Mamoudou Sow est retenu au CRA de Vincennes depuis le 13 avril. Ce jeune Guinéen de 20 ans est arrivé mineur en France. Après un CAP d’électricité, il avait débuté la préparation d’un baccalauréat professionnel et bénéficiait d’un contrat jeune majeur signé par l’ASE. RESF et le Timmy, qui le soutiennent, dénoncent un contexte « de plus en plus hostile aux étrangers ».
Depuis plus de deux mois, Mamoudou Sow, un jeune Guinéen de 20 ans, est enfermé dans le centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, en région parisienne. Mercredi 15 juin, un rassemblement a été organisé par le Réseau éducation sans frontière (RESF) devant la mairie du 13e arrondissement de Paris pour réclamer sa libération afin qu’il reprenne ses études.
Pour l’ONG, l’expulsion du jeune homme serait « du gâchis et de la maltraitance ». Car Mamoudou Sow, arrivé mineur en France début 2018, est en bonne voie d’intégration. Après avoir obtenu un CAP en électricité, il est scolarisé en 1ère année de baccalauréat professionnel au lycée Gaston Bachelard, dans le 13e arrondissement de Paris.
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Le jeune Guinéen bénéficie également d’un contrat jeune majeur signé avec l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Cet accord permet à un mineur pris en charge par l’ASE de prolonger jusqu’à ses 21 ans les aides dont il bénéficie, telles que le soutien éducatif, financier et psychologique, et l’hébergement. Grâce à cet accord, Mamoudou a été hébergé en Seine-Saint-Denis par l’association Aurore, mandatée par l’ASE pour héberger des jeunes, et était suivi par une éducatrice.
« Je me suis dit que j’allais perdre tous mes projets »
Orphelin, Mamadou n’avait laissé derrière lui, en Guinée, qu’une grande sœur qui l’avait pratiquement élevé. Le décès de cette dernière a ébranlé le jeune homme et lui a retiré le dernier lien qu’il avait avec son pays d’origine. « Après ça, il a décroché du lycée, explique à InfoMigrants Anne-Marie Desfoux, militante RESF à Paris 13e. Mais on a rencontré la proviseure. Elle et toute l’équipe éducative soutiennent Mamoudou. Ils lui ont proposé de redoubler, donc il a sa place en septembre. Ils lui ont même fait une attestation de scolarité pour l’année en cours », précise la militante.
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En février 2022, à la suite d’un contrôle de police, Mamoudou Sow a reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Celle-ci a été contestée devant le tribunal administratif de Montreuil et le jugement n’a toujours pas été prononcé.
Le jeune homme a été placé en rétention le 13 avril, après un nouveau contrôle policier. « Quand j’ai été envoyé au CRA, je me suis dit que j’allais perdre tous mes projets ici, tous mes amis », raconte à InfoMigrants Mamoudou, joint par téléphone. « J’aimerais devenir électricien et peut-être monter ma propre entreprise. »
Il était prévu que le jeune homme soit expulsé le 16 juin dernier mais le vol a été annulé. « Là, maintenant l’expulsion peut avoir lieu tous les jours mais si les autorités françaises le font, elles sont dans l’illégalité. L’article L722-7 du Ceseda [Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ndlr] dit qu’on ne peut pas expulser une personne dont le recours contre l’OQTF n’a pas encore été jugé », souligne Anne-Marie Desfoux.
Pour Mamoudou, l’éventualité de son expulsion est une grande angoisse. « Je suis originaire de Conakry mais je n’ai plus aucune connaissance dans le pays. Si je retourne là-bas, je ne sais pas ce que je vais devenir », confie-t-il.
« On n’a jamais eu autant d’OQTF pour des jeunes majeurs »
Pour Espérance Minart, présidente de l’association Timmy qui a hébergé Mamoudou en attendant que sa minorité soit reconnue, expulser Mamoudou serait lui faire subir un « déracinement » et l’envoyer dans un pays où il n’a plus aucune attache. « On sait que c’est un jeune qui va se retrouver à la rue dans son pays d’origine », affirme-t-elle.
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La militante, habituée à venir en aide aux mineurs non accompagnés et aux jeunes majeurs, dit observer, en France, un contexte « de plus en plus hostile aux étrangers ». « On n’a jamais eu autant d’OQTF pour des jeunes majeurs qu’en 2021-2022 », assure la militante. Elle estime que ces décisions résultent des promesses formulées par Emmanuel Macron dès juin 2021, à savoir augmenter les expulsions d’étrangers. Un sujet également abordé à de nombreuses reprises lors de la campagne présidentielle de 2022.
Dans un tel contexte, « on s’attend à une aggravation de la situation des mineurs et jeunes majeurs », déplore Espérance Minart, évoquant, notamment la préfecture de Bobigny (Seine-Saint-Denis). L’institution « fait systématiquement des mainlevées [procédure qui consiste à mettre fin à une protection accordée précédemment, ndlr] pour les jeunes pris en charge [par l’ASE] qui n’ont pas fait de tests osseux ».
La situation de ces jeunes majeurs est aussi compliquée par le manque d’éducateurs de l’ASE pour prendre correctement en charge ces jeunes et suivre leurs dossiers administratifs. La dématérialisation des démarches en préfecture aggrave encore les choses, soulignent les associations d’aide aux exilés. En empêchant les étrangers d’obtenir des rendez-vous pour leur demande de titre de séjour, l’administration « fabrique des sans-papiers », dénoncent-elles.
Mamoudou, lui, avait obtenu deux récépissés de titre de séjour. Mal encadré et perdu dans la machine administrative française, il a manqué la date limite de renouvellement de ces documents.