En un mois, une trentaine de migrants soudanais ont été expulsés de Libye, dans le désert du Sahara, le long de la frontière avec le Soudan « sans aucun respect des procédures légales », s’est alarmée l’ONU. D’autres personnes, originaires d’Érythrée, de Somalie ou du Tchad, ont également été victimes d’expulsions illégales ou « pourraient l’être à tout moment ».
Le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme (HCDH) s’inquiète d’une série « d’expulsions forcées » de migrants de la Libye vers la frontière avec le Soudan observées ces dernières semaines.
Lundi 6 décembre, un groupe de 18 Soudanais a été renvoyé dans le désert du Sahara par les Libyens « sans aucun respect des procédures légales », a déclaré, vendredi, dans un communiqué, l’agence onusienne.
Un mois plus tôt, 19 autres personnes originaires du Soudan avaient également connu le même sort.
« Expulsés de manière arbitraire »
À chaque fois, le procédé est identique : les exilés sont transférés du centre de détention de Ganfouda, à Benghazi, vers la prison d’al-Koufra, dans le sud-est de la Libye. C’est depuis cette structure, contrôlée par le ministère de l’Intérieur, que les migrants sont ensuite renvoyés dans la zone frontalière avec le Soudan. Là, ils sont abandonnés par les autorités libyennes au milieu du Sahara.
Ces exilés auraient été « arrêtés, placés en détention et expulsés de manière arbitraire sans qu’une évaluation individuelle de leur situation et de leurs besoins de protection ne soit effectuée », a déploré l’ONU. Les migrants peuvent être victimes de persécution, de torture ou de mauvais traitements lors de leur retour dans leur pays d’origine.
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Le HCDH craint par ailleurs que 24 Érythréens, détenus dans la prison de Ganfouda, ne subissent un traitement similaire. « Nous avons été informés que, dans un schéma reflétant l’expérience des Soudanais expulsés, ils avaient été transférés au centre de détention d’al-Koufra en vue de leur expulsion », s’est alarmé Rupert Colville, porte-parole de l’organisation, lors d’une conférence de presse à Genève.
Eux non plus n’ont, « apparemment », pas eu accès à une aide juridique ou « aux organisations des Nations unies pendant leur détention », a détaillé le porte-parole.
Ces derniers mois, d’autres personnes originaires du Soudan, d’Érythrée, de Somalie et du Tchad, ont également été victimes d’expulsions illégales ou « pourraient l’être à tout moment ». Parmi elles, des enfants et des femmes enceintes, signale l’ONU.
La Libye doit « respecter ses obligations internationales »
L’agence appelle Tripoli « à agir de toute urgence pour respecter ses obligations internationales, notamment le principe de non-refoulement et l’interdiction des expulsions collectives ». Elle demande également à la Libye de « protéger les droits de tous les migrants en Libye, d’enquêter sur toutes les plaintes pour violations et abus, et de traduire les auteurs en justice dans le cadre de procès équitables ».
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Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, le pays est devenu un lieu de transit pour les migrants désireux de rejoindre l’Europe. En attendant de monter dans un canot pour traverser la Méditerranée, les exilés sont soumis à toutes sortes d’abus comme les violences sexuelles, l’extorsion ou encore la torture. Des pratiques maintes fois dénoncées par les ONG et les organisations internationales, qui pointent aussi du doigt la responsabilité de l’Union européenne (UE).
Dans un rapport publié en juillet dernier sur la situation des migrants en Libye, Amnesty international accusait l’UE de « complicité ». « Les partenaires européens continuent d’aider les garde-côtes libyens à renvoyer de force des personnes vers les atteintes aux droits humains qu’elles tentaient de fuir en Libye », affirmait l’ONG.
Cet été, l’UE, à travers l’Italie, a renouvelé son accord matériel et financier avec les garde-côtes libyens afin de stopper un maximum d’embarcations en route vers l’Europe.
Pour le HCDH, la communauté internationale doit « faire preuve de diligence raisonnable » dans son soutien aux autorités libyennes afin de garantir le respect des droits humains.
Avec infomigrants