Tokouno /Kankan : Un citoyen persécuté pour son combat contre l’excision.

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Au mois de septembre 2021, nos confrères du site d’informations générales www.guinee3.net avaient relayé des informations portant sur un bras de fer mettant aux prises un citoyen, opposé à l’excision, à sa communauté à Tokouno dans la préfecture de Kankan. Cinq mois plus tard, notre correspondant régional basé dans la région est tombé sur le citoyen en question ; Barry Thierno Abdoulaye c’est son nom a accepté de raconter sa mésaventure. Excellente lecture

C’est un citoyen affaibli, portant des cicatrices que notre correspondant basé dans la région de Kankan a rencontré, dans son retranchement dans un petit hameau complètement isolé dans la sous-préfecture de Tokouno, préfecture de Kankan, dans la soirée de ce mardi 11 janvier 2022. Inquiet, Barry Thierno Abdoulaye a difficilement accepté de se confier à notre micro. Très inquiet et avec beaucoup de méfiance, le jeune, âgé de plus de 2O ans, vêtu d’habits, peu amples, sales et déchirés par endroit, avec des chaussures complètement usées, pleurait en silence. En lutte contre sa communauté pour sa farouche opposition à l’excision depuis 2020, Barry Thierno Abdoulaye se dit persécuté par sa communauté. Depuis des mois il craint pour sa vie     puis que de plus en plus l’étau se resserre autour de lui.

Dans un ton pathétique, notre interlocuteur a raconté sa mésaventure.

« Je suis de Tokouno. Ne me sentant pas à l’aise à l’école à cause des difficultés de la vie, j’ai été contraint d’abandonner les études pour me consacrer à l’élevage aux côtés de mon père. Un jour, j’ai reçu l’appel de l’époux de ma cousine nommée Germaine, qui faisait une forte hémorragie alors qu’elle accouchait. Je m’y suis rendu pour voler à son chevet. Finalement ma cousine est décédée. Quelques semaines après, un médecin nous a expliqué que ma cousine a eu ces complications qui ont provoqué cette hémorragie parce qu’elle avait été excisée.  C’est donc cette situation qui a fait naître en moi la volonté ferme de combattre l’excision au sein de ma communauté à Tokouno, malheureusement assez conservatrice.   

Révolté, je me suis engagé à travers la sensibilisation, à faire comprendre à ma communauté et d’autres que l’excision est une pratique néfaste et nuisible à la santé de toute personne qui la subit.  J’ai commencé l’aventure par mon voisinage immédiat hélas je me suis heurté à une opposition des adeptes de cette tradition.

 

Dans la suite de mon combat, j’ai été molesté, blessé et humilié et chassé de ma famille. Pour me sauver la vie et continuer mon combat, j’ai trouvé refuge chez un des amis de mon père mais celui-ci n’avait pas pu me garder, par peur d’éventuelles représailles car j’étais activement recherché par toute ma communauté. Pris de peur, j’ai décidé de me rendre aux autorités traditionnelles du village. Parmi elles une vieille policière à la retraite depuis plusieurs années, qui m’a dit : «   l’excision est une tradition. Moi qui te parle je l’ai subi »

Éprouvé, je suis allé à Kankan, le chef-lieu de la préfecture pour rencontrer ma mésaventure à un groupe d’éducateurs qui dénoncent les méfaits de l’excision sur la santé de la femme. Quelques mois après, précisément au mois de mars 2021, j’ai retourné à mon village. Fidèle à mon engagement, un vendredi, jour de marché hebdomadaire, j’ai mobilisé des jeunes, nous avons animé une séance de sensibilisation de masse sur les conséquences néfastes de l’excision sur la santé des jeunes filles et femmes et la nécessité absolue de bannir la pratique dans la société. Ce jour, en pleine séance, mon père m’a surpris et m’a donné une paire de gifles avant de me renier devant une foule en liesse (pleure). J’étais obligé de faire profil bas pendant un certain temps. Au mois de juillet 2021, j’ai à nouveau fait part au chef du village mon opposition à l’excision. Il ne fallait pas. Cela m’a valu   des coups et des menaces de mort.

Mais ces violences, ces humiliations et menaces n’ont fait que me galvaniser dans mon combat. J’ai multiplié les séances de sensibilisation les jours de marché. C’est ainsi que le 22 décembre 2021, j’ai été à nouveau interpellé, passé à tabac et blessé. » a raconté Barry Thierno Abdoulaye

Selon www.excisionparlonsen.org/guinee, le taux de prévalence de femmes sexuellement mutilées en Guinée est :

-39% des enfants et jeunes filles de 0 à 14 ans ;

-95% des femmes de 15 à 49 ans

La majorité des mutilations sexuelles sont pratiquées par des exciseuses traditionnelles sur de jeunes filles entre 5 et 9 ans. La pratique tend à se médicaliser puisque 35% des MSF sont pratiquées par le personnel de santé.

41% des MSF sont pratiquées dans les milieux ruraux, et 35% dans les milieux urbains

L’excision touche la majorité de la communauté musulmane (97%), et les personnes sans religion (85%)

65% des femmes de 15 à 49 ans qui ont entendu parler des mutilations sexuelles féminines pensent que cette pratique devrait se poursuivre, et 60% des hommes.

 

Kankan, Moustapha kourouma pour guineesignal.com.

625 13 05 05

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