Tunis (dpa) – Le conflit entre les belligérants qui se disputent le pouvoir en Libye n’est pas seulement militaire, il est également médiatique. Dans ce pays, des médias publics et privés sont instrumentalisés pour servir l’agenda politique des parties prenantes du conflit, notamment l’armée nationale dirigée par Khalifa Haftar, qui contrôle l’Est, et les forces de sécurité, les milices armées et le gouvernement de Tripoli à l’Ouest.
Des médias biaisés, notamment des chaînes satellitaires privées qui diffusent depuis l’étranger, sont régulièrement accusés de jeter de l’huile sur le feu de la guerre. Les programmes et discours incendiaires véhiculés par ces chaînes « reflètent la profondeur du conflit » libyen, a déclaré Mohamed Alnajem à la dpa. Alnajem est le président du Centre libyen pour la liberté de la presse (LCPF, en acronyme anglais), une organisation non gouvernementale. Ces télévisions sont notamment financées par des régimes se livrant à une guerre par procuration en Libye comme le Qatar, qui soutient le gouvernement de Tripoli, ou les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite qui appuient Khalifa Haftar, a constaté Alnajem.
Médias publics « dans le coma »
Quant aux médias publics (télévisions, radios, agences de presse), financés par le contribuable, ils « sont dans le coma » depuis le déclenchement de la guerre civile en 2014, a estimé ce jeune journaliste. Malgré les grands budgets qui leur sont alloués, ces organes de presse, censés fournir un service d’intérêt général, ne font que couvrir les activités des responsables gouvernementaux, ou rapporter leurs déclarations, a-t-il indiqué. Opaques, les nominations à la tête de ces médias sont régies par « la loyauté » envers le gouvernement en place, ou les milices et forces armées, a-t-il ajouté.
Être journaliste indépendant en Libye est un métier à très hauts risques, confirment le LCPF et Reporters sans frontières (RSF). En effet, les professionnels de médias libyens « paient depuis plusieurs années un lourd tribut » à cause du chaos qui sévit dans leur pays, a déploré RSF. Les agressions physiques, les arrestations arbitraires, les enlèvements, les menaces et tentatives d’assassinat sont les dangers auxquels sont confrontés, aujourd’hui, ces journalistes lors de l’exercice de leur métier, a expliqué Mohamed Alnajem. De tels dangers ont « quasiment paralysé le journalisme de terrain » et poussé les journalistes à s’autocensurer, a-t-il poursuivi.
Liberté d’expression en danger
D’après RSF, la « violence démocratisée envers les journalistes et les médias est encouragée par une impunité totale des exactions commises » notamment par les milices armées qui « déstabilisent le paysage politique et minent l’Etat de droit ».
Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse, établi par RSF, la Libye a été classée 165ème sur 180 pays recensés. Elle a ainsi reculé d’une place par rapport au classement de 2020. Pour RSF, « la Libye a besoin de lois cadres garantissant la liberté d’expression, la sécurité des journalistes et le droit à une information fiable ».