La Guinée a été le premier pays à organiser le retour de ses ressortissants, victimes en Tunisie d’agressions et d’arrestations après un discours incendiaire du président Kaïs Saïed à l’égard des immigrés subsahariens. Conakry s’est engagé à les aider à se réinsérer dans la société.
À l’ombre d’un jacquier, c’est le branle-bas de combat à quelques heures de la rupture du jeûne. Les femmes s’activent en cuisine. Dans cette concession familiale, Amadou (un pseudonyme) a fait son retour, après sept ans d’absence. « Je suis revenu de Tunisie, j’ai quitté la galère. Je suis en bonne santé, je n’ai pas été agressé. On espère que le gouvernement nous vienne en aide. »
Après un BTS de deux ans en commerce international, il a travaillé dans des cafés. Amadou était dans le troisième vol, celui qui a atterri à Conakry le 8 mars. « De l’aéroport, ils nous ont conduits à l’hôtel. On a passé la nuit et le lendemain, il y a l’OIM [l’Organisation internationale des migrations, ndlr] qui est venu sur les lieux. Ils nous ont inscrits, ils nous ont remis des cartes et depuis, on ne voit rien de clair. Si ça continue comme ça, je pense que ça risque de dégénérer parce que tout le monde n’a pas la même situation. »
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Il y a eu neuf vols jusqu’à présent qui ont permis de rapatrier 397 personnes. Ces derniers ont reçu une dotation de 300 dollars. Une somme qui ne permet pas de tenir longtemps. Il y a urgence, selon Amadou, certains sont en grandes difficultés : « Il y a beaucoup de personnes qui ne peuvent plus attendre et eux, ils ont besoin d’argent. Et il y en a d’autres qui n’ont pas d’endroit où dormir depuis qu’on est revenu ici. Donc c’est le calvaire en fait ».
« Si je trouve un moyen, je repartirai »
Les rapatriés ont créé l’Association des Guinéens victimes de racisme et de xénophobie en Tunisie, ainsi qu’un groupe WhatsApp qui réunit aujourd’hui plus de 200 membres. Parmi les femmes de la cour, il y a sa sœur, qui était une jeune fille quand Amadou est parti. Elle raconte les retrouvailles après toutes ces années. « Je ne m’y attendais pas. Ça a été une surprise pour moi. Personne ne s’y attendait, j’étais très contente. Il est revenu chez lui, Dieu merci, mais son moral, il ne l’a pas à 100% ».
Ce départ précipité de Tunisie et ce nouveau déracinement ont laissé des traces. Amadou ne peut s’empêcher de penser, déjà, à retourner là-bas. « Si je trouve un moyen, je repartirai encore parce que je pense qu’en Tunisie, si tu as un bon travail là-bas, tu peux bien faire ta vie. Ce n’est pas comme l’Afrique subsaharienne ». Mais Amadou n’est pas tout à fait sûr de ce qu’il veut faire. Il donne une chance au processus de réintégration. Dans six mois, dit-il, il prendra sa décision.
Avec RFI