer de département en département. Par exemple, si les Alpes-Maritimes vous refusent la minorité, ce refus fera loi dans tous les autres départements.
À noter : il n’y a pas de relevés d’empreintes effectués sur les mineurs à Paris et en Seine-Saint-Denis.
Le Demie ou l’ASE vont vous donner une date pour un entretien. Ni l’un, ni l’autre n’ont le droit de vous refuser l’accès à leurs locaux. En cas de refus, vous pouvez demander l’aide d’une association*.
Dans les autres départements, des associations peuvent également vous aider. En voici ici une liste non-exhaustive.
Comment se passe l’entretien ?
Le Demie (à Paris) ou l’ASE (dans les autres départements) doivent vous faire passer un entretien d’évaluation pour déterminer votre minorité. Gardez le maximum de documents susceptibles de vous aider à prouver que vous avez moins de 18 ans (extrait d’acte de naissance, pièce d’identité, papiers de scolarité…).
« Si vous n’avez pas de papiers d’identité, l’administration française est censée tout faire pour vous aider à les retrouver mais, dans les faits, c’est extrêmement rare », précise toutefois Corinne Torre, cheffe de mission France chez MSF.
>> A (re)lire : Le désarroi des enfants-migrants qui débarquent à Paris : où trouver de l’aide ?
Si vous ne parlez pas français, un interprète sera mis à votre disposition. Il peut arriver que l’un des examinateurs du Demie parle votre langue et traduise lui-même vos propos. Si c’est le cas, n’hésitez pas à vous confier.
Cet entretien est extrêmement important. Ne mentez pas, n’écoutez pas les passeurs qui peuvent vous fournir de « fausses histoires ».
L’administration vérifiera toutes les informations que vous donnerez. Pour vérifier votre âge, l’agent posera des questions sur votre parcours, votre histoire personnelle, votre famille… Certains départements ont recours à des tests osseux même si, selon la loi, ces derniers ne peuvent être réalisés que sur décision judiciaire.
Si vous le souhaitez, vous avez également la possibilité de demander une consultation médicale pour évaluer votre état de santé.
Pendant l’étude de mon dossier où vais-je dormir ?
À partir du moment où vous avez la date de votre rendez-vous d’évaluation, l’ASE et le Demie ont la responsabilité de vous loger. Une fois reconnu mineur(e), en fonction de votre âge et des places disponibles, vous pouvez être placé(e) en foyer de l’enfance, dans un hôtel social, dans des Maisons de l’Enfance, ou en famille d’accueil.
Si vous dormez dehors, vous pouvez trouver de l’aide auprès d’associations (Médecins sans Frontières, Utopia 56…).
Qui prend la décision de ma minorité ?
À Paris, c’est la DASES (Direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé) qui rend sa décision en quelques jours après la transmission de votre dossier par le Demie.
Dans la majorité des autres départements, c’est l’Aide sociale à l’enfance (ASE) qui rend sa décision.
Que faire si je suis débouté ?
Si vous êtes débouté(e) de votre minorité, vous pouvez déposer un recours devant le tribunal pour enfants et vous faire représenter par un avocat. C’est alors un juge pour enfant qui statuera sur votre situation.
Si l’examen n’a pas encore été réalisé, certains magistrats peuvent demander un recours aux tests osseux.
Les recours peuvent être longs. « En moyenne, à Bobigny, [un recours] prend maximum six mois. À Evry, ça peut prendre 14 mois, pareil à Nanterre. À Paris, on a réduit les délais : on est à quatre mois », explique Ludivine Erragne, responsable du plaidoyer juridique de la mission France de Médecins sans frontières (MSF) dédiée aux mineurs non-accompagnés.
En cas de réponse négative du juge des enfants, les jeunes peuvent faire appel. Mais là encore les délais vont de six mois à un an d’attente pendant lesquels les jeunes sont livrés à eux-mêmes.
Dans ce cas de figure aussi vous pouvez demander de l’aide auprès d’associations comme Médecins sans Frontières ou d’Utopia 56 pour trouver des solutions d’hébergement dans ce laps de temps. Mais il faut savoir que, dans la majorité des cas, faute de places d’hébergement, la rue reste un passage obligatoire.
Si je suis reconnu mineur, suis-je expulsable ?
Non, il est impossible d’expulser un(e) mineur(e).
Une fois votre minorité reconnue, il est important de demander l’asile rapidement. Pour rappel, un(e) mineur(e) perd tous ses droits le jour de sa majorité.
>> À relire : Demander l’asile quand on est mineur isolé : une course contre la montre
Attention : en France, un(e) mineur(e) ne peut engager une procédure juridique ou administrative sans avoir de représentant légal, appelé « administrateur ad hoc ». C’est à la préfecture de saisir le procureur pour qu’il désigne l’administrateur ad hoc.
Le dossier de demande d’asile doit être rempli en français et signé par cet administrateur ad hoc avant d’être envoyé à l’Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), la seule instance habilitée à délivrer une protection internationale en France.
* Pour vous aider à vous rendre au Demie ou dans une ASE, vous pouvez contacter l’ADJIE (accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers). À Paris, l’Adjie tient des permanences au 49 ter avenue de Flandres, dans le 19e arrondissement, ou Médecins sans frontières (MSF). Il est aussi possible de contacter le Gisti, la Cimade, et les Midis du Mie.
Avec infomigrants