Surpopulation, manque d’hygiène et de soins… après plusieurs visites effectuées dans les centres fermés pour étrangers du pays, le constat du Commissaire polonais aux droits de l’Homme est sans appel. Les conditions de vie y sont désastreuses. Les conséquences sur la santé des exilés, dont celle des enfants, sont déjà visibles.
Les images des milliers de migrants, dont de nombreuses familles, massés à la frontière biélorusse ont disparu. Si la précarité de leur situation est aujourd’hui moins visible aux yeux de la communauté internationale, elle n’a, pourtant, que peu évolué. Après un passage par la Biélorussie voisine, 1 750 personnes – en provenance d’Irak et de Syrie pour la plupart – se terrent désormais dans les six centres d’hébergement fermés de Pologne.
Bien qu’à l’abri du froid et des intempéries, les migrants sont toujours exposés à des « traitements inhumains et dégradants », s’est inquiété Marcin Wiacek, Commissaire polonais aux droits de l’Homme, dans une lettre adressée aux tribunaux du pays en charge de la détention. Depuis août 2021, des équipes de cette instance nationale indépendante mènent des visites inopinées dans les six centres fermés polonais, gérés par le gouvernement. Et après six mois d’enquête, le constat est accablant : « surpopulation dans les centres », « mauvaises conditions de vie », « manque d’hygiène » et « d’accès à leurs droits »… la liste des manquements observés par l’instance est longue.
De plus, d’après Marcin Wiacek, « les soins médicaux et psychologiques dispensés dans ces établissements sont loin d’être suffisant et peuvent entraîner une détérioration de la santé » des exilés, « déjà fragilisés par des mauvais traitements dans leur pays d’origine ».
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« De graves lacunes en termes de prise en charge tant psychologique que médicale des étrangers en détention avaient déjà été diagnostiquées avant la crise à la frontière polono-biélorusse. ajoute-t-il. La situation à laquelle nous sommes confrontés depuis le milieu de l’année dernière s’est considérablement aggravée ».
Des explosions et des barreaux aux fenêtres
Les conditions de vie du centre de Wedrzyn, une base militaire à la frontière allemande transformée en centre pour étrangers cet été, sont particulièrement préoccupantes. En novembre et janvier, des rébellions ont été menées par les exilés pour dénoncer la situation. D’après le média d’investigation OKO Press, des exercices militaires sont toujours menés sur ce terrain encerclé de barbelés malgré la présence des migrants, déjà traumatisés par leur exil. Chaque jour, ses 600 occupants entendent des explosions, et voient les soldats déambuler, fusils sous le bras.
Les chambres peuvent accueillir jusqu’à 24 exilés, soit 2,2 mètres carrés par personne. Un chiffre en deçà des normes internationales, et de celles des prisons polonaises. Les fenêtres des chambres, toujours surmontées de barreaux, n’ont pas de rideaux. « Pour se protéger du soleil et de l’éclairage artificiel extérieur, les personnes les recouvrent de papier toilette », souligne Marcin Wiacek.
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« Ce n’est pas un camp fermé, c’est une prison. Nous sommes traités comme des criminels, et non des réfugiés », déplore Ahmed, un exilé yéménite interrogé par France Info. « Nous avons des crises de panique, des cauchemars, nous n’arrivons pas à dormir. Nous avons peur. Dès le début de notre séjour, nous demandons l’aide d’un psychologue et rien ne se passe. Je vais devenir fou ici », abonde Munzer auprès d’OKO Press.
Des centres inappropriés pour les enfants
À Wedrzyn, les migrants sont retenus pendant trois mois en attendant le traitement de leur demande d’asile. Mais à cause de la lenteur de la procédure, cette durée peut être prolongée de trois mois supplémentaires. « Ils ne savent pas ce qui va leur arriver », expliquait en décembre à InfoMigrants le député Tomasz Aniśko, qui avait visité le centre après une émeute. « Ils ne comprennent pas leur statut légal, ne connaissent pas le droit polonais. Ils ne savent pas combien de temps ils vont devoir rester ici et ce qui va leur arriver ensuite. Cette situation est totalement intolérable pour tout être humain. »
Dans le centre temporaire de Czerwony Bór, au nord-est de la Pologne, aucune pièce commune n’est réservée aux occupants. « En conséquence, ils doivent passer la majeure partie de la journée dans la cage d’escalier », signale Marcin Wiacek dans ses conclusions. Il n’y a pas, non plus, « de salles adaptées aux besoins des enfants », pourtant nombreux. À Czerwony Bór, comme ailleurs, les agents du Commissariat polonais aux droits de l’Homme s’inquiètent d’ailleurs de la dégradation de la santé mentale de plusieurs enfants. Certains cas ont même nécessité des hospitalisations.
Pour Marcin Wiacek, « aucun des centres gardés, ne serait-ce qu’en raison des conditions qui y règnent et du caractère strictement carcéral de ces structures, n’est un lieu approprié pour les enfants, et un séjour là-bas peut avoir un impact définitivement négatif sur leur développement et leur état psychophysique ».
Des placements en contradiction avec la Constitution
La loi du 12 décembre 2013 sur les étrangers autorise, certes, le placement des familles avec enfants dans des centres gardés. Mais les articles 30 et 40 garantissent à tous le « respect de la dignité humaine » et interdit tout « traitements cruels, inhumains ou dégradants », précise Marcin Wiacek dans sa lettre. Les enfants ont également le droit à l’éducation, stipulé par l’article 70. Selon le Commissaire aux droits de l’Homme, « aucun des centres gardés ne garantit aux mineurs la bonne mise en œuvre de leur droit constitutionnel ».
« Le placement dans un centre gardé doit être considéré comme un dernier recours », préconise-t-il. Des « alternatives à la détention, notamment aux familles avec enfants et mineurs non accompagnés, ainsi qu’aux adultes ayant subi des tortures » doivent toujours être proposées.
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À l’extérieur des centres, la Pologne continue de déployer son arsenal anti-migrants. Alors même que depuis le début de l’année, selon Reuters, seuls « quelques dizaines de migrants » tentent de traverser chaque jour la frontière avec la Biélorussie. Le chantier du mur de près de 200 km, destiné à empêcher leur passage, a commencé. Validé par le Parlement en novembre dernier, toutes les palissades – de 5,5 mètres de haut – devraient être érigées d’ici le mois de juin. D’après les garde-frontières, les 1 000 premiers poteaux ont déjà été livrés.