Les élections municipales sénégalaises de janvier 2022[1] représentent une opportunité pour le pays d’élire davantage de femmes à des postes de leadership. Malgré la législation exigeant une parité effective homme-femme dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives, le pays reste à la traîne en termes d’égalité, d’inclusion et de diversité à différents les niveaux de représentation politique.
Après trois reports, le Sénégal organise finalement le 23 janvier 2022 ses prochaines élections locales. Ces élections représentent un test par rapport aux soutiens du Président Sall au niveau local. Elles seront également très révélatrices de la position actuelle du pays en termes de diversité, d’inclusion et d’égalité de sexe dans les institutions publiques.
Le Sénégal est parti à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et à son protocole sur les droits des femmes : le protocole de Maputo[2], ce qui signifie que les autorités se sont engagées à protéger et à promouvoir le droit à l’égalité pour toutes les femmes. Ces engagements se retrouvent également dans les Objectifs de développement durable (ODD), où l’objectif numéro 5 invite les pays à « réaliser l’égalité des droits entre les femmes et les hommes et promouvoir l’autonomisation des femmes », un aspect qui doit prendre en compte la promotion des droits politiques, économiques et sociaux pour tous les individus.
Par ailleurs, en 2010, une loi nationale sur la parité dans les instances électives et semi-électives a été adoptée au Sénégal. Cette loi a été accueillie comme un grand succès, y compris pour les femmes de tous horizons, issues de la société civile et des partis politiques, qui se sont battues ensemble pour cette réforme législative. La loi sur la parité visait à amorcer un nouveau tournant pour le pays, à acquérir des droits relatifs à l’égalité des sexes dans les organes décisionnels et à une amélioration durable de la participation politique des femmes.
En outre, la Constitution du Sénégal, la Stratégie nationale pour l’égalité et l’équité entre les sexes (SNEEG) 2005-2015, mise à jour en 2016 (SNEEG 2), et le Plan Sénégal Emergent (PSE), ont tous réitéré l’importance de l’égalité et de l’équité entre les sexes.
Nous devons continuer le combat pour l’inclusion et la diversité
ARTICLE 19 se félicite de l’augmentation du taux national de représentation de femmes dans les collectivités locales au fil des années. Lors des élections locales de 2014, les premières après l’adoption de la loi sur la parité, le pourcentage de femmes élues est passé de 15,9% en 2009 à 47% en 2015, soit 14 000 femmes sur 29 787 élus.
La loi sur la parité a suscité beaucoup d’espoir lors de son adoption en 2010. Plus de 10 ans après son adoption, la loi peine à être appliquée de manière effective. De grandes disparités subsistent dans la représentation des femmes dans les Commissions à l’Assemblée Nationale aux niveaux des gouvernements régionaux et locaux et dans d’autres sections de la fonction publique et du système politique et administratif en général. Jusqu’en Octobre 2021, 98 % des mairies du pays sont dirigées par des hommes, selon le Women’s Leadership Caucus des femmes Leaders (CFL)[3].
Le nombre de représentants féminins reste extrêmement faible[4] (10% du total des candidats). L’organisation, WLC, a lancé en 2020 une campagne “Les Femmes à l’assaut des mairies”, pour obtenir plus de représentantes sur les listes. Aujourd’hui, sur 557 communes, seulement 102 femmes sont répertoriées comme têtes de listes. Plusieurs associations de femmes notent également que plusieurs listes validées ne respectent pas la parité absolue aussi bien pour les titulaires que les suppléants. Une situation décriée depuis 2014[5].
De plus, cette loi reste limitée à l’Assemblée Nationale et à des postes électifs et semi-électifs. De nombreux militants et chercheurs sur le terrain restent sceptiques quant à l’accès des femmes à d’autres sphères de décision[6]. ARTICLE 19 a travaillé avec d’autres organisations, dont le CFL, sur la diversité et l’inclusion. Le bureau Afrique de l’Ouest a également mené une étude pour évaluer le niveau d’égalité dans les médias, qui reste encore faible[7]. Les États ne doivent pas se contenter d’un discours sur la diversité et l’inclusion. L’accès aux processus décisionnels doit être total, complet et effectif pour tous, y compris les femmes.
Maintien de la paix et de la sécurité pendant les élections locales de janvier 2022
Par le passé, les juges sénégalais n’ont pas réussi à traiter de manière adéquate les cas liés au respect de la parité dans les élections locales. À l’occasion des prochaines élections, ARTICLE 19 appelle les juges à faire preuve d’un respect strict de la loi sur la parité et à appliquer correctement la loi lorsqu’ils statuent sur les cas portés à leur attention et exhorte le gouvernement à utiliser l’esprit de la loi comme référence pour augmenter la représentation des femmes aux fonctions non législatives.
De plus, les élections constituent souvent un moment de tension dans la plupart des pays Africains, et le Sénégal ne fait pas exception. En effet, la plupart des élections organisées au Sénégal depuis les indépendances ont été émaillées par des troubles attribués tant aux partis de l’opposition qu’au parti au pouvoir.
ARTICLE 19 salue les initiatives mises en place par des organisations de la société civile et tous les autres parties prenantes pour assurer des élections calmes et apaisées. ARTICLE 19 exhorte les dirigeants des partis politiques à respecter les mécanismes internationaux et régionaux relatifs à la protection et à la sécurité des citoyens lors des prochaines élections locales. L’organisation appelle les différents partis politiques et autres acteurs à s’abstenir de toute action susceptible d’accroître la tension et à accepter les résultats déclarés par les autorités compétentes.
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
Fatou Jagne Senghore, Directrice Régionael de ARTICLE 19 Sénégal/Afrique de l’Ouest Email : fatouj@article19.org / senegal@article19.org Tel : +221 33 869 03 22