Un nouvel accord entre Londres et Paris a été signé vendredi pour tenter d’enrayer les traversées illégales de la Manche. Les Britanniques prévoient de verser plus de 500 millions d’euros sur quatre ans à la France pour militariser davantage la frontière maritime. Un nouveau centre de rétention devrait également voir le jour à Dunkerque, selon Londres.
Une fois n’est pas coutume. Londres et Paris ont signé, vendredi 10 mars, un nouvel accord sur l’épineuse question de la lutte contre l’immigration illégale. Après des années de brouilles, notamment sous le mandat de Boris Johnson qui reprochait à la France son inefficacité sur le dossier migratoire, Paris et Londres semblent avoir tourné la page des tensions.
C’est côte à côte que le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Rishi Sunak se sont présentés à la conférence de presse qui a suivi ce premier sommet entre la France et le Royaume-Uni depuis 2018. « C’est un moment de retrouvailles, de reconnexion et de nouveau départ […] C’est un sommet d’une nouvelle ambition », a lancé le président français.
Quelles sont les nouvelles mesures annoncées par les deux pays pour stopper les traversées de la Manche ? Premièrement, une grosse enveloppe financière pour prévenir les départs en mer et augmenter les taux d’interception. « Au cours des trois prochaines années, la contribution du Royaume-Uni sera de 141 millions d’euros en 2023-24, 191 millions d’euros en 2024-25 et 209 millions d’euros en 2025-2026 », indique un communiqué de Londres. Soit plus de 500 millions d’euros pour les quatre prochaines années.
Un nouveau « centre de détention » à Dunkerque ?
Autre annonce de Londres : l’ouverture d’un nouveau centre de « détention » dans le nord de la France à Dunkerque. Le ministère français de l’Intérieur s’est, lui, montré plus évasif sur le sujet, évoquant un « projet de centre de rétention administrative » pour étrangers en situation irrégulière dans l’attente de leur expulsion, dont la localisation serait « précisée ultérieurement ».
Londres et Paris ont également prévu le déploiement de 500 agents de police supplémentaires sur les plages françaises, et davantage de drones pour aider les forces terrestres.
Le sujet des traversée de migrants dans la Manche est explosif au Royaume-Uni, où les conservateurs au pouvoir sont régulièrement pressés d’agir davantage. Emmanuel Macron a souligné que Londres et Paris voulaient « avancer de concert » contre l’immigration irrégulière tout en ayant « conscience des enjeux humains » et de « l’extrême sensibilité de ces sujets ».
Il a rappelé qu’en 2022, « plus de 1 300 traversées d’embarcations de fortune » avaient été « empêchées », 55 filières de criminalité organisée démantelées, « grâce au travail de la cellule de renseignement conjointe franco-britannique ». Dans le même temps, près de 46 000 personnes ont pu traverser la Manche l’an passé.
Depuis des années, Paris et Londres déploient d’importants moyens techniques (clôtures, drones, caméras thermiques…) et humains (multiplication de patrouilles) à Calais, Grande-Synthe, Sangatte… pour freiner les venues des migrants sur les côtes anglaises. En vain.
En novembre 2022, un accord avait déjà été signé entre les deux pays pour essayer d’enrayer les traversées de la Manche. Une enveloppe de 72,2 millions d’euros avait été négocié pour couvrir les années 2022-2023. En contrepartie, Paris s’engageait à augmenter ses forces de sécurité de 100 policiers et gendarmes supplémentaires sur les plages d’où partent les migrants.
Accords critiqués par les associations
En 2021, les ministres britannique et français de l’Intérieur, à l’époque Priti Patel et Gérald Darmanin, s’étaient entretenus pour convenir d’une nouvelle batterie de mesures destinées à lutter contre l’immigration illégale dans la Manche. Il s’agissait, au moins, de la troisième rencontre de ce type entre la France et le Royaume-Uni en un an. À cette époque, une enveloppe de 63 millions avait été versée par Londres à Paris.
En novembre 2020, un précédent accord, appliqué dès le 1er décembre, avait permis un doublement des effectifs des patrouilles françaises « appuyées de drones et de radars permettant de repérer ceux qui tentent la traversée ».
Tous ces accords franco-britannique sont vivement critiqués par les associations d’aide aux exilés, notant que des mesures de sécurité renforcées avantagent les affaires des trafiquants d’êtres humains. « Ils devraient donner l’argent directement aux passeurs ! Parce que c’est ce qui arrive quand on militarise une frontière », s’agaçait déjà en 2021 Pierre Roques, un militant de l’association Utopia 56, aujourd’hui coordinateur de l’Auberge des migrants à Calais.
Ces dernières années, aucune des personnes interrogées par InfoMigrants dans des camps de fortune de Calais n’avait entendu parler de l’augmentation des patrouilles de police, d’une surveillance accrue des frontières qui font les gros titres en France et en Grande-Bretagne. Et aucun n’a essayé de changer ses plans de traversée de la Manche après les accords entre Londres et Paris.