Des centaines de migrants emprisonnés à Ain Zara, au sud de Tripoli, sont en grève de la faim depuis vendredi pour protester contre leurs conditions de détention. Ils ont été jetés dans la prison, début janvier, après des mois de contestation devant les locaux du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés.
Leurs corps sont épuisés mais ils se disent déterminés à poursuivre le combat. Depuis vendredi 4 février, environ 600 migrants, enfermés dans la prison d’Ain Zara, au sud de Tripoli, observent une grève de la faim. Ils entendent à travers ce mouvement dénoncer leurs conditions de détention.
Ces exilés ont été envoyés de force dans les geôles libyennes, le 10 janvier, après trois mois de contestation devant les locaux du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) de la capitale. Ils réclamaient leur évacuation du pays et leur réinstallation dans un État tiers.
« Nous sommes épuisés »
Sur des photos envoyées par un migrant à InfoMigrants, on peut voir des hommes allongés à même le sol, en plein soleil, dans la cour du centre de détention d’Ain Zara. Les images de ces corps inertes laissent deviner leur état de faiblesse extrême.
« C’est difficile, nous sommes épuisés. Certains pleurent, d’autres ne parviennent plus à bouger. Hier, une quinzaine d’entre nous sont tombés car ils se sentaient mal. Ils sont trop faibles pour tenir debout », explique à InfoMigrants Abdallah*, un Soudanais de 24 ans. « Mais c’est le seul moyen que nous avons trouvé pour être entendus par les instances internationales et pour que le monde connaisse notre quotidien ».
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Les exilés sont entassés dans des hangars qui font offices de prison. Ils sont environ 300 par cellule. Parmi eux, des femmes et des enfants. Ils se disent victimes de mauvais traitements : brûlures, coups, viols, travail forcé, privation d’eau et de nourriture…
Violences et disparitions
Les migrants disent recevoir, en guise de repas, des pâtes, une seule fois par jour. L’eau arrive en petite quantité. Les gardiens ouvrent les robinets quelques minutes deux à trois fois par semaine. Parfois, l’eau est salée. Si les exilés se plaignent, ils subissent des brimades. Les femmes, elles, sont violées.
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« Les gardes nous frappent sans raison. Parfois, ils emmènent des personnes dans une pièce et les violentent. Ils filment les tortures et les envoient aux familles pour qu’elles paient une rançon », affirme Malik*, un autre Soudanais de 23 ans, joint par InfoMigrants. Le prix de la liberté s’élève à environ 350 euros.
La plupart n’ont pas les moyens de régler une telle somme. Faute de moyens, ils craignent d’être emprisonnés pendant des années, malgré leur statut de réfugié, obtenu auprès du HCR en Libye. C’est le cas d’Abdallah et Malik.
Les deux Soudanais signalent également la disparition de plusieurs personnes. « Un jour, les gardiens les ont pris et, depuis, on ne les a plus revus. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus », assurent-ils.
Pour les grévistes de la faim, cette protestation est leur dernier espoir. « On ne sait pas combien de temps le mouvement peut durer mais une chose est sûre : soit nous mourrons sous les coups, soit nous mourrons de faim », affirme Abdallah. Et Malik de renchérir : « Tout ce qu’on veut c’est être libres et protégés ».
*Pour des raisons de sécurité, les prénoms ont été modifiés.