Tunis (dpa) – En Tunisie, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), une organisation non gouvernementale, défend, entre autres, les droits de migrants subsahariens irréguliers et réclame la régularisation de leur situation. La dpa a posé trois questions à Romdhane Ben Amor, porte-parole de cette ONG.
À votre avis, comment l’État tunisien doit-il s’y prendre avec le dossier des migrants subsahariens en situation irrégulière ?
La présence en Tunisie de nombreux migrants subsahariens est un accident de circonstance car nombre d’entre eux ne sont pas venus de leur propre gré, mais plutôt pour fuir une dure réalité en Libye (voisine, ndlr) ou dans leur pays. Ils ont été interceptés en mer avant qu’ils ne deviennent un fardeau pour le gouvernement tunisien. Il est évident que l’État tunisien traite ce dossier sans prise de conscience ou plutôt sans vision claire face aux pressions européennes à propos de la nécessité de renforcer le contrôle des frontières maritimes et l’interception des embarcations de migration irrégulière en Méditerranée.
La Tunisie doit, politiquement, reconnaître les droits de ces migrants au regard de l’histoire, de la géographie et des accords internationaux qu’elle a signés. Il n’existe pas d’autre sortie que de mettre à jour le système juridique pour régulariser la situation des migrants et leur offrir des opportunités pour les intégrer dans les politiques publiques, créer un cadre national pour les réfugiés et adopter une stratégie migratoire dont l’objectif principal est de préserver les droits des migrants.
Nous avons proposé aux autorités de s’appuyer sur certaines expériences comme celle du Maroc qui a lancé une campagne pour régulariser la situation des migrants permettant de leur garantir le droit aux soins de santé, de les protéger de diverses formes d’exploitation ainsi que de connaître leur nombre réel, leurs capacités et leurs compétences pour les intégrer dans ses politiques publiques.
Quelles sont les conditions de séjour de ces migrants en Tunisie ?
Le besoin les contraint généralement à loger en groupe dans les quartiers pauvres de la capitale Tunis (Nord) ou des villes de Sfax (Est) et Médenine (Sud). Ils sont exposés à l’exploitation par des gangs criminels et des réseaux de passeurs de migrants. Ils sont l’objet de traitements discriminatoires (..) et de discours haineux qui ont pris de l’ampleur ces dernières années se propageant sur les réseaux sociaux dont certaines pages appartiennent à des syndicats de police.
Le discours raciste et haineux, plus fréquent contre les migrants africains, est devenu un point commun chez de nombreuses personnes en l’absence d’un discours officiel dissuasif, à l’exception de certaines voix parmi les défenseurs des droits de l’homme qui rejettent cette stigmatisation. Les violations des lois au niveau des institutions et de la société ainsi que l’absence de prise de conscience politique du dossier indiquent que la Tunisie est un pays qui n’est pas sûr pour les migrants.
Les syndicats sécuritaires disent que les migrants africains représentent une « menace à la sécurité nationale ».
À mon avis, il n’existe aucun rapport entre leur présence et la menace à la sécurité nationale. Ce sont les perversions politiques que nous constatons, la corruption, le népotisme, l’impunité, la propagation de la violence, la criminalité ainsi que les politiques économiques, ayant hypothéqué le peuple pour les années à venir, qui menacent notre sécurité. Les migrants africains peuvent faire partie de la solution au regard des savoir-faire de certains d’entre eux.