Porte d’entrée de l’Europe pour les migrants ayant parcouru la route des Balkans occidentaux, l’Autriche se trouve confrontée au manque de moyens d’accueil. La crise ukrainienne s’est ajoutée à l’augmentation des arrivées de migrants d’autres nationalités. Or, le gouvernement autrichien peine à coordonner ses différents États fédérés, pour beaucoup réticents à développer davantage de solutions de logements.
Ce mercredi 16 novembre, les dirigeants des neuf États fédérés en Autriche se sont réunis afin de mettre sur la table la problématique de l’accueil des demandeurs d’asile et réfugiés. La question de l’hébergement était au cœur des discussions.
Près de 80 000 réfugiés ukrainiens résident actuellement sur le territoire autrichien, en première ligne de l’accueil depuis le début de l’offensive russe en février.
La crise ukrainienne n’est pas la seule explication à l’inadéquation actuelle des moyens d’accueil. Entre janvier et septembre, plus de 70 000 personnes ont demandé l’asile en Autriche, contre 40 000 sur l’ensemble de l’année 2021.
La plupart des arrivants en Autriche viennent de Syrie, d’Afghanistan, d’Inde et de Tunisie. Au global, l’Autriche connaît une augmentation de 200 % du nombre d’arrivants par rapport à 2021.
Des États autrichiens qui ne parviennent pas à s’accorder sur 5 000 places supplémentaires
Malgré les besoins croissants en hébergement, sept des neuf États autrichiens, à l’exception de Vienne et du Burgenland, refusent de respecter les quotas en vigueur en matière de logement des demandeurs d’asile réfugiés, relève le média européen Euractiv. Certains estiment n’être pas suffisamment impliqués dans la planification de la politique d’hébergement.
De fait, la réunion de ce mercredi n’a pas abouti à une harmonisation des pratiques ni à de nouvelles solutions concrètes. Pourtant, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), seules 5 000 places supplémentaires seraient à débloquer pour le moment. Le HCR en appelle aux municipalités autrichiennes. « Si chaque municipalité (…) créait quelques places, le problème serait rapidement résolu », a défendu sur son compte Twitter Christophe Pinter, responsable du HCR Autriche.
La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, avait déjà souligné l’importance d' »adopter des normes harmonisées applicables aux centres d’accueil et de coopérer avec les Länder [ États fédérés, ndlr ] pour faire en sorte que les conditions d’accueil ne varient pas d’un centre à l’autre et pour éviter le surpeuplement et les séjours prolongés dans certaines structures fédérales », dans un rapport de fin de mission paru en mai 2022.
Certaines municipalités ont fait des efforts, à l’image de Vienne : la ville a récemment ouvert 350 places supplémentaires à l’Hôtel de France, rappelle Euractiv. Mais un grand nombre d’élus conservateurs, qu’il s’agisse de maires ou de chefs de partis, s’opposent à davantage d’efforts.
Des leaders conservateurs s’appuient même sur ces problématiques d’accueil pour monter au créneau au niveau européen, voire pour demander une révision de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le sujet devient hautement politique. « Personne ne veut changer les droits de l’homme arbitrairement. Mais pour moi, c’est assez clair – la Convention des droits de l’homme, vieille de plus de 70 ans, a besoin d’une mise à jour sur le sujet de la migration », a ainsi déclaré Christian Sagartz, le chef du parti ÖVP-Burgenland.
Solutions précaires
En attendant, ce sont des solutions temporaires et précaires qui priment. Des dizaines de tentes avaient été dressées en octobre à trois points frontaliers, l’un au niveau de la frontière avec l’Allemagne et deux autres à la frontière avec la Slovénie. Cette solution temporaire, déployée par le gouvernement fédéral, avait là encore fait grincer des dents un certain nombre d’élus conservateurs locaux.
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Dans une lettre ouverte au gouvernement la semaine dernière, des associations et collectifs de soutien aux migrants avaient aussi désapprouvé cette solution précaire : « personne ne veut cela et cet hébergement inhumain est absolument évitable ».
Tout au long de l’année 2022, les autorités autrichiennes ont multiplié les possibilités d’hébergement pour accueillir 8 000 personnes dans des logements gouvernementaux. Mais le gouvernement fédéral affirme aujourd’hui que tous ses lits sont désormais occupés.
La route des Balkans sous tension
Si les personnes arrivant en Autriche restent majoritairement originaires de Syrie et d’Afghanistan, une forte augmentation du nombre de ressortissants indiens, rarement éligibles à l’asile, a été constatée ces derniers mois. La plupart n’ont pas l’intention de rester en Autriche, mais souhaitent atteindre des pays comme l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie, au bout de leur périple sur la route des Balkans.
Passant par la Turquie, la Bulgarie, la Macédoine du Nord et la Serbie, la route des Balkans occidentaux est redevenue une voie migratoire de premier plan. Près de 130 000 entrées irrégulières dans l’UE à partir de cette voie ont été enregistrées sur les dix premiers mois de l’année 2022, soit le nombre le plus fort depuis le pic de la crise migratoire de 2015, selon Frontex.
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Ce mercredi également, les chefs d’États de la Serbie, de la Hongrie et de l’Autriche se sont réunis à ce sujet. L’accord sur lequel a abouti leur rencontre vise à freiner les entrées dans l’Union européenne (UE), la Serbie étant utilisée comme un pays de transit par les migrants.
Le chancelier autrichien Karl Nehammer s’est par exemple engagé à déployer 100 officiers de police pour aider son voisin serbe à patrouiller à la frontière avec la Macédoine du Nord. « Des caméras à vision thermique, des drones et des véhicules » soutiendront cette militarisation de la frontière, a-t-il précisé.
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Fin septembre, le ministre de l’Intérieur Gerhard Karner avait quant à lui annoncé l’installation de points de contrôle supplémentaires aux frontières avec la Slovaquie, l’Allemagne et la Slovénie.
Avec infomigrants