Dans un rapport publié jeudi, l’organisation britannique Medical Justice alerte sur ”les graves répercussions de la menace d’expulsion vers le Rwanda sur la santé mentale” des demandeurs d’asile au Royaume-Uni.
Alors que le premier vol en direction du Rwanda a été interrompu au dernier moment par une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’ONG Medical Justice évoque dans son dernier rapport, publié jeudi 1er septembre, les conséquences d’une expulsion vers le Rwanda sur la santé mentale des demandeurs d’asile. Selon l’association, qui a étudié le cas de 36 personnes qui devaient être envoyées vers Kigali par le vol empêché du 14 juin dernier, la simple menace d’expulsion a eu un impact sur la santé mentale des exilés.
Pour les femmes, hommes et jeunes suivis par l’association, dont la plupart viennent d’Iran, d’Irak, de Syrie, d’Érythrée, du Vietnam, d’Égypte ou d’Albanie, le parcours qui les a menés au Royaume-Uni, où ils venaient demander asile et protection, est déjà traumatisant. Sur les 36 demandeurs d’asile interrogés, 26 ont affiché des signes de torture avant leur arrivée au Royaume-Uni, 15 ont montré des symptômes de trouble de stress post-traumatique (SSPT) et six ont été victimes de la traite d’êtres humains.
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Depuis leur arrivée outre-Manche, 11 personnes ont eu des pensées suicidaires alors qu’elles étaient en centre de rétention. Une s’est automutilée et une autre a tenté de se suicider à deux reprises pendant sa détention. Et l’annonce d’une possible expulsion vers le Rwanda a ajouté un nouveau traumatisme à ces personnes fragiles.
Détresse psychologique
L’organisation estime que “le risque de suicide et d’automutilation a considérablement augmenté après qu’on leur a notifié qu’ils risquaient d’être envoyés vers le Rwanda.” « Selon nos médecins, certaines personnes étaient cliniquement considérées comme à haut risque de suicide quand elles ont été menacées d’expulsion », ajoute le rapport.
En juin dernier, comme le rapportait InfoMigrants, des associations avaient déjà alerté sur les risques de suicide chez les demandeurs d’asile menacés d’expulsion. Une Iranienne avait été sauvée in extremis après avoir tenté de se donner la mort. Un Yéménite de 40 ans avait également essayé de mettre fin à ses jours et avait enregistré une vidéo dans laquelle il indiquait “ne pas avoir d’autres choix” après avoir appris qu’il risquait d’être envoyé au Rwanda. Et un Afghan de 32 ans, arrivé enfant au Royaume-Uni, avait lui aussi cherché à se tuer en apprenant qu’il risquait le même sort.
La menace d’une expulsion provoque chez les demandeurs d’asile de multiples troubles mentaux. Pour la totalité des personnes suivies par les médecins, “la perspective d’un renvoi vers le Rwanda fait que les gens éprouvent de la peur, de la confusion et de l’incertitude quant à leur sécurité et une perte d’espoir”, note Medical Justice qui estime que le gouvernement britannique a conclu “un accord cruel et inadmissible”.
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Une situation de détresse psychologique qui met en péril la prise en charge des demandeurs d’asile. “L’expérience de la peur constante pour leur avenir signifie que les personnes menacées d’expulsion vers le Rwanda se voient refuser un sentiment de sécurité, provoquant ainsi une détresse et exacerbant les problèmes de santé mentale. L’expérience d’une telle peur a un impact sur l’efficacité de tout traitement”, pointe l’étude.
La perspective seule d’un renvoi est déjà suffisante pour impacter les personnes affectées, ajoute le rapport : « Les gens ont subi ces préjudices (…) malgré le fait que les expulsions n’aient pas eu lieu. Cela met en évidence les dommages déjà causés ». Selon les témoignages recueillis par l’organisation humanitaire, pour les demandeurs d’asile, une expulsion vers le Rwanda, “est similaire à une expulsion vers [leurs] pays d’origine, où [ils ont] fui la persécution”. Ce pays d’Afrique de l’Est n’est pas perçu comme un pays sûr par les demandeurs d’asile qui craignent aussi d’être renvoyés vers leur pays d’origine une fois arrivés.
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Et le flou dans lequel sont maintenus les exilés au Royaume-Uni n’arrange en rien leur situation psychologique. Selon l’association, les migrants reçoivent des documents uniquement en anglais et tous n’ont pas eu d’interprète pour leur détailler leur situation. Medical Justice cite “un processus accéléré et peu clair, en proie à des lacunes procédurales”.
Une politique contestée
Face à ce constat, Emma Ginn, la directrice de Medical Justice, appelle à « la libération immédiate » de toutes les personnes visées par l’expulsion vers le Rwanda et “l’abandon de cette politique”. “Ne pas le faire, compte tenu des preuves médicales, signifie que les dommages que le gouvernement inflige sont prémédités », accuse-t-elle.
De son côté, un porte-parole du ministère de l’Intérieur britannique a dénoncé un rapport qui “présente un certain nombre d’inexactitudes et de fausses déclarations sur la politique” mise en place, rapporte le Guardian. « Personne ne sera relocalisé si cela n’est pas sûr ou inapproprié pour lui, et notre évaluation approfondie du Rwanda a révélé qu’il s’agit d’un pays fondamentalement sûr et sécurisé, qui a fait ses preuves en matière de soutien aux demandeurs d’asile”, a-t-il ajouté.
Si le projet fortement controversé d’envoyer des migrants au Rwanda a pour l’instant été interrompu par une décision de justice, il doit être à nouveau étudié par la justice britannique le lundi 5 septembre. Le même jour que l’annonce du nouveau Premier ministre britannique. Les deux candidats, Rishi Sunak et Liz Truss, ont déjà promis de poursuivre cette politique.