Pauvre Dadis ! Il ignore la puissance des réseaux. Sa narration (la thèse du complot ourdi contre lui) est fort plausible. Comme par hasard, Alpha, l’homme qui avait pourtant suggéré aux Forces vives la manifestation du 28 septembre 2009, n’était pas là. Ses militants non plus. Les délégués de son parti s’étaient présentés à la tribune officielle juste pour les images et ensuite ils avaient filé à l’anglaise avant que les assaillants lourdement armés ne s’introduisent au stade pour commettre l’indicible. Konaté aussi s’était esbigné. Quelques temps avant le massacre, il s’était envolé pour la Forêt. Les ficelles étaient assez longues et… un peu grosses.
Tout semblait savamment programmé et il y avait comme un parfum de rétention d’information et d’abstention délictueuse. Exactement comme le 22 janvier 2007 quand les jeunes opposants, qui voulaient forcer l’entrée de Kaloum, avaient été accueillis au bazooka au pont de 8-Novembre : 122 morts et plusieurs portés disparus. Alpha avait trouvé un argument pour être à l’étranger avant le carnage. C’est un coutumier du fait. Les membres de son parti, dirigeants et militants, étaient également aux abonnés absents. Seuls les militants du parti de Bâ Mamadou étaient tombés.
Concernant le 28 septembre 2009, la question cruciale est : à qui a profité le crime ? Certainement pas à Dadis, mais bien à ceux que tout le monde sait. Les deux font la paire.
Pour une phrase osée, le ministre des AE français Bernard Kouchner avait déclaré depuis Paris : « Monsieur Camara doit savoir que l’on n’est plus au temps de Idi Amin Dada. » Le couperet allait tomber. Soixante-six jours après le 28 septembre 2009, le paria de capitaine est mis hors circuit tragiquement et évacué dans un hôpital militaire marocain. Un mois plus tard, Konaté prend la tête de la junte, alors qu’il n’en est que le numéro 3 (Toto en étant le deux). Pour cela, Konaté avait dû se rendre au Maroc, où, par un curieux hasard de calendrier, le vieil ami de Alpha, Bernard Kouchner, revenant du Rwanda, l’avait rejoint. Le président Sarkozy y passait ses vacances d’hiver et le sous-secrétaire d’État américain William Fitzgerald était aussi dans le royaume chérifien. C’était une bien curieuse coïncidence. Et puis il y a eu les accords de Ouaga, et probablement aussi des pactes scellés.
Pour les lobbys, Konaté est un repenti. Il est protégé comme tel, pour avoir écourté la Transition du CNDD et organisé la fameuse élection présidentielle de 2010 qui avait vu l’incroyable victoire de Alpha Condé après une remontada invraisemblable de 34 points face à Cellou Dalein et un entre-deux-tours de 130 jours au lieu de 14, avec ses reports injustifiés. Ces multiples reports étaient destinés à donner à l’opérateur sud-africain Waymark Infotech – introduit en Guinée par le fils de Alpha – le temps de réaliser techniquement la fraude. Seul Konaté a pu réaliser un tel exploit dans le monde. Les difficultés qu’il a créées à la Guinée avec cette élection interlope empirent encore aujourd’hui.
Mission accomplie en 2010, le nom de Konaté avait été retiré du rapport d’enquête de l’Onu dressé en novembre 2009. Ce retrait n’avait aucun caractère secret, comme chacun se le rappelle.
Même les organisations de défense des droits de l’homme et l’association des victimes veulent en finir avec ce procès. N’importe comment. Dadis est poursuivi par la clameur publique, l’opinion s’est butée, on n’envisage même pas l’hypothèse qu’il dise vrai. Le capitaine navigue contre la tempête.
Konaté ne comparaîtra pas. Pépère à Paris, il s’en est même vanté dans une vidéo. Une chose est sûre, les lobbys seront vent debout contre le tribunal s’il s’avise de le traîner devant lui. Selon toute vraisemblance, Dadis sera déclaré cerveau du massacre, donc principal coupable. Tout chevronnés qu’ils soient, ses avocats n’y pourront rien. À moins que la partie civile et le procureur n’explorent sérieusement la piste qu’il a indiquée.
Cela étant peu probable, sa tête ne tient qu’à un fil.
Par Albassirou Diallo (Elbechir)