Tunis (dpa)– Doff, c’est le surnom que s’est forgé Apollinaire Guidimbaye au fil de sa carrière d’artiste plasticien, un surnom tirant son origine du Wolof qui désigne fou. « Là d’où je viens, les fous sont ces personnes qui se nourrissent presque dans les poubelles. Moi, je puise mon art dans les poubelles. J’y déniche toutes sortes d’objets en fin de vie, lesquels me servent de matière première pour la réalisation de mes tableaux », indique ce Tchadien de 39 ans dans un entretien accordé à la dpa. Pour réaliser ses œuvres d’art, Doff s’amuse à mixer et assembler différents matériaux de récupération comme les vieilles ferrailles, les pièces électroniques hors d’usage et les morceaux de tissu usé.
À travers ses toiles, l’artiste tente de raconter son quotidien et son vécu, mais aussi de porter un regard critique sur le monde et sur son continent. Il y expose notamment les maux qui rongent les sociétés africaines comme les guerres civiles, les conflits armés, la migration irrégulière, la pollution environnementale et les changements climatiques. Écolo dans l’âme, Apollinaire entend faire de son art un moyen pour interpeller le public et les décideurs politiques sur l’importance de la protection de l’environnement et éveiller leur conscience écologique. Issu d’une famille d’artistes, Doff a été initié à l’art de la récupération depuis sa tendre jeunesse. N’ayant pas fait des études approfondies, le Tchadien a appris le métier sur le tas.
Enfant, il transformait déjà les boîtes de conserve et les chaussures en jouets. Des années plus tard, il s’adonne à la marqueterie. Grâce à une petite scie offerte par son oncle, Apollinaire réalise des petits tableaux en découpant et en assemblant différentes pièces de bois. Ayant occupé le poste de scénographe pour une chaîne de télévision locale, durant quelques années, Doff a préféré y renoncer pour se consacrer pleinement à sa vocation. « Je parviens à vivre de ma passion, aujourd’hui, même si les ventes restent encore en dessous de mes attentes. Parallèlement à mon art, je continue encore à exercer mon métier de scénographe. Les scènes de spectacle que j’aménage sont construites essentiellement à partir de matériaux de récupération », souligne-t-il.
À travers ses œuvres, l’éco-artiste veut aujourd’hui continuer à porter cet engagement écologique et contribuer à améliorer l’image de son pays longtemps ternie par les guerres civiles et les conflits armés. « Mon ambition est de faire en sorte que le Tchad puisse sortir du désert culturel auquel il est confronté depuis ces années de guerre », souligne Apollinaire qui compte déjà à son actif une dizaine d’expositions dans de prestigieuses galeries en Afrique et en Europe. En mars dernier, Doff a été élu par la plateforme Tchad d’abord meilleur artiste de l’année 2021. La plateforme, qui est un collectif d’organisations de la société civile, récompense, chaque année, des citoyens tchadiens qui se sont distingués dans une discipline particulière. L’objectif de la plateforme est de « valoriser le Tchad et de promouvoir la paix, le vivre-ensemble, la citoyenneté et le patriotisme ».