Chérubin Mbrenga est un Centrafricain de 30 ans qui a fui son pays en raison de la guerre civile. Malgré sa demande d’asile déposée en Algérie, il a été expulsé vers le nord du Niger. Témoignage.
InfoMigrants a rencontré Chérubin Mbrenga à Assamaka, dans le nord du Niger, où près de 3 000 migrants sont actuellement dans l’attente de leur rapatriement. Les traits tirés, le jeune homme confiait sa crainte de ne pas être pris correctement en charge en raison de son statut de demandeur d’asile.
« J’ai quitté la Centrafrique en janvier 2014 à cause de la guerre. Mes parents et ma sœur ont été tués lors d’une attaque d’une milice Seleka. Je me suis enfui et réfugié chez un vieil homme qui était Malien… C’est comme ça que j’ai finalement quitté la Centrafrique pour aller au Mali.
Là bas, j’ai rapidement trouvé du travail comme maçon. Je travaillais souvent avec des Sénégalais et les choses se passaient bien. J’ai obtenu le statut de réfugié au Mali rapidement. Mais les choses se sont compliquées à partir du coup d’État, il y avait soudainement beaucoup moins de travail. Des amis m’ont dit que la maçonnerie payait bien en Algérie et j’ai donc décidé d’y tenter ma chance.
Je suis entré clandestinement en Algérie en juin 2021 et j’ai voyagé dans le pays. J’ai travaillé à Annaba puis à Alger, la capitale. J’ai beaucoup travaillé sur de grands chantiers turcs. Je gagnais 70 000 dinars algériens par mois (environ 480 euros) et je pouvais envoyer de l’argent à ma femme et à mon fils de 4 ans, qui étaient restés au Mali. Je voulais régulariser ma situation et j’ai donc fait une demande d’asile en Algérie il y a quelques semaines. Ma demande était en cours d’examen quand j’ai été arrêté.
« Ils ont pris tout ce que j’avais »
C’était un jour où je faisais mes courses, vers 18h. Un véhicule avec 5 policiers s’est arrêté. Trois sont descendus et m’ont aussitôt menotté. Ils m’ont fouillé et ont pris tout ce que j’avais sur moi. Mon téléphone portable, mon argent (14 000 dinars, soit 100 euros environ). Ils ont même gardé la nourriture que j’avais achetée : des oignons, des tomates, et un demi-poulet.
Un membre de la Ligue algérienne de Défense des droits de l’Homme, qui a requis l’anonymat, a confirmé à InfoMigrants que son organisation avait connaissance d’exactions policières lors des refoulements. « C’est un sujet qui est actuellement passé sous silence en Algérie car la capacité d’action des groupes pour les droits humains a été très réduite par la répression actuelle », a t-il ajouté.
J’ai expliqué aux policiers que j’étais demandeur d’asile, je leur ai montré le reçu du HCR. Ils m’ont dit qu’ils avaient appelé les bureaux du HCR à Alger, mais que personne ne pouvait venir pour moi. Donc ils m’ont déporté vers le centre de refoulement de Tamanrasset, puis vers le Niger comme tous les autres migrants… Et une fois arrivé à Assamaka, c’est l’OIM qui m’a dit qu’elle ne prenait pas en charge les réfugiés.
Ce qui est sûr, c’est que je ne veux plus retourner en Algérie, je préfère encore aller au Mali. La vie est épuisante pour les Noirs en Algérie. Les policiers peuvent te racketter à tout moment. Des bandes d’Ali Babas (des voleurs) visent particulièrement les Noirs. On doit toujours faire attention… Par exemple, on évite de dormir dans les containers aménagés au pied des grands chantiers. On préfère monter dormir dans les étages tout en haut des immeubles en construction pour ne pas se faire réveiller par la police. »
Avec infomigrants