Une semaine après leur débarquement à Toulon, une soixantaine de migrants de l’Ocean Viking a été autorisée à demander l’asile. En parallèle de la procédure d’asile aux frontière, des décisions judiciaires ont conduit à la libération d’une centaine de rescapés retenus dans la « zone d’attente », désormais libres d’entrer sur le sol français. Une vingtaine de mineurs, ont quant à eux, pris la fuite vers d’autres pays.
Sur les 234 rescapés du navire humanitaire Ocean Viking débarqués à Toulon il y a une semaine, 123 migrants se sont vu opposer un refus à leur demande d’asile, soit plus de la moitié, a indiqué vendredi 18 novembre le ministère de l’Intérieur. Ils font donc « l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire » français, soit plus de la moitié, a ajouté le ministère de l’Intérieur.
Hormis les 44 passagers reconnus mineurs et placés dès les premiers jours sous la protection de l’Aide sociale à l’enfance, les 189 adultes restant avaient été retenus dans une « zone d’attente » fermée, qui n’est pas considérée comme appartenant au territoire français. Un espace créé dans le cadre de la procédure d’asile à la frontière, pour l’occasion, dans un centre de vacances de la presqu’île de Giens, à proximité de Toulon.
Ils sont tous passés cette semaine entre les mains de la police et des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), pour des contrôles de sécurité et de premiers entretiens effectués depuis cette « zone d’attente », afin d’évaluer si leur demande d’asile était fondée.
Au terme de ces entretiens, l’Ofpra a émis « 66 avis favorables » a précisé Charles-Edouard Minet, sous-directeur du conseil juridique et du contentieux du ministère de l’Intérieur. Cette soixantaine de migrants a donc été autorisée à déposer des demandes d’asile, et autorisée à entrer sur le territoire français. Ils ont été conduits vers des centres d’hébergement du Var, dont des Centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES).
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Parmi eux, certains seront « relocalisés » vers les onze pays européens (dont l’Allemagne, la Finlande ou le Portugal) qui s’étaient portés volontaires pour se répartir les efforts et les accueillir après leur débarquement en France.
Des avis défavorables mais pas d’expulsions massives et immédiates
Les « 123 avis défavorables », quant à eux, ne sont pas pour autant immédiatement expulsables. Le gouvernement français veut aller vite, le ministre de l’Intérieur Gerald Darmanina ayant affirmé dès le 15 novembre que ces personnes « seront reconduites [vers leur pays d’origine] dès que leur état de santé » le permettra. Mais les refoulements pourraient prendre un temps plus long, car ces procédures nécessitent que « la personne soit détentrice d’un passeport et d’un laissez-passer consulaire ». Or ce document doit être délivré par le pays d’origine et cela prend du temps car certains pays tardent à l’octroyer, avait expliqué l’Anafé, association de défense des étrangers aux frontières, à InfoMigrants il y a quelques jours.
D’autre part, des décisions de justice sont venues chambouler le calendrier annoncé par l’Etat. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a annoncé vendredi 18 novembre avoir validé la remise en liberté de la « quasi-totalité, voire la totalité » des 108 rescapés qui réclamaient de ne plus être enfermés dans la « zone d’attente ».
En cause, des vices de procédure dans les dossiers montés dans l’urgence et de juges dépassés par la centaine de cas à traiter. Les juges des libertés et de la détention (JLD) qui doivent en France, se prononcer pour ou contre un maintien en « zone d’attente » après 4 jours d’enfermement, ont estimé dans une majorité de cas que les migrants devaient être libérés. Le parquet a fait appel de ces décisions, mais la cour d’appel a donné raison au JLD pour une non-prolongation du maintien dans la « zone d’attente » dans la plupart des cas.
Certains des migrants libérés avaient reçu ces fameux avis défavorables de l’Ofpra, notifiés par le ministère de l’Intérieur. D’après l’Anafé, ils devraient néamoins pouvoir désormais » faire une demande d’asile une fois entrés sur le territoire ».
Douze migrants en « zone d’attente »
Après ces annonces de libération, le gouvernement a estimé dans l’après-midi, vendredi, que seuls douze migrants se trouvaient toujours dans ce centre fermé vendredi après-midi. A ce flou s’ajoutent « les personnes libérées mais revenues volontairement » sur le site « pour bénéficier » de l’hébergement, a reconnu, désabusé, le représentant du ministère.
Ces complications judiciaires et administratives ont perturbé nombre des rescapés, parmi lesquels se trouvent des personnes fragiles, dont la santé nécessite des soins psychologiques après les 20 jours d’errance en mer sur l’Ocean Viking qui ont précédé cette arrivée chaotique en France. Et ce d’autant que les autorités et les associations présentes dans la « zone d’attente » ont été confrontés à une pénurie de traducteurs dès les premiers jours.
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A tel point que le préfet du Var, Evence Richard, a alerté le 16 novembre sur le manque d’interprètes, estimant qu’il s’agissait d’ »un vrai handicap » pour s’occuper des migrants. « Dès lors, les personnes ne sont pas en mesure de comprendre la procédure de maintien en zone d’attente, leurs droits, la procédure spécifique d’asile à la frontière et ses tenants et aboutissants », avait aussi fait savoir l’Anafé dans un communiqué publié mardi.
Des scènes de grande confusion
En effet, la presse locale du Var et d’autres journaux français ont rapporté des scènes de grande confusion lors des audiences devant le tribunal de Toulon et la cour d’appel d’Aix-en-Provence, avec des « interprètes anglais pour des Pakistanais, une femme de ménage du commissariat de Toulon réquisitionnée comme interprète de langue arabe, des entretiens confidentiels tenus dans les couloirs », comme en atteste dans les colonnes du Monde, la bâtonnière du barreau varois, Sophie Caïs, présente le 15 novembre au tribunal.
Dans une autre audience, décrite par un journaliste du quotidien français ce même jour, une mère Malienne « fond en larmes lorsque la juge lui demande ce qu’elle a à ajouter aux débats. Sa petite fille de 6 ans, qui, depuis le début de la matinée ne la quitte pas d’un pouce, ouvre de grands yeux ».
Des mineurs en fugue
En parallèle, parmi les 44 rescapés mineurs logés hors de la « zone d’attente », dans un hôtel où ils étaient pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance, 26 ont quitté les lieux de leur propre chef, a-t-on appris le 17 novembre dans un communiqué du Conseil départemental du Var.
Les mineurs qui ont fugué « ont eu un comportement exemplaire, ils sont partis en nous remerciant », a insisté Christophe Paquette, directeur général adjoint en charge des solidarités au conseil départemental du Var. D’après lui, ces jeunes, dont une majorité d’Erythréens, « ont des objectifs précis dans des pays d’Europe du nord » tels que les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suisse ou encore l’Allemagne, où ils souhaitent rejoindre de la famille ou des proches.
Les services sociaux ont « essayé de les en dissuader », mais « notre mission est de les protéger et pas de les retenir », a ajouté M. Paquette.