Les traversées de la Méditerranée centrale ont augmenté de près de 300% depuis janvier, selon Frontex. Ces chiffres sont les plus élevés jamais enregistrés depuis le début des statistiques, en 2019. Une hausse qui s’explique notamment par de nouvelles pratiques des passeurs.
Depuis le début de l’année, 40 000 entrées irrégulières ont été enregistrées en Europe via la traversée de la Méditerranée centrale. Une nette augmentation, selon l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex. De telles chiffres n’avaient en effet jamais été observés depuis le début des statistiques dans cette zone, en 2019.
Cette hausse est particulièrement forte au départ des côtes tunisiennes : Frontex a compté 1 100% de traversées en plus que l’an dernier à la même époque.
Selon Hans Leijtens, le nouveau chef de l’agence, cette recrudescence s’explique par un nouveau modèle commercial des réseaux de passeurs.
Pour faire face à une concurrence féroce entre groupes de trafiquants, les prix demandés aux migrants qui souhaitent rejoindre l’Europe ont nettement baissé. En Tunisie, la baisse de ces tarifs pousse les passeurs à multiplier les départs.
« Les prix plus bas signifient qu’ils ont besoin de volumes plus importants. Il y a donc une raison pour eux de pousser davantage. Cela peut également expliquer les chiffres actuels », analyse Hans Leijtens.
Des nouveaux canots en métal, plus dangereux
Par ailleurs, les trafiquants utilisent désormais un nouveau type d’embarcations : des esquifs en métal construits en moins d’une journée sur les plages pour environ 1 000 euros l’unité.
Des bateaux particulièrement empruntés depuis la Tunisie. Lors de ses patrouilles en mer, la garde nationale a vu ces derniers mois à plusieurs reprises ces nouveaux bateaux.
S’ils sont plus rapides que les embarcations en bois des pêcheurs, ces canots sont néanmoins très fragiles et plus dangereux. « Ils sont très lourds, et absolument pas adaptés à la navigation en mer », avait expliqué à InfoMigrants Jean Janssen, de l’ONG de sauvetage en Méditerranée ResQship. « Il n’y a que 20 cm qui séparent les migrants de l’eau. À la première vague qui arrive sur le bateau, il coule immédiatement », avait-il précisé.
Ces embarcations sont la cause de nombreux naufrages ces derniers mois.
Mise en cause des garde-côtes tunisiens
Le comportement des garde-côtes tunisiens est aussi en cause dans l’augmentation des décès en mer. Les exilés accusent les autorités de voler les moteurs des bateaux et de faire des manœuvres dangereuses pour faire chavirer l’embarcation.
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Le mois d’avril a été particulièrement meurtrier au large de la Tunisie. Une série de naufrages a fait plus de 70 morts près des côtes tunisiennes.
Une situation qui a des conséquences sur les morgues, surpeuplées. Celle de Sfax, dans le centre-est du pays, a accueilli fin avril près de 200 cadavres de migrants pour une capacité de seulement 45 places. L’inhumation pose aussi un problème par manque de place dans les cimetières.
L’Italie débordée
La hausse des traversées inquiète l’Italie, en première ligne dans les arrivées des migrants. Depuis janvier, les autorités ont compté quatre fois plus de personnes débarquées, par rapport à la même période de 2022.
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Le gouvernement de Georgia Meloni craint que l’amélioration des conditions météorologiques n’engendre un important flux d’exilés cet été. La Première ministre redoute une situation comparable à ce que l’on a connu en 2016, l’année de tous les records.
Une nouvelle loi a été adoptée début mai pour tenter de contenir les arrivées de migrants en Italie. Quotas, restriction de permis de séjour, peine alourdie par les passeurs… autant de mesures pour tenter de lutter contre l’immigration clandestine. Le décret Cutro est cependant vivement critiqué par les défenseurs des migrants. Il restreint, selon eux, fortement les droits des exilés.
rfi/infomigrants