Figure de proue de la sélection Suisse, l’attaquant Breel Embolo a marqué les esprits durant la Coupe du monde, avec deux buts et plusieurs actions de classe. Le joueur de 25 ans fait les beaux jours de l’AS Monaco depuis l’été 2022, mais son parcours de vie, de son Cameroun natal jusqu’aux feux des projecteurs de la planète football, n’a pas été des plus aisés. Portrait d’un joueur qui veut marquer son sport, sans oublier d’où il vient.
Le 24 novembre dernier, stade Al-Janoub de Wakrah, au Qatar. Alors que démarre la seconde période du duel entre la Suisse et le Cameroun, un centre en retrait du milieu offensif helvète Xherdan Shaqiri trouve Breel Embolo au niveau du point de penalty qui, seul, ajuste le portier André Onana pour ouvrir le score pour son équipe.
Embolo s’arrête, met ses mains sur son visage puis les lève en l’air, en signe de respect, de reconnaissance du ventre envers sa patrie Africaine natale. « Je suis passé par tellement d’émotions ce jour-là, mais aussi à ce moment précis », se souvient Breel Embolo. « C’était mon tout premier but en Coupe du Monde et je le marque face à mon pays de naissance ! C’était très émouvant, confie le joueur à InfoMigrants. Et même si mon bonheur était immense, je devais me contenir car c’est un signe de respect de ne pas célébrer ses buts face à l’équipe nationale de sa terre de naissance ».
Le joueur décrit ce but comme « l’un des moments les plus forts de [sa] vie d’homme jusqu’à présent ». « C’était une espèce de pont émotionnel entre deux des plus grandes étapes de ma vie : ma naissance en Afrique et mon arrivée, ma vie en Europe ».
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Né à Yaoundé en février 1997, Breel Embolo passe les premières années de sa vie essentiellement avec sa mère et son frère, car ses parents se séparent lorsqu’il n’a que 3 ans. Le quotidien n’est pas facile, mais le petit Breel tombe rapidement amoureux du ballon rond, et passe l’essentiel de son temps avec ses copains à taper et courir dans les terrains pelés du quartier où il grandit. « Les amis, ma famille et un ballon de football : c’est tout ce qu’il me fallait pour avoir le sourire, et ces années camerounaises m’ont permis de devenir ce que je suis aujourd’hui », estime-t-il.
Alors quand sa mère lui annonce, l’année de ses 8 ans, que la famille va quitter le pays « pour aller en Europe et avoir une vie meilleure », le jeune homme se souvient avoir eu « un choc ». « J’ai pris un peu de temps à avaler la pilule, c’est certain », reconnaît-il aujourd’hui.
Les débuts à Bâle
Après un bref passage à Paris, la famille rejoint Bâle, en Suisse, où vit le nouveau compagnon de la mère de Breel. Le Camerounais joue toujours au football et rapidement il tape dans l’œil des recruteurs locaux. Démarre alors son aventure avec le FC Nordstrem, dans les environs de la ville.
À l’âge de dix ans, il effectue un premier essai avec le grand FC Bâle mais n’est pas sélectionné. « Il était déjà très décidé à vouloir devenir un joueur de foot professionnel, et il était toujours à l’écoute de conseils. On a fait de notre mieux pour qu’il soit le plus heureux et soutenu en permanence par le cercle familial. On ne vient pas d’une famille aisée. On a dû se battre pour avancer dans la vie et mon fils a toujours eu cette envie, même enfant, même étant adolescent, de faire tout ce qu’il pouvait pour nous apporter un avenir meilleur », raconte fièrement Germaine, sa mère.
Un an plus tard, Breel Embolo intègre finalement les rangs du meilleur club de Suisse. Il enchaîne les grosses performances dans les équipes de jeunes du FC Bâle et signe son premier contrat professionnel en 2013 à l’âge de 16 ans et 3 semaines ! La vague Embolo commence à prendre forme, et le football mondial voit une nouvelle pépite qui émerge…
Toujours regarder vers l’avant, en n’oubliant jamais sa terre de naissance
Le jeune attaquant n’attend pas pour empiler les buts. Parmi les équipes des moins de 18 ans et des moins de 21 ans de son club, il devient incontournable. Il voit son temps de jeu prendre de l’ampleur avec l’équipe première, sous la main de son entraineur de l’époque Murat Yakin. « Breel, c’était déjà un phénomène lorsqu’il avait 16 ans, et le fait de le faire monter en équipe senior était logique vu ce qu’il faisait en équipes de jeunes », se souvient celui qui est, aujourd’hui, l’actuel sélectionneur national.
