L’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana est, par laseule volonté apparente du procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief),détenu depuis trois mois sans aucune charge précise, avec les anciens président de l’Assemblée nationale, Amadou DamaroCamara, ministre de la Défense nationale, Mohamed Diané, et ministre de l’Environnement, ministre d’État, Oyé LamahGuilavogui, notamment.
Faut-il les appeler délinquants économiques ou financiers ?Mais le procureur spécial Aly Touré peine à exhiber le moindre dossier de preuves contre eux.
Faut-il les appeler prisonniers politiques ? Certes, puisqu’ilssont des politiques à fort ancrage, donc redoutables, et ignorent toujours qu’est-ce qu’on leur reproche.
Faut-il les jeter en pâture et les vouer aux gémonies parce qu’ils sont les plus hauts dirigeants actuels de l’ancien parti au pouvoir, le Rpg dressé sur ses ergots, que la junte veut mettre sur le billot ? Mais comme le Sphinx qui renaît de ses cendres,ils sont, par les questions énigmatiques et filtrantes de leurs avocats , redoutables pour le passant imprudent et mal avisé.
Fait-il considérer Kassory, devenu chef du Rpg, Dalein de l’Ufdg et Sidya de l’Ufr comme les trois Horaces face auxtrois Curiaces ? Comment ne pas le faire quand on sait queCellou Dalein Diallo et Sidya Touré, les deux autres leaderspolitiques majeurs, en exil tactique, sont également dans le viseur de la Crief pour des dossiers dont ils sont à mille lieueset dans le seul but de les éliminer politiquement ? Cette Criefmise en place à dessein par le président autoproclamé de la Transition.
Kassory, Dalein, Sidya sont assurément dans l’arène politique guinéenne les trois Horaces face aux trois Curiaces que sontMamadi, Doumbouya et Jordan, la trinité qui trouve sa synthèse en une seule et même personne. Pour sûr, les Curiaces mordront la poussière – politiquement parlant – un par un ou en une estocade. Un Horace survivra et donnera la victoire à son parti et à son pays meurtri par la tyrannie et l’arbitraire. Lequel ?
Le putschiste Mamadi Doumbouya lorgne le chou mais cherche à piquer le lard. Malgré ses promesses messianiques et ses apparences désintéressées, il veut à tout prix être le prochain locataire de Sèkhoutouréya, le somptueux palaisprésidentiel d’un pays riche comme l’Eldorado. Ses actes et ses décrets trahissent ses intentions …
Épines et ronces juridiques sur le chemin
Mais que son bras judiciaire Aly Touré est avachi et incapable d’arracher Excalibur du rocher ! Qu’il est devenu aphone, inaudible et bègue, les rares fois qu’il s’essaye à la parole qui se refuse à lui lorsqu’il tente de justifier ses actes dans le dossier mettant en cause le Premier ministre Ibrahima KassoryFofana, le seul grand leader politique que les puissants du jour ont actuellement sous la main et veulent abattre en attendant de tenir les deux autres ! Détournements de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment et corruption sont les infractions dégainées par le parquet spécial près la Crief sous le label procédural de « flagrant délit » qu’aucun juriste n’a d’ailleurs gobé. Un pétard mouillé !
Par finir, la fin justifiant les moyens, il a obtenu un mandat de dépôt et il fait garder en prison – non doré – l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana depuis le 6 avril 2022. Ce dernier ne s’est d’ailleurs jamais laissé démonter. Homme au cuir tanné, dur à cuire, il a multiplié les procédures judiciaires dont l’une a conduit à la mise en cause personnelle du procureur spécial près la Crief, pour forfaiture. Cette plainte dont est saisi le garde des Sceaux n’a toujours connu aucune suite. Est-ce à dire que le procureur spécialbénéficierait de protections qui n’en diraient pas ? Toujours est-il que l’État de droit doit être le refuge de tous, y compris un ancien Premier ministre momentanément pris dans les dédales d’une justice pour le moins téléguidée et instrumentalisée. La boussole a perdu le nord depuis toujours déjà. Hélas !
Le dossier revenu devant la chambre de l’instruction n’est sans doute pas loin de son épilogue. C’est devant cette juridiction que doivent avoir lieu les débats de fond. Ceux qui vont donner l’occasion au parquet spécial de la Crief, après sa renonciation incompréhensible à la procédure de flagrant délit,de vider sa gibecière. Il se dit que le parquet spécial, de manière quasi frauduleuse, s’adonne à des pratiques peu orthodoxes en termes de procédure. Il aurait été relevé une manœuvre par laquelle une des parties, et pas des moindres, aurait tenté de tromper la vigilance des juges pour déposer un acte antidaté. Plus qu’une fraude procédurale, ce serait un délit passible d’emprisonnement.
