Une centaine de personnes, pour la plupart originaires du Soudan, sont installés, depuis samedi, devant les locaux du HCR, à Tunis, pour réclamer leur évacuation du pays. Le mouvement de contestation a été lancé en février à Zarzis puis s’est déplacé dans la capitale. La majorité des manifestants possèdent le statut de réfugié mais disent ne pas pouvoir vivre dignement en Tunisie.
Depuis samedi 16 avril, une centaine de personnes, originaires pour la plupart du Soudan, ont posé leurs valises devant les locaux du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR), à Tunis. Ces hommes, ces femmes et ces enfants dorment sur des morceaux de carton ou des couvertures installés à la hâte à même le sol. Ils passent leurs journées sous le soleil brûlant dans le quartier huppé des ambassades, en plein cœur de la capitale.
Les exilés – des réfugiés en Tunisie et des demandeurs d’asile – réclament leur évacuation d’un pays qui n’a rien à leur offrir, disent-ils. Malgré des documents en règle, ils ne parviennent pas à vivre dignement dans cet État du Maghreb, confronté à une crise économique et politique.
« Nous voulons les droits humains et la dignité humaine »
« Nous réclamons le respect de nos droits élémentaires. Nous voulons être évacués vers n’importe quel autre pays qui respecte les droits humains et la dignité humaine », a déclaré à l’AFP l’un des manifestants, Saleh Saeed, un Soudanais de 24 ans originaire du Darfour et bloqué en Tunisie depuis quatre ans.
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« Les réfugiés ne trouvent pas de logement et multiplient les emplois précaires dans le bâtiment ou l’agriculture, des secteurs dans lesquels les Tunisiens ne veulent pas travailler car c’est mal payé et les conditions y sont très mauvaises », explique Romdhane Ben Amor, du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), joint par InfoMigrants. L’ONG a lancé un appel sur sa page Facebook pour collecter des produits de base comme de l’eau, de la nourriture et des aliments pour enfants à destination des manifestants.
Les migrants dénoncent également les attaques racistes dont ils se disent victimes. « J’ai été victime d’une agression raciste lors de mon travail dans un champ d’oliviers avec des Tunisiens en 2020, et j’ai eu une hémorragie cérébrale », racontait à InfoMigrants un Tchadien, en février dernier.
« Forte diminution » du budget du HCR
Le mouvement devant les locaux du HCR n’est pas nouveau. La contestation a débuté, début février, plus au sud, dans la ville de Zarzis, et ne s’est pas essoufflée. Elle était, à l’origine, partie d’un document reçu par des exilés de tout le pays, logés par l’agence onusienne. Le courrier les informait qu’ils disposaient de « 15 jours […] pour quitter le foyer / la maison ». « Si vous ne respectez pas cet avis, des procédures juridiques seront instituées », était-il écrit en lettres majuscules.
Le HCR justifiait cette démarche par « une forte diminution de [son] budget annuel de l’ordre de 30 à 40 % ».
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En signant ce document, les personnes concernées acceptaient en échange de toucher la somme de 250 dinars par mois pendant trois mois, afin de se loger par leurs propres moyens. Mais très peu voulaient de cet argent, arguant que trouver un logement en Tunisie était mission impossible et que, de toute façon, « on ne peut rien faire avec cet argent », selon un Soudanais de 26 ans.
« Nous sommes toujours ouverts à la négociation«
Las de voir leurs « revendications ignorées », d’après les mots de Romdhane Ben Amor, les réfugiés ont décidé de déplacer leur occupation dans la capitale, afin d’être plus visibles. « Le HCR pratique la politique de la porte fermée et ne les écoute pas », affirme le militant.
Pourtant, l’organisation a proposé aux exilés de restituer les logements et de revoir les critères de vulnérabilité pour adapter le niveau d’assistance apportée, indique le HCR à InfoMigrants. « Nous sommes toujours ouverts à la négociation et notre porte reste ouverte », insiste Laurent Raguin, représentant adjoint du HCR en Tunisie. Pour preuve, des discussions ont lieu régulièrement avec les manifestants pour « trouver des solutions », poursuit le responsable.
Mais la confiance entre l’agence et les réfugiés semblent rompue. « Ils ne croient pas un mot en leurs propositions et pensent que c’est uniquement dans le but de mettre fin au mouvement, sans résultat derrière », rapporte Romdhane Ben Amor.
Le dialogue semble au point mort, d’autant que les évacuations réclamées par les réfugiés ont peu de chances d’aboutir. « Une réinstallation dans un pays tiers depuis la Tunisie est possible, mais les opportunités sont extrêmement faibles », rappelait, en février, Laurent Raguin. En 2021, seules 76 personnes, « des cas très urgents » ont pu bénéficier du dispositif.