Selon Didier Leschi, le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), tous les exilés, quel que soit leur statut administratif, peuvent bénéficier d’un hébergement dans les centres d’accueil du nord de la France. Beaucoup de migrants en situation irrégulière refusent généralement de s’y rendre, de peur d’être repérés et expulsés.
InfoMigrants : Des mises à l’abri sont-elles proposées systématiquement aux migrants lors des évacuations de camps à Calais ?
Didier Leschi : « Oui, des mises à l’abri sont systématiquement proposées deux fois par jour, le matin et en début d’après-midi, via des systèmes de navettes rue des Huttes.
Avant, des cars étaient présents lors des démantèlements pour orienter les migrants vers les hébergements mais les associations ont introduit une procédure judiciaire pour contester cette pratique.
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D’autre part, tous les migrants à Calais n’acceptent pas d’être mis à l’abri. Le taux de refus est de deux personnes sur trois. »
IM : Les associations rétorquent que les hébergements sont loin de Calais, ce qui explique en partie pourquoi les migrants ne veulent pas y aller.
DL : « La volonté de l’État est de ne pas laisser Calais aux mains des passeurs. Ce n’est pas la vocation de l’État de faciliter le travail des trafiquants. Les autorités proposent donc des hébergements loin de la côte. »
Tous les migrants à Calais n’acceptent pas d’être mis à l’abri. Le taux de refus est de deux personnes sur trois
IM : Les associations expliquent aussi que beaucoup de migrants à Calais sont des dublinés, des personnes dont la demande d’asile ne dépend pas de la France. Ces derniers refusent d’aller dans les hébergements, de peur d’être remis à la rue…
DL : « Il est vrai qu’à Calais, des personnes refusent même de s’enregistrer car ils sont dublinés
. Quand j’entends les associations dire qu’à cause de leur statut ils sont remis à la rue, je tiens à dire que c’est complètement faux.
Les personnes dublinées, c’est à dire dont la demande d’asile dépend du premier pays d’arrivée en Europe (généralement l’Espagne, la Grèce et l’Italie) craignent d’être expulsées vers l’État en charge de leur dossier. Pour éviter de se faire repérer, elles refusent généralement de se rendre dans les structures où se trouvent des agents administratifs.
Tout d’abord car les procédures de renvois Dublin prennent des mois et non des semaines. Pour preuve, sur le territoire national, 30% des personnes qui s’enregistrent comme demandeurs d’asile sont dublinées. Et elles sont intégrées dans le dispositif national d’accueil (DNA). On ne refuse pas d’héberger des dublinés : ils sont des milliers dans les centres de tout le pays.
En Île-de-France, un demandeur d’asile sur deux est un dubliné. Et ils sont quand même orientés en région, on ne les met pas à la porte.
On ne refuse pas d’héberger des dublinés : ils sont des milliers dans les centres de tout le pays
C’est pourquoi, j’insiste sur le fait que les migrants à Calais doivent s’enregistrer en préfecture, dubliné ou non. Le fait d’être dubliné n’est pas un frein à l’hébergement.
Par ailleurs, des personnes avec des statuts administratifs différents n’acceptent pas non plus d’être pris en charge. On a des personnes [non-dublinées, sans-papiers, ndlr] qui peuvent déposer l’asile en France mais qui ne le font pas. »
IM : Pourquoi, alors selon vous, les migrants à Calais ne veulent pas accéder à ces centres ?
DL : « Ils ne veulent pas partir de Calais. Ils sont là car ils veulent passer en Angleterre.
Ils pensent qu’ils vivront mieux au Royaume-Uni. Or, beaucoup d’entre eux sont exploités par leur communauté pour rembourser une partie de leur voyage. Aller en Angleterre, c’est être accueilli par une communauté qui va vous exploiter pour payer vos dettes.
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Il faut rappeler aux migrants que la France est un pays qui protège et qu’il vaudrait mieux qu’ils restent ici.
C’est le cas pour les Afghans notamment. Avant, ils étaient nombreux dans le nord de la France, maintenant on en voit très peu sur la côte d’Opale. La majorité des ressortissants afghans cherchent désormais à s’installer ici, et non plus à rejoindre l’Angleterre. »
IM : En ce moment, entre 1 000 et 1 500 migrants vivent à Calais. Que fait l’État pour les assister ?
DL : « La situation à Calais n’est pas simple même si elle s’est améliorée. Certes, environ 1 500 personnes vivent dans la ville mais on compte 10 fois moins de migrants qu’en 2016 [au moment de la ‘jungle’ où s’entassaient jusqu’à 10 000 exilés, ndlr].
Calais, c’est le lieu où se concentre une certaine forme d’incohérence du traitement de la demande d’asile en Europe. Une partie des migrants dans le nord de la France sont en errance parfois depuis des années en Europe car ils ont été déboutés dans un autre pays.
Mais cela n’empêche pas l’État d’être actif dans la région et de prendre en compte les personnes. Les autorités subventionnent plus d’une centaine d’emplois associatifs à Calais pour la prise en charge des migrants, elles financent des repas, un système de douches, et les soins à travers les PASS [permanence d’accès aux soins de santé, ndlr] de la ville.
Il y a un effort constant de la part des autorités qui ont investi des moyens financiers importants. »