Dans plusieurs pays européens, les gouvernements ont fait voter des lois restrictives sur l’immigration illégale dans le but de réduire les arrivées de migrants. C’est le cas au Danemark ou au Royaume-Uni. Mais les entreprises de ces deux États ont besoin de cette main-d’œuvre étrangère dans des secteurs en tension.
Employés de maisons, agents de sécurité, ouvrier dans le bâtiment… En France, entre 25 et 40% des travailleurs dans ces métiers sont immigrés d’après une étude datant de 2021. Des métiers dit essentiels, mais qui se définissent par un niveau de qualification plus faible et avec de fortes contraintes physiques.
Ce sont aussi des métiers en tension : des secteurs où les entreprises peinent à recruter. C’est le cas par exemple pour les aides à domicile. Environ 85% des employeurs disent rencontrer de grandes difficultés pour répondre à la demande faute de travailleurs, selon les chiffres de Pôle emploi.
En France, surreprésentation des immigrés dans les métiers les moins bien payés
Dans son nouveau projet de loi sur l’immigration, le gouvernement entend lutter contre l’immigration irrégulière tout en favorisant l’intégration par le travail. « Être méchant avec les méchants, être gentil avec les gentils » selon les mots du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Certains à droite souhaitent des quotas sur les régularisation de sans-papiers. Une proposition du groupe les Républicains (LR), reprise par certains députés de la majorité, voudrait que si un travailleur immigré gagne en dessous de deux ou trois fois le Smic, il ne peut accéder à une régularisation de ses papiers. Deux Smic en France : cela correspond à 2 700 euros nets par mois.
Et pourtant les immigrés sont surreprésentés dans les métiers les moins bien payés. Selon une étude de l’Organisation International du travail, ils gagnent en France 9% de moins en moyenne que les travailleurs sans ascendance migratoire.
Derrière la proposition des LR, il y a un point de débat central : la rémunération comme critère pour obtenir un visa de travail. Cette règle est en vigueur au Danemark : la loi impose aux entreprises que la rémunération atteigne un minimum annuel de 448 000 couronnes, soit environ 60 200 euros brut. Une manière de limiter drastiquement le nombre de visas délivrés.
Le Danemark face à une pénurie de main-d’œuvre
Le Danemark est le pays donné en exemple en France, notamment par le Rassemblement National (RN) et les Républicains. Les politiques de droite s’y rendent en visite depuis quelques semaines. Une façon, disent-ils, de s’inspirer de ce pays à la politique migratoire la plus stricte en Europe.
Au Danemark, les gouvernements successifs font tout pour décourager les migrants de venir s’installer. Confiscation des biens une fois arrivés sur le territoire, accès restreint aux allocations… Sur le travail, il y a de nombreuses barrières à l’emploi des travailleurs non européens : notamment « une liste positive » de métiers autorisés.
Et cette politique semble porter ses fruits : ces dernières années, le pays a vu un très faible taux d’arrivées de migrants. Mais l’absence d’étrangers provoque une pénurie de main-d’œuvre, dans ce petit État de 6 millions d’habitants confronté à une faible taux de natalité.
Pour palier le problème, les organisations patronales danoises proposent de favoriser l’immigration d’une main-d’œuvre qualifiée. Un syndicat du secteur public avertissait en 2020 que 40 000 travailleurs sociaux et de la santé manqueraient d’ici à 2029, le syndicat danois des infirmières anticipe lui un manque de 6 000 infirmières.
Et Copenhague amorce finalement un début de marche arrière. Face au désarroi des chefs d’entreprise, le Parlement danois a adopté fin mars plusieurs amendements à la loi sur les étrangers afin de permettre aux entreprises de recruter plus facilement des travailleurs en provenance de pays non membres de l’Union européenne.
Au Royaume-Uni aussi, les mesures anti-immigration mises en place par le gouvernement inquiètent les entreprises. Le nouveau projet de loi britannique contre l’immigration illégale prévoit d’empêcher les migrants arrivant par la Manche de demander l’asile.
Ce texte déboucherait sur la détention puis l’expulsion de plus de 3 000 demandeurs d’asile par mois dès janvier prochain. Elle est fermement critiquée par le patronat, qui la juge « contre-productive ». Les entreprises réclament au contraire davantage d’immigration afin de pourvoir les plus d’un million d’emplois vacants dans le pays.
Avec infomigrants