Toujours est-il que des relevés de comptes auraient été déposés dans le dossier, les mêmes qui ont fait l’objet de déclaration à l’occasion, sans doute, de l’entrée en fonction de Ibrahima Kassory Fofana en tant que Premier ministre. Ce dernier n’a jamais fait mystère des biens qu’il possédait, aussi bien en Guinée qu’aux États-Unis, binational qu’il est. Il a toujours eu un compte bancaire en Guinée, en France,lorsqu’il y était stagiaire, et aux États-Unis. Tous ses biens immeubles et tous ses comptes bancaires ont été acquis ououverts à une époque où il n’était pas dans la vie publique. C’est sur son compte guinéen qu’il a mené toutes les opérations de campagne lorsqu’il a envisagé de briguer la fonction suprême, et ensuite lorsqu’il a soutenu la candidature de Alpha Condé dont il a été le directeur de campagne.
Pour le reste, la rumeur a couru qu’il était actionnaire dans des sociétés minières sans jamais que personne n’apporte la moindre preuve de cette infox colportée par les milieux judiciaires liés au parquet spécial pour les besoins de la cause.
Comme le ridicule ne tue pas, le même parquet spécial est allé jusqu’à lui demander de lui communiquer le solde de son compte bancaire en France, incapable qu’il est d’avoir par lui-même cette information, lui l’accusateur public numéro un à qui il incombe de fournir et verser un tel élément au dossier.
Il est pour le moins curieux et dommage que la démarchede l’empereur des poursuites soit d’accuser et de mettre en prison pour ensuite aller chercher les preuves. On est là en plein Ancien Régime inquisitorial, en tout cas bien avant le code napoléonien.
La Cité Diamant Plazza de Kipé serait aussi, selon le procureur spécial Aly Touré – en pleine mission impossible –, la propriété de Ibrahima Kassory Fofana. Il aurait également amassé une fortune dans les BTP (Bâtiments et Travaux publics) et la pêche. La preuve ? L’inénarrable procureur spécial la tient de la bouche du cheval. Une fois encore, tout son procédé se trouve sous le pas d’un cheval.
Le plus difficile à comprendre est la calomnie qui touche, outre Ibrahima Kassory Fofana, sa famille, et notamment sa fille, son beau-fils et ses enfants quasi adoptifs qui cherchent tous la pitance et ne trouvent pas le moindre sou à verser sur leur compte bancaire.
Un dossier vide qui pue la cabale judiciaire
En définitive, le dossier dans lequel le parquet spécial près la Crief a crié sur tous les toits qu’il détenait des preuves irréfragables se dégonfle comme une baudruche, et lui-même avec. Traîner les gens dans la boue, pour des intérêts sordides, semble être le sport favori de ce parquetier moulé à la déformation professionnelle qui exerce son impérium dans la tristement célèbre justice guinéenne, plus instrumentalisée que jamais, du moins en ce qui concerne la Crief. Comme pour lefameux Tribunal révolutionnaire, l’honneur et la dignité des personnes ne signifie rien qui vaille à ses yeux face à ses intérêts personnels, qui s’apparentent au démon argent,conjugués aux objectifs politiques inavoués du pouvoir central.
À ce rythme, la dynamique de lutte contre la corruption ressemblera à un spectacle gratuit dont le scénario aura été écrit par un picrochole en képi et la réalisation confiée à un procureur aussi grotesque que cynique.
C’est bien de cette façon que le célèbre avocat Jacques Vergès, avocat de Carlos en 1994 et 1995, avait qualifié la procédure l’ayant visé, à l’occasion de la défense qu’il porta dans le dossier disciplinaire ouvert contre lui par le Conseil de l’ordre de Paris. « Grotesque ! », avait dit Me Vergès, qui contesta en bloc les « allégations » de la Stasi – la police secrète de la RDA – appelée à la rescousse par l’accusation. « C’est une opération médiatico-judiciaire montée parce que je dérange dans des dossiers sensibles. Ce n’est pas ma faute s’il n’y a rien dans les dossiers Carlos, c’est facile de faire diversion », dit-il en visant le juge Bruguière.
L’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana n’est-il pas à même de parler au procureur spécial Aly Touré comme Jacques Vergès ?
El Béchir