Plus de 700 exilés ont été interceptés en mer par les garde-côtes libyens entre le 21 et le 27 mai, a fait savoir l’Organisation internationale pour les migrations lundi. Un chiffre inhabituellement élevé qui s’explique notamment par les départs de centaines de migrants depuis les plages de l’est de la Libye.
C’est un chiffre inhabituellement élevé. Entre le 21 et le 27 mai, 726 exilés dont des femmes et des enfants, tentant de rejoindre l’Europe, ont été arrêtés par les garde-côtes libyens au large de Tripoli puis renvoyés vers la Libye, d’après les chiffres publiés par l’Organisation internationale des migrations (OIM).
C’est depuis l’est du pays, en région cyrénaïque, que ces nombreux départs ont eu lieu, explique Giacomo Terenzi, coordinateur de l’OIM en Libye, interrogé par InfoMigrants. Au moins 600 personnes interceptées le 27 mai seraient parties de Benghazi, la deuxième ville du pays, située à quelque mille kilomètres à l’est de Tripoli. Généralement, les bateaux qui partent de l’est du pays sont bien plus gros que les embarcations de l’ouest puisqu’ils doivent effectuer une route plus longue pour rejoindre l’Italie. Ils comptent souvent plusieurs centaines de personnes à bord.
« Notre accès est généralement limité à l’est », admet le représentant de l’OIM, dont le siège en Libye se trouve à Tripoli. Cette partie du pays, dont les autorités ne sont pas reconnues par la communauté internationale, est contrôlée par une faction rivale au gouvernement de Tripoli, à l’ouest.
« Les autorités de l’est opèrent d’une façon très différente des garde-côtes libyens à l’ouest », ajoute Giacomo Terenzi. Sans financement et soutien de l’Union européenne (UE), les autorités de Cyrénaïque n’ont pas les moyens – ou la volonté politique – de stopper les embarcations de migrants qu’à l’ouest.
En tout, depuis le 1er janvier 2023, ce sont près de 6 000 exilés qui n’ont pas réussi à atteindre l’Europe par la mer, dont 244 femmes et 122 enfants, selon l’OIM. Ils ont été interceptés en mer par les gardes côtes de l’ouest du pays et ramenés en Libye. Au moins 643 personnes ont trouvé la mort en tentant la traversée et 332 sont portées disparues.
À leur retour sur le sol libyen, les migrants récupérés par les garde-côtes sont envoyés dans des centres de détention. Ils y sont exposés à de graves abus – travail forcé, torture, viols – et sont parfois même vendus en tant qu’esclaves et esclaves sexuels.
Le soutien controversé de l’Union européenne
L’UE est souvent pointée du doigt dans la politique migratoire menée par Tripoli. Bruxelles fournit un soutien financier aux autorités libyennes pour empêcher les arrivées de migrants sur son territoire. Depuis 2017, l’UE a alloué 57,2 millions d’euros au pays. Et en mars, le Conseil européen a renouvelé pour deux ans son soutien aux autorités libyennes – soutien qui comprend notamment la formation des garde-côtes libyens et la fourniture de navires.
En 2021, Amnesty International déclarait déjà que les États membres de l’UE « continuent honteusement d’aider les garde-côtes libyens (…) alors qu’ils ont parfaitement connaissance des horreurs » que les migrants subissent dans les prisons. La mission d’enquête de l’ONU qui a rendu ses conclusions en mars fait état de collusions entre les garde-côtes, les passeurs et les trafiquants.
InfoMigrants recueille régulièrement les témoignages de personnes passées par les centres de détention, ils décrivent la violence qui y règne. « Les gardes nous frappent sans raison. Parfois, ils emmènent des personnes dans une pièce et les violentent. Ils filment les tortures et les envoient aux familles pour qu’elles paient une rançon » racontait Malik, un réfugié soudanais de 23 ans, à la rédaction en février 2022.
Les femmes sont, quant à elles, la cible de viols répétés. « Tous les jours, les gardiens viennent chercher des femmes dans les cellules, et les emmènent à l’extérieur. Ils nous violent devant les autres hommes. On les entend rire et se moquer en arabe, car ils savent qu’après ce sera leur tour de nous passer dessus », expliquait en 2021 Aminata, une Ivoirienne, dont le dernier enfant est le fruit d’une agression sexuelle commise dans une prison libyenne.
Violences en mer
Plusieurs ONG ont également fait état de violences commises par les garde-côtes libyens envers les embarcations de migrants et les bateaux humanitaires qui portent secours aux exilés.
Fin mars, l’Ocean Viking révélait avoir été menacé par des Libyens en pleine mer. Ils ont tiré des coups de feu en l’air pour empêcher la navire de l’ONG SOS Méditerranée de porter secours à des exilés en détresse. Plusieurs témoignages semblables ont été rapportés ces dernières années.
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Des migrants eux-mêmes ont essuyé des tirs des forces libyennes en mer, alors qu’ils tentaient de leur échapper. En février 2022, un exilé a perdu la vie et trois ont été blessés après avoir été visé par des garde-côtes libyens armés. Les Nations Unies avaient alors réclamé une enquête et promis de sanctionner les responsables. Mais à ce jour, aucune information judiciaire n’a été ouverte.
Selon l’OIM, au moins 25 000 exilés sont morts ou disparus en Méditerranée centrale depuis 2014. Cette route migratoire demeure la plus meurtrière au monde.