« Au-delà de son talent naturel et de son éthique de travail, […], il a une faim de réussir qui lui permet de passer toutes les barrières que la vie a mises devant lui avec brio, souligne Murat Yakin. C’est un peu comme un fils pour moi. Je suis tellement fier de lui ! ».
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Breel Embolo devient en 2013 le plus jeune joueur du FC Bâle à marquer en ligue suisse et en coupe d’Europe en inscrivant un but face aux Bulgares de Ludogorets. Deux ans plus tard, il reçoit une convocation pour représenter l’équipe nationale helvète face aux États-Unis, à 18 ans. « Il est tout de suite devenu le joueur préféré des fans et des supporters de l’équipe nationale à travers le pays, sans contestation aucune. C’est beau que le peuple Suisse lui porte cet amour », sourit Haris Seferovic, l’un de ses meilleurs amis et coéquipiers du front de l’attaque de la « Nati », le surnom de l’équipe nationale Suisse.
« Continuer à grandir sur et en dehors des terrains »
Breel Embolo attise alors la convoitise de plusieurs clubs à travers l’Europe. Début 2016, la direction bâloise rejette une offre de 27 millions d’euros du club allemand de Wolfsburg pour son prodige. Mais les sirènes de la Bundesliga seront entendues quelques mois plus tard. Le joueur quitte Bâle pour le club de la Rhür de Schalke 04, qui le recrute pour 22 millions d’euros, ce qui constitue encore le plus gros transfert de l’histoire pour un jeune joueur Suisse de moins de 20 ans. « Ce départ vers l’Allemagne a été une étape supplémentaire dans mon parcours de vie. Je voulais déjà faire le maximum pour continuer à grandir, sur et en dehors des terrains », se remémore-t-il.
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Il continue sa marche en avant, et avec son numéro 7 dans le dos, permet aux adeptes de l’équipe au maillot bleu et blanc quelques moments de joie. En 2019, l’attaquant rejoint le Borussia Mönchengladbach, qui joue le haut du tableau. Le Suisse devient incontournable dans le 11 de départ de l’équipe, et partage le front de l’attaque, dès 2020, avec l’international français et fils de Lilian Thuram, Marcus Thuram.
« Breel a été l’un des éléments qui nous a aidé à disputer la ligue des champions. C’est un gars qui a toujours tout donné pour l’équipe. Malgré son départ l’été dernier, il reste l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du club. Son nom est encore sur toutes les lèvres car il a toujours été un joueur qui mouillait le maillot », assure Marcus Thuram à InfoMigrants.
Après six saisons Outre-Rhin, Embolo décide de tenter une nouvelle aventure, sur le rocher cette fois-ci, en signant avec l’AS Monaco, à l’été 2022. Avec 7 buts et 4 passes décisives depuis le début de la saison, il est l’un des artisans de la bonne première partie de saison des Monégasques.
Ses performances au mondial ne sont pas passées inaperçues. Mais le fait d’être devenu le premier joueur de l’histoire de la compétition à avoir marqué un but pour une équipe nationale face à l’équipe de son pays de naissance ne change rien à son amour pour le Cameroun. Breel Embolo s’y rend dès qu’il le peut pour recharger les batteries et soutenir la jeunesse locale. « Je vais au Cameroun pour voir mon père. Mais aussi pour ma fondation, la Breel Embolo Fondation, qui aide les jeunes en difficultés par le sport et l’éducation », explique le joueur qui déclare s’investir également « pour la cause des réfugiés et des migrants en Suisse ». « Je ne pourrai jamais oublier d’où je viens. Je suis suisse et africain, et cette double identité est un énorme motif de fierté, à jamais. »