En Espagne, les quelque 800 associations regroupées au sein de la campagne Esenciales ont déposé, mercredi 10 mai, un projet de loi au Parlement espagnol pour la régularisation de 500 000 travailleurs migrants. Cette action a été rendue possible par la collecte de plus de 700 000 signatures de citoyens au sein d’une initiative législative populaire.
Mercredi 10 mai, les quelque 800 associations espagnoles regroupées au sein de la campagne Esenciales (Essentiels en français) ont déposé un projet de loi au Parlement espagnol pour la régularisation de 500 000 travailleurs migrants, a rapporté, le 16 mai, le média en ligne Rapports de force.
Depuis plusieurs mois, le collectif faisait campagne afin de réunir suffisamment de signatures pour pouvoir engager une initiative législative populaire. Une disposition prévue par la Constitution espagnole. « L’article 87.3 […] prévoit, par exemple, qu’au moins 500 000 signatures citoyennes sont nécessaires pour qu’une proposition de loi citoyenne soit proposée à la discussion du Parlement », explique dans The Conversation Nicolas Pauthe, docteur en droit public.
La campagne lancée en ligne a été clôturée en décembre dernier, avec plus de 700 000 signatures. Elle a ensuite été présentée devant le Congrès le 10 mai par les porte-paroles de la campagne. « Pour beaucoup de personnes en situation irrégulière, il est impossible d’obtenir des papiers », a déclaré l’un d’eux, Lamine Sarr, cité par le journal espagnol El Diario. « Parmi eux, il y a des familles avec des enfants qui ne peuvent pas accéder à la santé ou à l’éducation, ils se retrouvent dans la roue d’un système pervers qui les maintient dans une extrême précarité », a plaidé cet ancien sans-papiers sénégalais.
« Nous ne voulons plus être une monnaie d’échange pendant une année électorale. Nous voulons être des sujets politiques, être acteurs des politiques migratoires mais aussi des politiques publiques qui conditionnent notre quotidien », a encore réclamé le représentant.
Compenser les départs à la retraite
En 20 ans, le nombre de travailleurs étrangers en Espagne est passé de 1,4 à 2,4 millions, soit une moyenne de 70 000 tous les ans, selon l’Institut espagnol de la statistique (INE).
Une présence nécessaire selon le gouvernement de Pedro Sanchez qui estime que le pays doit accueillir au moins 200 000 migrants chaque année pour compenser les départs à la retraite de sa population vieillissante.
Mais les conditions de régularisation sont très compliquées dans le pays. Pour obtenir des papiers, les migrants doivent justifier d’une présence d’au moins trois ans en Espagne, en fournissant une attestation de domicile délivrée par les municipalités. À cela s’ajoute un contrat de travail d’un an, de minimum 40 heures par semaine. Or, les exilés ne possèdent pas toujours de document de location et ne trouvent pas facilement d’emploi déclaré. Et même s’ils travaillent de manière légale, les contrats de 40 heures sont extrêmement rares.
En juillet 2022, le ministre des Migrations, José Luis Escrivá, avait révélé que les personnes arrivant dans le pays en situation irrégulière mettent en moyenne sept ans et demi pour obtenir un titre de séjour.
Mesures en faveur de la régularisation
Pour tenter de réduire ces délais, l’Espagne a récemment pris plusieurs dispositions. En août 2022, les députés espagnols ont adopté une réforme visant à faciliter l’entrée sur le marché du travail et l’installation légale de milliers de personnes étrangères dans le pays.
Parmi les principales dispositions prévues figure la possibilité d’obtenir un titre de séjour de 12 mois pour les personnes en situation irrégulière mais pouvant justifier d’un séjour dans le pays d’au moins deux ans. À une condition : effectuer une formation dans les secteurs qui manquent de main-d’œuvre. À savoir, le tourisme, les transports, l’agriculture et la construction.
En février dernier, Madrid a également annoncé que les sans-papiers installés depuis au moins deux ans en Espagne pourraient bénéficier d’un permis de séjour temporaire, à condition de s’inscrire dans une formation professionnelle. Un « niveau minimum d’espagnol » et quelques « compétences propres » sont exigés pour accéder à ces formations.