Les 100 premiers jours ne sont jamais suffisants pour établir un quelconque bilan d’un pouvoir. Souvent, ils ne permettent même pas de se faire une idée claire et précise de l’orientation d’un régime. Toutes propositions gardées, le CNRD semble faire exception à cette règle aussi vieille que l’histoire des Nations. Si le débat continue et n’a pas encore permis de lever toutes les zones d’ombres planant à la fois sur le vrai visage de la personnalité cachée derrière les verres teintés du tombeur du Président Alpha Condé et sur les véritables raisons ou motivations personnelles qui ont amené ou obligé le Colonel Mamadi Doumbouya à se défaire de l’ancien employeur du Commandant des Forces Spéciales et sur la lancinante question du chronogramme de Transition, il est évident que le réquisitoire-discours de prise du pouvoir prononcé depuis le perron du Palais SEKHOUTOUREYAH est très indicatif quant à la volonté de rupture totale du CNRD d’avec le régime déchu du RPG Arc en ciel :
« Guinéennes et Guinéens
Chers compatriotes
La situation sociopolitique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la Justice, le piétinement des droits des citoyens, l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique, ont emmené l’armée républicaine et guinéenne, à travers le comité national du Rassemblement et du développement, CNRD, à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple souverain de Guinée, et dans sa totalité. «
À l’observation des 100 premiers jours, nombreux sont les analystes qui font état d’une certaine cohérence, d’une véritable harmonie entre cette toute première déclaration annonçant la refondation et tous les gestes, actes et actions posés par le Président du CNRD depuis ce jour.
Fondamentalement, tout indique que le Colonel Mamadi Doumbouya et le CNRD se donnent des objectifs ou missions, se projettent dans un avenir qui vont au-delà du temps d’une Transition et nécessitent une Révolution dont la durée n’est jamais définie. D’ailleurs,
le Président du CNRD en parlant de Refondation dès les premiers jours de sa prise du pouvoir semblait prévenir les Guinéens et la communauté internationale sur ses intentions sinon sa volonté de faire la Révolution en allant dans la profondeur du mal ou des maux Guinéens et exorciser le pays.
Si le CMRN, en avril 1984, et le Colonel Lansana Conté, en mettant fin au régime du PDG ont procédé à l’arrestation systématique des dignitaires du régime défunt, à l’exécution, après les douloureux événements du 04 juillet 1985, de nombreux responsables du parti état et simples proches du Président Ahmed Sekou Toure, tourné la page du socialisme incarné par le Parti-Etat du Responsable Suprême de la Révolution, si le CNDD et le Capitaine Moussa Dadis Camara, en décembre 2008, en empêchant la succession constitutionnelle que devrait incarner le Président de l’assemblée nationale, Elhadj Aboubacar Sompare, après le décès du Général Président Lansana Conté, ont passé le temps à dénoncer les différents gouvernement du régime renversé et se sont montrés plutôt grognards contre certaines personnalités qui ont exercé des fonctions importantes au sommet de l’état, il est évident que ni l’un ni l’autre n’a procédé à un diagnostic exhaustif et complet de la gestion héritée, soumis ou confronté ses prédécesseurs face à leurs responsabilités. Le CNRD semble vouloir trancher avec ces formes de prise de pouvoir et de succession sans aucun état des lieux du passé.
En effet, comme pour rompre clairement d’abord avec le système de celui qu’il a renversé et humilié à travers le tours de Conakry notamment sur l’axe Bambeto – Hamdallaye sous les huées d’une marrée humaine spontanément formée, le nouvel Homme fort a entrepris, dès les premiers jours de son avènement au pouvoir, une série d’activités qui annonçaient déjà la couleur.
Il est vrai, que le CNRD et son Président dépuis la mortifiante promenade du 05 septembre 2021, ont pris des dispositions pour assurer au President déchu un traitement sauvegardant son intégrité morale et physique. Mais, l’ancien Président Alpha Condé récemment transféré à la Cité ministérielle dans la résidence de l’ancienne Première Dame précisément reste toujours en état de détention ou de rétention privé de l’essentiel sinon de la totalité des droits reconnus ou accordés à un libre Homme.
Les membres de son dernier Gouvernement, non plus, ne sont pas des citoyens libres même si, contrairement à Alpha Condé bunkerisé, ils bénéficient de la part du CNRD la faveur de résider à domicile.
Convoqués, dès le lundi 06 septembre 2021 au Chapiteau, l’état major des nouveaux Maîtres cagoulés du pays, les anciens membres du Gouvernement sont depuis soumis à un régime restrictif et de surveillance avec le retrait du véhicule ministériel, la confiscation du passeport, l’interdiction de voyage et même d’accéder au bureau. À ce jour, aucun d’eux n’est encore situé sur sont sort.
Le Président Alpha Condé et ses collaborateurs écartés définitivement du pouvoir, maîtrisés et mis hors d’état de nuire, le Colonel Mamadi Doumbouya s’est déjà tracé le chemin de sa refondation de l’état ou de la Révolution Guinéenne qu’il envisage.
