La très libérale Liz Truss est devenue mardi la nouvelle Première ministre britannique, succédant à Boris Johnson. En termes de gestion des arrivées de migrants via la Manche et d’accueil des demandeurs d’asile au Royaume-Uni, elle devrait perpétuer la politique ferme de son prédécesseur.
Au Royaume-Uni, la relève de Boris Johnson, père du dispositif d’expulsion des migrants vers le Rwanda, est assurée. La très libérale Liz Truss est devenue ce mardi 6 septembre la troisième femme à diriger le gouvernement britannique, après Margaret Thatcher et Theresa May, au terme d’une campagne très à droite.
La nouvelle Première ministre britannique, 47 ans, qui a promis de gouverner « comme une conservatrice », s’est notamment démarquée de ses adversaires sur les baisses d’impôt. Elle va entrer au 10 Downing Street dans un contexte économique et social explosif, marqué par une inflation qui dépasse les 10%, une hausse exorbitante des factures d’énergie prévue à l’automne et des grèves qui s’étendent.
Mais un autre sujet brûlant attend Liz Truss : celui des arrivées irrégulières de migrants par la Manche, sans cesse plus nombreuses. Sur ce dossier, la quadragénaire ne devrait pas se départir de la politique menée par son prédécesseur.
Farouche partisane de l’accord avec le Rwanda
Liz Truss a d’ailleurs promis, non seulement de poursuivre, mais de mettre les bouchées doubles en ce qui concerne la mesure phare – mais toujours au point mort – de l’ancien gouvernement contre l’immigration illégale : les expulsions de migrants vers le Rwanda.
Preuve de son zèle sur le sujet : durant l’été, Liz Truss, alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, avait été accusée d’avoir sciemment retardé la publication d’un rapport sur les droits de l’Homme, qui comportait des critiques sur la situation au Rwanda, afin de ne pas mettre en péril cet accord.
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La justice britannique a commencé lundi à examiner les recours déposés par des associations devant la Haute-Cour de Londres contre ce projet hautement controversé. Espérant lutter contre ces traversées à bord de petites embarcations en constante augmentation et réaliser l’une des promesses du Brexit en luttant contre l’immigration clandestine, le gouvernement conservateur a conclu en avril un accord avec le Rwanda.
Ce dispositif d’expulsion avait ensuite été validé par les tribunaux britanniques qui avaient débouté des associations s’y opposant. Mais le 14 juin, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) avait empêché in extremis le décollage du premier vol à destination de Kigali, estimant que la justice britannique devait en examiner la légalité dans le détail.
Suite à ce revers, le gouvernement, déterminé à avoir les mains libres en matière d’immigration, avait présenté au Parlement un projet de loi « Bill of Rights » (déclaration des droits) permettant d’outrepasser cette juridiction veillant au respect de la Convention européenne des droits de l’Homme.
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Une loi qui ferait en sorte que le gouvernement puisse à l’avenir ignorer ce type d’injonctions provisoires de la CEDH. La « Bill of Rights » prévoit par ailleurs de faciliter l’expulsion des condamnés étrangers, en limitant leur possibilité de faire prévaloir leur droit à la vie familiale sur la sécurité publique. Autant de mesures auxquelles Liz Truss est favorable.
La Première ministre entend également chercher d’autres pays qui accepteraient de prendre, à la place du Royaume-Uni, ces candidats à l’asile indésirables.
Suella Braverman promet de sévir contre « les fraudes du système »
Sur la même ligne dure, Suella Braverman, conseillère juridique du gouvernement et initialement candidate au poste de Premier ministre, accède quant à elle au ministère de l’Intérieur, en remplacement de Priti Patel. C’est cette « pro-Brexit pure souche », comme elle se présente, qui héritera, en première ligne, du dossier des milliers de migrants arrivant sur les côtes britanniques.
Fille d’un immigré d’origine indienne au Royaume-Uni, elle a fait vœu, elle aussi, de sévir. Lorsqu’elle était candidate pour la fonction suprême, elle s’était présentée comme « la seule capable d’arrêter les petits bateaux » de migrants qui accostent sur les côtes anglaises.
En mars dernier, lors d’un débat télévisé, Suella Braverman avait plaidé pour un renforcement des contrôles de sécurité visant tous ceux qui essaient d’entrer dans le pays. Il y a eu « des tentatives de falsifications de documents aux frontières et de frauder le système pour entrer illégalement », avait-elle affirmé.
« Nous avons un bilan dont je suis très fière », avait-elle par ailleurs déclaré, en référence à la politique migratoire de l’île qu’elle semble juger généreuse. « Que cela soit les Afghans, les Syriens, ou même les citoyens de Hong Kong, nous avons relogé et accueilli plus de 25 000 réfugiés depuis 2015. »
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Des chiffres très loin de la réalité des arrivées dans le pays : rien qu’en 2021, 28 000 exilés ont traversé la Manche. En 2022, les arrivées ont déjà quasiment atteint ce record, malgré les mesures dissuasives inlassablement imaginées par les autorités. Selon un récent rapport parlementaire britannique, le total cette année pourrait atteindre 60 000.
Une fois arrivés sur ce territoire tant convoité, les migrants se trouvent confrontés à un système d’accueil complexe et opaque, voire déshumanisant. Au cours du processus de demande d’asile, nombreux sont ceux qui se retrouvent laissés dans l’incertitude, trimballés d’hôtel en hôtel à travers le pays, sans souvent être informés de leurs déplacements avant le dernier moment, avait constaté InfoMigrants au mois d’avril.