Pour empêcher les longues files d’attente et les campements de se former devant l’unique centre d’enregistrement des demandeurs d’asile à Bruxelles, le gouvernement tente une nouvelle mesure : répartir les migrants dans deux lieux de la capitale belge. Une solution à court terme qui ne change rien à la crise d’accueil que connaît le pays, mais qui invisibilise le problème, dénoncent les associations.
Les mois passent et les mêmes scènes se répètent à Bruxelles. Dans la capitale belge, la situation des migrants n’en finit pas de se détériorer. Depuis presque un an, la plupart des exilés qui se présentent devant le Petit-Château, l’unique centre d’enregistrement des demandeurs d’asile du pays, trouvent porte close.
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En cause, la saturation totale du réseau d’accueil, géré par l’agence Fedasil. Malgré les centaines de places d’hébergement créées – environ 2 500 en un an – rien n’y fait, la machine continue de se gripper. Pour pallier au plus urgent, l’État prend en charge en priorité les personnes dites vulnérables : les familles et les mineurs non accompagnés. Les hommes seuls doivent patienter des jours avant d’espérer pouvoir bénéficier d’un hébergement.
Résultat : des centaines de demandeurs d’asile se voient contraints de dormir chaque soir devant la structure chargée de prendre leur dossier. Avec des conséquences prévisibles : détection de cas de gale, prolifération des rats, bousculades entre migrants et mécontentement des riverains.
Les autorités semblent complètement dépassées, et ce depuis de longs mois. La nouvelle secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Nicole de Moor, a alors récemment tenté d’éteindre la polémique, avec une nouvelle mesure.
« Ça ne règle rien »
Depuis lundi, les demandeurs d’asile doivent désormais introduire leur demande de protection directement au siège de l’Office des étrangers, boulevard Pacheco. Une fois enregistrés, les migrants retournent au Petit-Château, situé à quelques kilomètres, pour se voir attribuer une place d’hébergement.
Ça, c’est la théorie. En pratique, des dizaines d’exilés se font refouler chaque jour de Pacheco, comme c’était le cas au Petit-Château jusque-là. « On change le modus operandi mais ça ne règle rien. On a déjà constaté des refus d’enregistrements de dossier », explique à InfoMigrants Sotieto Ngo, directrice du Ciré, une association d’aide aux exilés. « Lundi [29 août, ndlr], une centaine de personnes n’ont pas pu déposer leur demande à l’Office des étrangers, sans compter ceux des derniers mois. »
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Encore une fois, malgré ce nouveau dispositif censé fluidifier le système, les cas des familles et des mineurs sont traités en priorité, laissant les autres profils sur le carreau.
De plus, ce changement de lieu perturbe les exilés. Tous ne sont pas au courant de la nouvelle procédure. « Les gens sont perdus, ne connaissent pas Pacheco et ne savent pas où aller. Tout cela crée beaucoup de confusion pour pas grand-chose, c’est presque pire qu’avant », peste Mehdi Kassou, fondateur et porte-parole de la Plateforme citoyenne d’aide aux réfugiés, contacté par InfoMigrants.
Manque de places d’accueil
Car cette « mesurette symbolique », comme la décrit Sotieta Ngo, ne résout absolument rien, mis à part qu’elle diminue le nombre de personnes dans les files en séparant les deux publics : ceux qui attendent de se faire enregistrer à Pacheco, et ceux qui réclament un hébergement au Petit-Château. Ainsi, l’encombrement des trottoirs est moindre, et l’impression de chaos moins visible pour la population.
Une logique assumée par les autorités. « Cette mesure, prise par le gouvernement, n’apporte pas de places d’accueil supplémentaires mais permet de séparer les personnes dans les lieux », assure Benoit Mansy, porte-parole de Fedasil, joint par InfoMigrants.
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Avec le risque que des migrants, sans solution, dorment dorénavant devant les deux structures. Et cette crainte est vite devenue réalité : dans la nuit de mardi à mercredi, une centaine d’exilés ont passé la nuit devant le Petit-Château et une cinquantaine devant Pacheco.
Selon les associations, le nœud du problème réside dans le manque de places au sein du réseau d’accueil. Elles réclament inlassablement l’ouverture de nouvelles structures. « On dégage des places mais on les referme aussi vite et de toute façon, c’est insuffisant pour absorber l’arriéré », estime Mehdi Kassou.
Dans les centres, « il y a plus d’arrivées que de sorties »
Cette saturation de l’hébergement s’explique par une part plus importante de personnes qui demandent l’asile en Belgique ces dernières années, mais aussi par des délais de traitement des dossiers qui s’allongent. En moyenne, un exilé est accueilli un an et demi dans un centre, avant de recevoir une réponse à sa demande d’asile.
Cette situation provoque un goulot d’étranglement dans les structures, et empêche les nouveaux arrivants de profiter d’un toit. « Il y a plus d’arrivées que de sorties, ce n’est pas étonnant que ça ne fonctionne pas », constate Benoit Mansy. Ce dernier plaide, non pas pour la création de nouveaux centres, mais pour le recrutement de personnel afin d’accélérer la prise en charge des dossiers.
« Ce que l’on observe depuis des mois est indigne pour un pays comme le nôtre. Les demandeurs d’asile ont le droit d’être accueillis pendant la procédure. Pour ceux hébergés dans les centres, c’est aussi problématique. Ce long temps d’attente les plonge dans l’incertitude sur leur avenir et crée des tensions dans les lieux d’accueil », juge le porte-parole de Fedasil.