Les premiers pas de cette marche se manifestent par des gestes symboliques de haute portée ou signification politique comme la visite à la première Première Dame Hadja Andrée Touré veuve du Président Ahmed Sékou Touré suivie par un fort acte récemment avec la « restitution » à sa Famille des Cases de Belle-vue (que le Responsable Suprême de la Révolution n’aurait sans doute pas accepté ), celle rendue au Kuntigui de la Basse Guinée, Elhadj Sekhouna Soumah, l’un des farouches adversaires au 3ème mandat, le recueillement au Cimetière de Bambeto où reposent des opposants manifestants contre les 11 ans de Gouvernance Alpha Condé, le projet de modification constitutionnelle et sa proclamation à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, la libération définitive des prisonniers dits politiques notamment des leaders du FNDC, la réhabilitation dans leurs droits des leaders politiques comme Sydia Touré et Cellou Dalein Diallo avec restitution de passeport et autorisation de voyager, la réouverture du siège et la libération
des responsables de l’UFDG comme Ibrahima Chérif Bah, Ousmane Gaoual Diallo qui passe du Mitard à l’une des positions les plus élevées du nouveau pouvoir en tant que ministre et porte-parole du Gouvernement CNRD.
Elle s’est poursuivie par des séries de rencontres avec les acteurs sociopolitiques ainsi que les différentes catégories professionnelles du pays. Tout au long de ces échanges, l’on a pu constater une forme d’intérêt du Colonel Mamadi Doumbouya pour des valeurs et vertus comme la Paix, l’unité nationale, la cohésion sociale et surtout un engagement à œuvrer afin que la Transition qui s’ouvre soit la dernière et accouche d’une nouvelle forme de Gouvernance où les maux dénoncés et reprochés aux précédents régimes ne seront plus possibles en Guinée.
Que les règles, les principes et les lois de la République soient sacrés pour les uns et les autres, que d’aucuns n’abusent ou ne privatisent plus impunément les ressources du pays.
La mise à la retraite des 42 Généraux de l’armée et de 1000 militaires, le limogeage et le remplacement de tous les chefs d’état majors généraux et particuliers de la Grande muette, la mise à la retraite de 123 officiers de la Douane notamment du directeur général, Toumany Sangare limogé et remplacé, de 537 officiers de la Police dont l’incriminé directeur général Ansoumane Camara Baffoe renvoyé sont autant d’actes qui vont dans le sens de la refondation ou de la Révolution revendiquée par le Président du CNRD. Tout comme la mise à la retraite de 6300 fonctionnaires et de 427 conservateurs de la nature pour, selon le nouveau régime, faciliter le recrutement de milliers de jeunes diplômés des universités Guinéennes et étrangères toujours au chômage. Mais, l’arme de cette Révolution, c’est bien la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) aux compétences étendues à tous les domaines, devant laquelle sont passibles tous les gestionnaires passés et présents du pays. Avec la CRIEF et la Commission de récupération des biens de l’état, le Président du CNRD suspend l’épée de Damocles au dessus de la tête de tous les gouvernants anciens, actuels et même futurs du pays que le destin lui permettra de gérer.
On le sait, le Président Alpha Condé et ses ministres sont privés de la liberté de mouvement notamment de sortie du pays, mais les chefs des DAAF, les directeurs des établissements publics sont également assignés, leurs passeports retirés et sont interdits de quitter la Guinée. Les audits annoncés pourraient amener beaucoup d’entre eux à s’expliquer devant le nouveau tribunal.
Comme pour signifier sa détermination dans son entreprise de deconstruction du régime Alpha Condé et de tous ses symboles, de correction des dérapages qui ont porté atteinte aux intérêts et à l’honneur de l’état Guinéen.
Mais, que nul ne pavoise. Les nouveaux dignitaires, en cas d’indélicatesse dans la gestion, pourraient être également traduits devant la même Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). Les accusations formulées ces derniers temps et les audits annoncés sur plusieurs anciens dossiers font croire à de nombreux observateurs que l’ancien légionnaire Français, Colonel Guinéen Mamadi Doumbouya s’identifie au Capitaine d’aviation Ghaneen, Jerry Rawlins et à l’ancien Général parachutiste Malien, Amadou Toumany Touré qui, dans les années 70 – 80 et 90, ont fait confronter les anciens dirigeants renversés de leurs pays à leur gestion.
C’est en cela exactement que le Colonel Doumbouya et le CNRD semblent faire la différence avec le CMRN du Colonel Lansana Conté et le CNDD du Capitaine Moussa Dadis Camara.
Cependant, la refondation ou la Révolution Guinéenne avec le Colonel Mamadi Doumbouya reste tout un Programme dont la durée frise un mandat présidentiel.
Il se veut totalement libre et avance à son rythme
La prestation de serment, le 1er octobre 2021 et la nomination du Premier ministre, Mohamed Béavogui, le 06 octobre 2021 soit un mois après le coup d’état, la laborieuse formation du Gouvernement civilisé, rajeunie et féminisée, la lenteur dans la formation des cabinets ministériels, l’alanguissement dans les remplacements des directeurs nationaux et généraux qui se poursuivent encore, la difficile situation d’attente des chefs de DAAF sur le départ ou les atermoiements créés ou rencontrées dans la mise en place du CNT, (organe législatif de la Transition) ainsi que les multiples chantiers engagés ou relancés dans de nombreux secteurs, prouvent que le Colonel Doumbouya veut se donner réellement le temps qu’il souhaite pour réaliser sa Révolution. Reste à savoir quelle marge de manœuvre ou quel compromis a-t-il négocié ou trouvé avec les acteurs Guinéens et la communauté internationale pour que tout cela se passe dans la Paix.