Dans un rapport publié ce lundi, la mission d’enquête sur la situation des droits humains en Libye a confirmé que les migrants sont bien la cible d’abus sexuels, dont l’esclavage, et appelle les autorités locales à réagir.
Les témoignages étaient déjà nombreux. Dans un rapport publié ce lundi 27 mars et cité par l’AFP, la mission d’enquête sur la situation des droits humains en Libye, qui fait partie de l’ONU, a confirmé la pratique de l’esclavage sexuel pour exploiter les migrants, notamment dans les prisons du pays. « Il y a des raisons de croire qu’un large éventail de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ont été commis par les forces de sécurité de l’État et les milices armées », a déclaré le chef de la mission, Mohamed Auajjar, dans un communiqué.
Le groupe d’étude a documenté et constaté de nombreux cas de détentions arbitraires, de meurtres, de torture, de viols, d’esclavage sexuel, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, confirmant que ces pratiques sont largement répandues en Libye. D’après le rapport, « il existe des motifs raisonnables de croire que l’esclavage sexuel, un crime contre l’humanité, a été commis à l’encontre de migrants ».
Plus de 400 entretiens conduits
La mission a également appelé les autorités libyennes à « élaborer sans délai un plan d’action en faveur des droits humains et une feuille de route sur la justice transitionnelle axée sur les victimes, et à demander des comptes à tous les responsables de violations des droits humains ».
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Depuis sa création en juin 2020, la mission de l’ONU a conduit 400 entretiens et recueilli plus de 2 800 éléments d’information sur ces accusations de crimes de guerre. La mission partagera ses informations avec la Cour pénale internationale (CPI), notamment pour tenter de retrouver et de juger les responsables de ces exactions.
Des exactions favorisées par l’instabilité politique
InfoMigrants a déjà recueilli le témoignage de plusieurs migrants ayant subi des abus sexuels dans les prisons libyennes. En décembre 2021, Sarah*, jeune Ivoirienne de 19 ans, racontait comment elle avait été violée tous les soirs par les gardiens de sa prison en Libye, avant de finir par tomber enceinte. Comme beaucoup d’autre migrants, elle cherchait aux dernières nouvelles à rejoindre l’Europe en bateau. Aminata*, une autre Ivoirienne, qui a fait plusieurs séjours en prison dans le pays, a connu les mêmes abus. « Tous les jours, les gardiens viennent chercher des femmes dans les cellules, et les emmènent à l’extérieur. Ils nous violent devant les autres hommes. On les entend rire et se moquer en arabe, car ils savent qu’après ce sera leur tour de nous passer dessus », nous racontait-elle en novembre 2021.
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Les témoignages de violences, sexuelles ou non, contre les migrants ont fait plusieurs fois la une de l’actualité ces dernières années. Le pays ne s’est jamais remis de la chute du dictateur Kadafi en 2011, et reste en proie à la violences des milices armées. En mars 2022, la Libye s’est même retrouvée avec deux gouvernements distincts, alors que le cabinet en place refusait de céder le pouvoir à l’ex-ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha, élu par le Parlement. Selon le dernier rapport de l’Organisation international pour les migrations (OIM) publié en août 2022, près de 680 000 migrants de plus de 41 nationalités différentes ont été recensés en Libye. Ils viennent pour la plupart du Niger, d’Égypte, du Soudan, du Tchad et du Nigeria.
*Les prénoms ont été modifiés