Entre le 1er janvier 2021 et octobre 2022, 4 747 migrants ont quitté le Maroc pour retourner dans leur pays, via le programme de retour volontaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des Ivoiriens, Guinéens, Sénégalais, Maliens et Camerounais pour la plupart, usés par les conditions de vie dans le royaume et la difficulté d’y être en règle.
Ils pensaient rallier l’Europe ou même, pour certains, s’installer au Maroc. Mais leur quête d’une vie meilleure n’a jamais atteint son but. Entre le 1er janvier 2021 et octobre 2022, 4 747 migrants arrivés dans le royaume sont rentrés dans leur pays d’origine, via le programme de retour volontaire de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Dans le détail, près de 2 370 personnes ont été comptabilisées en 2021, soit trois fois plus qu’en 2020, et 2377 entre janvier et octobre 2022.
Pour bénéficier de ce programme, les exilés doivent se présenter aux bureaux de l’OIM à Rabat, Casablanca ou Oujda. Pour ceux qui n’ont pas de passeport, un laissez-passer est demandé par les agents aux autorités du pays concerné. Après avoir vérifié que le retour peut se faire sans risque, l’OIM accompagne personnellement les migrants le jour de leur départ, à l’aéroport de Casablanca. Le processus s’étale sur quatre semaines maximum. À leur arrivée chez eux, les migrants de retour peuvent, s’ils le souhaitent, bénéficier d’une « aide individuelle » qui leur permettra de « se réinsérer dans la société », a expliqué Jorge Domínguez de la Escosura, responsable du programme, à l’agence de presse espagnole EFE.
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Si la majorité des exilés de retour sont des Ivoiriens, des Guinéens, des Sénégalais, des Maliens et des Camerounais, depuis deux ans, l’OIM constate une augmentation des demandes de ressortissants soudanais. Sur la période étudiée, 56 sont rentrés au pays, dont 48 en 2022. « Deux petits pics » ont été observés : l’un « entre septembre et octobre 2021 », et un autre « entre juin et septembre 2022 », a précisé Jorge Domínguez de la Escosura. Soit juste après le drame de Melilla, où au moins 23 personnes ont perdu la vie. La majorité des personnes décédées, comme celles qui ont été arrêtées puis emprisonnées au Maroc suite à la tragédie, sont d’origine soudanaise.
« Pour manger, je fais la manche »
Parmi les raisons qui contraignent les exilés subsahariens à rebrousser chemin, malgré les risques persistant dans leur pays, l’OIM cite « le manque d’opportunités au Maroc, notamment au niveau socio-économique » et « les difficultés à s’intégrer dans ce pays d’Afrique du Nord ». En plus des « obstacles rencontrés pour obtenir un titre de séjour, et le manque d’accès à la nourriture et au logement ».
Une réalité que connaît bien Sara, une Ivoirienne installée à Mohammedia, près de Casablanca, depuis 2020. Rencontrée par InfoMigrants en mai dernier, la jeune femme constituait son dossier de demande d’asile auprès du Haut-commissariat pour les réfugiés de l’ONU (HCR), et vivait dans une très grande précarité. « Pour manger et m’habiller, je fais la manche, et je fais parfois des ménages ‘au noir’ dans des bureaux ».
Près de six mois plus tard « rien n’a changé, c’est toujours la même galère », déplore-t-elle. « En attendant une réponse du HCR, je ne peux rien faire. Même suivre une formation, c’est impossible, car on me demande un titre de séjour. Pourtant j’ai besoin de travailler pour survivre. Chaque jour, je cherche, je cherche, sans succès. Je n’en peux plus de tout ça. »
Pour Omar Naji, responsable de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) à Nador, « vu les difficultés que subissent au quotidien les migrants au Maroc, il n’y a rien de ‘volontaire’ dans ces retours organisés par l’OIM, ce sont des décisions totalement forcées, dénonce-t-il. On les pousse à partir et à rentrer chez eux, voilà tout ».
Les migrants soudanais « traqués »
D’après le militant, cette situation s’applique d’autant plus aux migrants soudanais que leurs difficultés dans le royaume sont encore plus grandes. « Ils vivent la même précarité que les autres exilés subsahariens, et sont, en plus, pourchassés et traqués par la police, dénonce-t-il. Si par exemple, un Soudanais veut prendre un taxi, acheter un billet de bus ou de train depuis Casablanca pour le nord du Maroc, on le lui refusera ».
Quand les migrants parviennent à atteindre cette partie du royaume, les difficultés persistent. Oujda et Nador, proches des frontières avec l’Algérie et l’enclave espagnole de Melilla, sont « des villes interdites » aux exilés. Dans la première, « les nouveaux arrivants dorment dans la rue, et avec un peu de chance, dans les couloirs d’une maison qui leur a été laissée par un Marocain », ou « sous un immense pont, sur un canal sec rempli de déchets », indique EFE. Et dans la seconde, « impossible pour les migrants, y compris les familles avec enfants, d’y louer un hébergement, ne serait-ce que pour quelques jours », assure Omar Naji. Ils n’ont alors d’autre choix que de se terrer dans les forêts alentours, en attendant de pouvoir escalader le mur qui sépare le Maroc des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla.
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