Dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21 juin, les forces de l’ordre ont procédé à l’évacuation de 450 jeunes exilés, installés en plein centre de Paris par des associations pour alerter sur leur sort. Avant leur installation place du Palais Royal, ils avaient occupé une école désaffectée du XVIe arrondissement, sans eau ni électricité.
Bousculades, jets de projectile et gaz lacrymogène. L’évacuation de 450 migrants, dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21 juin, place du Palais Royal à Paris, s’est déroulée dans une ambiance très tendue.
Mardi 20 juin, vers 20h, les exilés avaient quitté l’école désaffectée du XVIe arrondissement qu’ils occupaient depuis 77 jours pour cette place du centre de la capitale, en face du Conseil d’État. En l’espace de trois minutes, des centaines de tentes rouges, vertes et bleues y ont été déployées, par les exilés eux-mêmes et des militants associatifs. Objectif : alerter les autorités sur le sort de ces jeunes migrants qui, n’ayant pas été reconnus mineurs par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), réclamaient une mise à l’abri de la part de l’État.
« On va déjà rester là toute la nuit. C’est envisageable d’occuper la place jusqu’au 30 juin », a indiqué à l’AFP Marion Catusse, bénévole au sein de l’association Les midis du mie, au début de la mobilisation.
« On est abandonnés par la France. On n’a pas d’autres choix que de manifester pour montrer ce qu’on vit », a déclaré de son côté Mohammed Fofanah, originaire de Guinée équatoriale.
Cette opération a été organisée par les associations Utopia 56, Les midis du mie, Tara et Timmy, après une audience du tribunal judiciaire du 12 juin relative à l’expulsion de ces migrants. Le délibéré a été fixé au 30 juin. Yann Manzi, co-fondateur de l’organisation Utopia 56 a contesté cette date : « On s’attendait à une réponse dans la semaine. Or on est plus de 700 à l’intérieur [de l’école ndlr]. Ça devient une cocotte minute, ça devient ingérable. Si on ne fait rien, il va se passer un drame. »
« Malgré l’urgence de la situation, malgré la menace de groupuscules d’extrême-droite, une demande d’évacuation sanitaire par l’Agence régionale de santé (ARS) et plus d’une trentaine d’alertes faites aux institutions, ni le gouvernement, ni la préfecture d’Île-de-France, ni la mairie de Paris n’ont répondu aux appels au secours de ces jeunes », dénonçait encore son association dans un communiqué.
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Très rapidement pourtant, un important dispositif policier s’est mis en place. Tout au long de la soirée, les forces de l’ordre mobilisées en nombre ont procédé au démontage des tentes, une par une. Elles ont fait usage de gaz lacrymogène pour réaliser l’évacuation, ordonnée par la préfecture de police de Paris.
Vers 22h30, un porte-parole d’Utopia 56 avait fait état d’une importante présence policière avec à la clef l’interpellation d’au moins une vingtaine de personnes. Deux jeunes présents sur la place ont également fait des malaises, a fait savoir l’association sur Twitter.
Une heure et demi plus tard, peu après 1h00 du matin, la police encadrait le départ des derniers militants et manifestants dans les rues alentour, alors que la station métro Palais-Royal était fermée au public. « Devant ce lieu ‘garant des droits et de libertés’ la seule réponse donnée est l’indignité », a déploré Utopia 56. « Après des scènes de violences inouïes », la totalité des occupants ont été laissés « sans solutions ». « Au moins trois d’entre eux sont partis avec les pompiers. Les autres ont été poussés à l’errance dans les rues de Paris », a-t-elle ajouté.
À 5h du matin, certains ont trouvé refuge dans un parc, où ils ont dormi à même le sol, sans tente ni couverture. Pour finalement se faire expulser 1h30 plus tard, indique encore l’association. « À la violence de la police s’ajoute celle d’une nouvelle errance. »
Livrés à eux-mêmes
Les associations franciliennes dénoncent régulièrement le sort réservé aux jeunes migrants dont la minorité n’a pas été reconnue, ou en attente d’une décision. Cet hiver, à Paris, nombre d’entre eux ont été victimes du démantèlement systématique – sans solution de relogement – de leurs campements de fortune. Certains adolescents, comme Alpha, rencontré en mars par InfoMigrants, ont fait le choix de ne plus prendre de tente et de ne plus rester avec les autres. « Trop visible », avait-il dit, encore choqué d’avoir été brutalement réveillé par les forces de l’ordre.
« On a effectivement des jeunes qui, lassés de se faire saisir leurs couvertures et leurs tentes, n’en demandent plus », relatait Alice, bénévole d’Utopia 56. « La situation est vraiment dramatique […] Chaque mini-camp installé sur un bout de trottoir, ou sous un pont a une existence de moins de 72h quand il est repéré par la police ».
Ce « non-accueil » affecte considérablement les jeunes exilés en recours devant la justice, livrés à eux-mêmes. « L’errance à laquelle ils sont poussés » accentuent les « troubles psychiques préexistants tout en favorisant l’apparition de nouveaux troubles », affirme un rapport de Médecins sans frontières (MSF) et du Comede, publié en novembre 2021. « Humeur triste, anxiété, troubles du sommeil et de la concentration, sentiment d’impossibilité à faire face » ou profonde dépression … La liste des symptômes de leur désespoir est longue.
Golhassan, un adolescent afghan qui a quitté son pays en août 2021 après la prise de pouvoir des Taliban, confiait sa détresse à InfoMigrants. Avant de venir place de la Bastille, où un campement avait été érigé à l’été 2022, il dormait « où [il] pouvait », la plupart du temps dans des parcs de la capitale. En France, Golhassan est seul. Toute sa famille est restée en Afghanistan, et son père, qui avait entamé son exil avec lui, a disparu à la frontière turco-iranienne.
Avec infomigrants