Tunis (dpa) – Chacune de ses toiles se veut un hommage à ces personnes qui luttent à longueur de journée pour subvenir aux besoins de leurs familles. Du vendeur de café à la sauvette au chauffeur de taxi, Mounou Désiré Koffi veut immerger son public dans le quotidien de cette classe laborieuse au moyen de son art. Pour l’Ivoirien, rien de mieux que des vieux claviers de téléphones portables usagés afin de mettre en scène ces personnages. « Le téléphone cellulaire représente le meilleur outil pour brosser le quotidien de ces travailleurs, car il fait partie intégrante de nos vies. Il y’a tout dedans. Chaque clavier d’un portable symbolise l’identité d’une personne. Réunir ces claviers sur une même toile est une manière pour moi de promouvoir les valeurs du vivre-ensemble. », explique Mounou dans un entretien accordé à la dpa.
« Plus qu’un cri contre la dépendance technologique, mes œuvres immortalisent l’existence de ces hommes qui laissent leurs empreintes sur la planète », ajoute l’artiste de 28 ans qui puise son inspiration dans le Pop art, un courant artistique qui fait référence à la société de consommation. À travers ses tableaux, Mounou veut ainsi se positionner comme un ambassadeur de la protection de l’environnement et du développement durable en Côte d’Ivoire. Dans mon pays et en Afrique en général, la notion du tri des déchets n’est pas encore développée. D’où l’intérêt de l’art du recyclage qui intervient comme un moyen pour démontrer au public qu’il est tout à fait possible de donner une seconde vie à nos vieux objets et de créer à partir de rien », indique-t-il.
Le recyclage comme marque de fabrique
Selon le rapport Global E-Waste Monitor 2020 publié par Global e-waste Statistics Partnership, l’Afrique a produit 2,9 millions de tonnes de déchets électroniques en 2019, dont seulement 1 pour cent a été effectivement collecté et recyclé. Passionné de dessins depuis toujours, le jeune ivoirien affirme sa vocation pour les arts visuels dès l’âge de 7 ans, lorsqu’il remporte un concours artistique. Des années plus tard, il intègre l’École des Beaux-arts où il obtient une licence. C’est en regardant les enfants de son quartier jouer avec des téléphones portables que cet éco-artiste décide de faire de la récupération de ces objets sa marque de fabrique.
L’idée était aussi d’apporter une réponse à ces déchets électroniques qui inondent les rues d’Abidjan et constituent un risque de santé publique pour la population. D’après le Global E-Waste Monitor, les déchets d’équipements électriques et électroniques représentent un danger sanitaire et environnemental, car ils contiennent des éléments chimiques dangereux comme le mercure, qui peut causer des dommages au cerveau. Pour récupérer les téléphones usagés, Mounou collabore avec un groupe de jeunes qui sillonne quotidiennement les rues et les dépotoirs. Ces jeunes fouilleurs sont rémunérés en fonction de la quantité de pièces qu’ils rapportent.
En l’espace de deux ans, l’artiste et son équipe ont réussi à recycler plusieurs milliers de téléphones usagés. D’Abidjan à Paris, en passant par la Belgique, la Grande-Bretagne et la Suisse, l’artiste ivoirien compte déjà à son actif une dizaine d’expositions dans de prestigieuses galeries d’art et maisons de vente aux enchères. « Mon souhait le plus cher est de marquer l’histoire à travers mon art et de compter parmi les artistes engagés en faveur de l’environnement », conclut Mounou.