De premiers refoulements de migrants rescapés de l’Ocean Viking ont eu lieu. Deux Maliens ont été renvoyés par avion mardi. Deux autres migrants, venus du Bangladesh, pourraient être refoulés. Une centaine d’autres sont rentrés dans le circuit habituel des demandeurs d’asile.
Deux rescapés maliens qui se trouvaient à bord de l’Ocean Viking débarqué à Toulon il y a deux semaines ont été refoulés par avion, dans la matinée du 23 novembre, d’après le ministère de l’Intérieur.
Un conseiller du ministre a indiqué au Parisien que Bamako avait délivré les laissez-passer consulaires nécessaires au retour dans le pays d’origine, et ce en dépit des tensions actuelles entre la France et le Mali. Une procédure habituellement longue car certains pays tardent à octroyer ce document officiel.
Or, dès le 15 novembre, Gérald Darmanin avait annoncé que 44 migrants de l’Ocean Viking s’étaient vu opposer un refus à leur demande d’asile. Ces personnes « seront reconduites [vers leur pays d’origine] dès que leur état de santé » le permettra, avait-il expliqué alors que l’étude des autres dossiers était toujours en cours. Il avait aussi dit avoir pris « contact dès hier [lundi 14 novembre] avec mes homologues étrangers pour que ces reconduites à la frontière puissent se faire dans les temps les plus courts possibles ».
Entre-temps, la justice en a décidé autrement. À ce jour, seuls deux refoulements ont eu lieu vers le Mali. Seuls deux autres migrants de l’Ocean Viking, des Bangladais, qui se trouvaient encore mardi soir dans la zone d’attente fermée sur la presqu’île de Giens mardi soir, risquent d’être renvoyés à leur tour, explique l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), contactée par InfoMigrants.
« Ces deux Bangladais devaient prendre l’avion mardi mais ne l’ont pas fait, nous ignorons pourquoi », précise Laure Palun de l’Anafé. Ils sont repassés mardi devant le juge des libertés et de la détention (JLD), qui en vertu de la loi française doit décider tous les 8 jours de la prolongation ou non du maintien en zone d’attente. Ce mardi, le JLD a décidé de prolonger la détention de ces deux migrants.
Ces rescapés « auront vocation à être reconduits dans leur pays d’origine », a assuré pour sa part un conseiller du ministère de l’Intérieur au Parisien interrogé mardi.
Une centaine de rescapés pris en charge
Par ailleurs, la semaine dernière, les avocats des rescapés de l’Ocean Viking ont soulevé des failles de procédure dans le traitement des dossiers de leurs clients. Le tribunal administratif de Toulon et la cour d’appel d’Aix-en-Provence leur ont donné raison.
Résultat : ces décisions de justice ont permis à la quasi-totalité des 123 migrants (dont une partie des 44 évoqués par Gérald Darmanin) qui avaient fait l’objet d’un refus de dépôt de demande d’asile, après des entretiens réalisés avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) dans la zone d’attente, de bénéficier d’une autorisation temporaire d’entrée en France.
Cette centaine de rescapés de l’Océan Viking, dont des familles Kurdes de Syrie et d’Irak, a donc eu l’autorisation vendredi de quitter la zone d’attente et a pu bénéficier d’un hébergement organisé par l’Ofii (l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration).
D’après Pascaline Curtet, responsable nationale de la Cimade dans la région Sud-Est, une trentaine d’adultes au moins, accompagnés d’enfants, ont été logés dans un Centre d’accueil et d’examen des situations (CAES) de Marseille et une dizaine dans plusieurs centres d’hébergement géré par le groupe SOS à Arles et Marseille.
>> À lire : Le CAES, première étape dans la prise en charge des migrants
En France, les CAES sont la première étape dans le processus de prise en charge des migrants. Leur but : que les occupants soient tous redirigés dans un délai de 11 jours maximum vers une autre structure d’hébergement de longue durée en France. En fonction des places disponibles, ils doivent ensuite être envoyés en centre d’accueil et d’orientation (CAO), en centre d’hébergement d’urgence pour migrants (CHUM) ou encore en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).
« Il y a des chances que ces demandes d’asile aboutissent »
Malgré un avis défavorable de l’Ofpra après les entretiens effectués après leur arrivée à Toulon dans le cadre de la procédure d’asile à la frontière, cette centaine d’exilés a désormais le droit de bénéficier d’un examen des demandes d’asile, à enregistrer sous huit jours.
« Il y a des chances que ces demandes d’asile aboutissent, ça n’est pas rare. Nous avons observé auparavant des cas où des personnes [qui avaient reçu un avis défavorable en zone d’attente, NDLR] obtiennent finalement la protection subsidiaire », commente Laure Palun.
En effet, l’examen du parcours des demandeurs d’asile dans le cadre de la procédure habituelle, qui peut durer entre trois à six mois, laisse le temps pour une investigation de fond, contrairement à la procédure à la frontière, décriée par les associations de défense des droits des migrants.
Et pour cause, difficile pour des rescapés tout juste arrivés après plusieurs semaines d’errance en mer, et parfois la perte de leurs papiers d’identité lors des naufrages, de prouver le fondement de leur demande lors d’un entretien de quelques minutes. D’autres considérations rentrent aussi en ligne de compte lors de ce type d’entretiens, notamment la langue parlée, et la qualité de la traduction effectuée par l’interprète de l’Ofpra.
Une partie de ces demandeurs d’asile pourrait aussi obtenir l’asile dans d’autres pays européens. Onze États, dont l’Allemagne et la Norvège, s’étaient portés volontaires pour les accueillir.
Avec infomigrants