Sélectionné au Nigeria par une équipe de première division ukrainienne, Clinton Chalokwu devait signer un contrat dans l’équipe Vorskla Poltava fin février 2022. Mais le 24, le déclenchement de l’invasion russe de l’Ukraine par Vladimir Poutine a fait s’écrouler le rêve de ce jeune Nigérian. Aujourd’hui en France, il est menacé d’expulsion.
Clinton Chalokwu a 17 ans lorsqu’il quitte, en octobre 2021, le Nigeria après avoir été sélectionné par une agence ukrainienne à la recherche de jeunes talents dans le football.
« J’ai passé les sélections, puis je suis resté trois mois à Kiev avant de rejoindre le club de première division Vorskla Poltava. Je devais signer mon premier contrat de joueur professionnel fin février, mais la guerre a éclaté.
Le soleil n’est pas encore levé, le 24 février 2022, quand les premiers missiles tombent sur l’Ukraine. Quelques minutes avant, lors d’une déclaration à la télévision, le président russe Vladimir Poutine annonçait le lancement d’une « opération militaire spéciale » en Ukraine. C’est le début de la guerre. Comme des dizaines de milliers d’Ukrainiens, Clinton Chalokwu veut fuir. Il prend la route le 1er mars.
J’étais triste et j’avais peur. C’était traumatisant de voir la guerre. J’ai donc pris un train qui était mis à disposition pour les civils qui voulaient fuir les combats. Je suis allé jusqu’en Hongrie, où je suis resté pendant trois semaines. Mais j’ai décidé de quitter ce pays car il y avait beaucoup de problèmes de racisme et il n’y avait pas un bon niveau de foot. Je ne pouvais pas y poursuivre mon rêve. J’ai donc pris la direction de la France.
Avec un bus, je suis arrivé jusqu’à Paris. Une association qui s’occupe des mineurs m’a pris en charge et je suis allé en foyer pendant trois mois jusqu’à ce que ma minorité soit contestée par un test osseux.
>> À (re)lire : France : le parcours encore difficile des étudiants africains venus d’Ukraine
Maintenant, j’ai 18 ans depuis le 2 novembre 2022. J’habite chez une famille d’accueil à Bricqueville-la-Blouette, [près de Coutances, dans la Manche, ndlr] depuis le mois de juin. Quand j’ai quitté le foyer, je ne parlais pas du tout le français, j’ai appris avec cette famille. Au début, je ne sortais pas car c’était un risque tant que je n’avais pas un dossier complet pour aller en préfecture. On a pris une avocate, tout de suite, pour mon dossier.
J’ai aussi rapidement cherché une équipe de football dans laquelle je pourrais jouer.
C’est comme ça que j’ai commencé à jouer au FC Agon Coutainville et à faire du bénévolat pour entrainer les jeunes joueurs. J’ai même eu une promesse d’embauche du club pour faire une formation d’animateur sportif (CPJEPS) en alternance à Caen. Il ne me manquait plus que des papiers pour commencer, j’avais déjà réussi mon test d’admissibilité à l’école.
« Mon projet, mon rêve, s’est brisé quand j’ai reçu la lettre de la préfecture »
Mais entre temps, j’ai reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), le 21 février 2023 qui me demande de quitter le pays dans 30 jours. Ça m’a abattu, j’étais triste. Mon projet, mon rêve, s’est brisé quand j’ai reçu la lettre de la préfecture. Ce n’est pas facile pour moi aujourd’hui.
>> À (re)lire : France : les étrangers venant d’Ukraine ne pourront pas obtenir la même protection que les Ukrainiens
Mon avocate a déposé un recours contre cette OQTF. Mais je n’ai pas encore eu de réponse. Je ne veux pas retourner au Nigeria en tout cas, je ne peux pas y réaliser mon projet, le niveau du foot n’est pas bon. Et même si la guerre se termine, je ne veux pas retourner en Ukraine. Le souvenir que j’en garde est terrible, je ne veux plus y retourner après ce que j’ai vécu là-bas.
Après la réception de l’OQTF, le club de football dans lequel joue Clinton et sa famille d’accueil se sont mobilisés. Une pétition (signée, jeudi 9 mars 2023, par plus de 5 000 personnes) a été lancée et une mobilisation a eu lieu le 4 mars dernier, jour de mobilisation nationale contre la loi asile et immigration.
Il y a beaucoup de gens qui me soutiennent. Voir autant de personnes m’aider, ca m’a redonné le moral, maintenant, je sais que je ne suis pas seul. Ça me permet de rester positif.
J’espère maintenant que tout va bien se passer et que le recours va aboutir car je veux juste réaliser mon rêve, moi. La guerre, ce n’était pas de ma faute. Et juste parce que je ne suis pas Ukrainien, je n’ai pas pu avoir [de protection]. Si j’avais été Ukrainien, obtenir des papiers aurait été plus simple. Mais bon, c’est comme ça. »
Quelques semaines après le début de la guerre en Ukraine, un système de protection temporaire a été mis en place dans l’Union européenne. Il permet aux réfugiés ukrainiens, pendant six mois renouvelables, de percevoir une allocation en France et d’y travailler. Mais les étrangers venant d’Ukraine, eux, ne peuvent pas prétendre à cette mesure.
Avec infomigrants