Sept corps de migrants ont été retrouvés dans la forêt de Ras Asfour, près d’Oujda, à la frontière avec l’Algérie. Officiellement morts de froid et de faim, six d’entre eux ont déjà été enterrés dans le cimetière de Jerada, à une soixantaine de kilomètres.
« Drame de la migration à la frontière algero-marocaine », annonçait l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) de Nador sur sa page Facebook, le 19 décembre. Selon elle, « 6 ou 7 migrants subsahariens » ont été retrouvés morts, le 14 décembre, dans la forêt de Ras Asfour près de la ville d’Oujda, au nord-est du Maroc.
Quelques jours plus tard, le 21 décembre, le cadavre d’un jeune homme âgé de 20 à 25 ans était découvert au même endroit, rapporte l’agence de presse espagnole EFE.
Tous les corps ont d’abord été emmenés à la morgue du centre hospitalier de Jerada, à une soixantaine de kilomètres de la forêt de Ras Afour, puis transférés à celle d’Oujda où ont été pratiquées des autopsies pour connaître les causes des décès. Les six premiers cadavres ont ensuite été inhumés, mercredi 21 décembre, au cimetière de Jerrada. Le septième se trouve toujours à la morgue « Oued Ennachef » d’Oujda.
Selon Driss Elaoula, membre de l’ONG Alarme Phone Sahara basée à Oujda, contacté par InfoMigrants, deux d’entre eux sont originaires du Tchad, et deux autres de Guinée Conakry. L’association d’Aide aux migrants en situation vulnérable (AMSV) atteste, sur document officiel, du décès d’un ressortissant malien de 22 ans. Les nationalités des deux autres victimes ne sont pas connues.
L’AMHD Nador évoque seulement, pour sa part, le cas d’un mineur tchadien de 17 ans.
Selon les autorités marocaines, ces migrants sont morts de froid et de faim. « C’est une zone montagneuse où les températures sont très basses en hiver, explique Driss Elaoula. Les exilés se fatiguent, et au bout de plusieurs jours ici sans nourriture, ils n’ont plus la force de bouger. Ils finissent par en mourir ».
Outre les difficiles conditions climatiques relevées dans la zone, le militant évoque aussi une « frontière dangereuse », matérialisée par une haute clôture de fer, où « les migrants se blessent souvent », en l’escaladant ou en chutant. Côté algérien, une fosse creusée par endroits est toute aussi périlleuse. « Ce sont des trous de 8m de profondeur et de 4m de largeur. Comme les exilés traversent la nuit, ils ne les voient pas. Ils se blessent en tombant tout au fond, où l’hiver, ces fosses sont remplies d’eau ». L’an passé, Driss Elaoula a fait une macabre découverte : au fond d’un de ces fossés gisait le corps d’une jeune Camerounaise, « congelée ».
Pour Omar Naji de l’AMDH Nador, les causes de la mort des sept migrants restent « floues ». L’association réclame « plus de précisions, et de transparence dans cette affaire ».
Rafles policières et déportations
La frontière entre l’Algérie et le Maroc est un point de passage des migrants subsahariens qui souhaitent atteindre l’Europe. Et il n’est pas rare que des migrants, épuisés ou victimes d’accidents et de violences, y soient retrouvés morts. Le 19 juin, le cadavre d’un Soudanais de 27 ans a été signalé à l’AMSV, près de Jerada. « Il s’appelait Khamis Abdourahman Issa, il a été trouvé avec le cadavre d’un autre migrant, probablement un Soudanais, mais on n’est pas encore parvenu à établir l’identité, avait affirmé Hassan Ammari, président de l’association aux Observateurs de France24. Selon le rapport d’autopsie, Khamis est mort d’un arrêt cardiaque ».
À chaque décès, l’AMSV s’efforce de retrouver l’identité du défunt, et de lui organiser des obsèques. Ces cinq dernières années, l’association a identifié et enterré 49 personnes.
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Pour les migrants qui survivent à ce passage dangereux, la suite de l’exil reste compliqué. Car ces derniers mois, la police marocaine a multiplié les raids. Mi-octobre, 57 exilés ont été arrêtées à Oujda. Quelques jours plus tard, le 22 octobre, le parquet a ordonné l’expulsion de 42 d’entre eux.
Ces arrestations s’ajoutent aux dizaines d’autres rafles policières conduites les jours précédents, sur le mont Gourougou à la frontière avec Melilla, dans la ville de Nador, ainsi que dans les localités voisines de Zaïo, Berkane et Oujda, rapporte EFE.
« Depuis le drame de Melilla [le 24 juin, 2 000 migrants avaient tenté d’entrer dans l’enclave espagnole ndlr] les rafles sont beaucoup plus nombreuses. La police arrête sans cesse les migrants et les forcent à monter dans des bus, direction le sud du pays, à Tiznit, Beni Mellal ou Agadir », confirme Driss Elaoula. « Ça, c’est pour les hommes seuls. Les femmes et les enfants sont emmenés à Oujda, dans des locaux d’associations ou à la paroisse de la ville. » D’après le militant, 80 personnes survivent actuellement dans l’église de la ville.
Avec Infomigrants