Au cours de la première visite diplomatique du gouvernement d’extrême-droite italien à Tunis, mercredi, les autorités se sont dites prêtes à accueillir davantage de migrants issus de Tunisie pour travailler dans les secteurs industriel et agricole. Mais en contrepartie de l’appel à cette main-d’œuvre, les ministres italiens ont demandé un renforcement de la lutte contre l’immigration dite « irrégulière ».
Au cours d’une visite diplomatique ce mercredi 18 janvier à Tunis, Antonio Tajani, ministre italien des Affaires étrangères, a affirmé que l’Italie était « prête à augmenter » le nombre de migrants légaux venant de Tunisie.
L’idée est de nouer des accords pour « avoir des travailleurs réguliers, des jeunes Tunisiens et Africains, qui puissent s’intégrer chez nous ». L’Italie se déclare ainsi « prête à augmenter aussi le nombre d’immigrés réguliers, formés en Tunisie, qui peuvent venir travailler dans l’agriculture et l’industrie », a soutenu Antonio Tajani.
Mais en contrepartie de ces engagements oraux, les autorités italiennes ont demandé un renforcement de la lutte contre l’immigration dite « irrégulière ». Celle-ci est « un fléau pour la Tunisie comme pour l’Italie », considère Antonio Tajani.
Objectif de cette rencontre, donc : améliorer la coopération entre les deux pays pour « réduire l’immigration irrégulière et renforcer l’immigration régulière », a résumé le ministre.
En contrepartie, la lutte renforcée contre l’immigration « irrégulière »
Il s’agissait de la première visite officielle de la diplomatie italienne en Tunisie depuis l’élection du gouvernement d’extrême-droite de Giorgia Meloni, fin septembre. Ce gouvernement a déjà durci les règles concernant les ONG humanitaires en mer, et multiplié les déclarations hostiles à l’immigration.
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Aux côtés d’Antonio Tajani, le ministre de l’Intérieur italien Matteo Piantedosi s’est entretenu avec son homologue tunisien, ainsi qu’avec le président Kais Saied et le ministre des Affaires étrangères tunisien. Lors de ces échanges, Matteo Piantedosi a affirmé que la Tunisie était « victime » du « phénomène d’immigration irrégulière » en étant un pays de transit pour les migrants provenant d’Afrique sub-saharienne.
Selon des chiffres officiels italiens, plus de 32 000 exilés sont arrivés en Italie en provenance de Tunisie en 2022. Parmi eux, 18 000 ressortissants tunisiens.
C’est un record : en 2021, les autorités italiennes dénombraient 14 342 Tunisiens arrivés sur leurs côtes, contre 11 212 en 2020.
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Parmi ces exilés tunisiens arrivés en Italie en 2022, on compte au moins 3 430 mineurs, relaie le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) dans son rapport statistique paru fin octobre. Soit près de 20% des migrants ayant tenté cette dangereuse traversée de la Méditerranée centrale. La proportion de femmes, mais aussi d’enfants, a augmenté dans l’année écoulée, par rapport aux précédentes.
« Il y a un changement socio-démographique des personnes qui prennent les embarcations. Ce qui est nouveau, c’est que des familles entières, avec des enfants, partent aussi, pour tenter d’atteindre l’Italie, la France… », alertait Jamel Msallem, président de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme, auprès d’InfoMigrants mi-octobre.
« Augmenter les investissements en Afrique »
« Il faut résoudre les problèmes aux racines », a déclaré Antonio Tajani devant les caméras de la presse suite aux échanges officiels. Et ce, en ayant une « approche globale », pas « exclusivement sécuritaire », en comprenant « pourquoi des milliers et des milliers de personnes décident de quitter leur pays d’origine », a déclaré le ministre des Affaires étrangères tunisien.
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Rome et Tunis veulent « partager les stratégies » pour « se battre ensemble contre le terrorisme, la pauvreté, les maladies et le changement climatique ». En premier lieu, les autorités italiennes souhaitent développer leur implantation économique et commerciale en Tunisie. L’an dernier, l’Italie est devenu le premier partenaire commercial du pays. Il convient d' »augmenter les investissements en Afrique », a ainsi soutenu le ministre, pour « permettre aux jeunes Africains de rêver chez eux ».
En attendant de futurs accords autour de l’accueil de travailleurs migrants et de la lutte renforcée contre l’immigration dite irrégulière, un Business Forum se tiendra pour « renforcer encore plus la présence des entreprises italiennes » en Tunisie, ont annoncé les diplomates.