Des centaines de manifestants ont protesté dimanche à Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, contre la présence de migrants subsahariens en situation irrégulière dans la ville. La région est connue pour être un lieu de départ des exilés vers l’Europe.
« Protéger Sfax », « Expulsions », « Sfax n’est pas un point de passage »… Ces slogans ont été scandés par des manifestants dimanche 25 juin, à Sfax, dans le centre-est de la Tunisie. Des centaines de personnes s’étaient rassemblées devant la préfecture de la ville pour réclamer le renvoi des migrants en situation irrégulière vivant dans la commune.
Zied Mallouli, le président du mouvement « Sayeb trottoir » organisateur de la manifestation, considère la présence des exilés illégaux comme « une menace contre la sûreté des habitants de Sfax ». Des messages postés sur les réseaux sociaux relaient sporadiquement des altercations ultra violentes entre Africains subsahariens, notamment à coups de machettes.
Cette ville, située à environ 150 km de l’île italienne de Lampedusa, est le principal point de départ des canots de migrants à destination de l’Europe. En attendant de pouvoir monter dans un canot, les exilés subsahariens passent plusieurs mois dans la région, pour travailler afin de payer la traversée de la Méditerranée. Et pour certains habitants, la présence de ces personnes est à l’origine des tensions.
Recrudescence des agressions à l’encontre des migrants
Depuis plusieurs mois, les Subsahariens sont pris pour cible par une partie de la population. Déjà victimes de racisme dans ce pays du Maghreb, leur situation s’est encore détériorée en février, après le discours du président Kaïs Saïed pourfendant l’immigration clandestine et la présentant comme une menace démographique pour son pays. Le chef de l’État a affirmé le 21 février que la présence de « hordes » d’immigrés clandestins venant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes ».
Après cette diatribe, les migrants ont subi une recrudescence des agressions à leur encontre. Quelques jours plus tard, le 25 février, quatre Subsahariens ont été victimes d’une attaque à l’arme blanche à Sfax, et quatre étudiants ivoiriennes ont été agressées à la sortie de leur foyer universitaire à Tunis.
Un Congolais, qui poursuit ses études dans la capitale tunisienne, avait confié à InfoMigrants ne plus sortir de chez lui de peur de se faire agresser ou embarquer par la police.
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La situation a pris une tournure dramatique fin mai quand un Béninois de 30 a été poignardé à mort dans son habitation. Un groupe de jeunes Tunisiens ont attaqué la maison dans laquelle il vivait avec d’autres migrants à Sfax.
Aux violences dans la rue, s’ajoutent celles de la vie quotidienne. Une partie importante des 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne recensés officiellement, pour la plupart en situation irrégulière, ont perdu du jour au lendemain leur travail et leur logement.
Les pratiques des garde-côtes mises en cause
Plusieurs ONG locales et internationales ont dénoncé alors « les discours de haine et d’intimidation contre les migrants (d’Afrique subsaharienne) diffusés sur les réseaux sociaux qui contribuent à la mobilisation contre les groupes les plus vulnérables et alimentent des comportements violents à leur encontre ».
Ce climat participe à pousser les exilés à tenter de rejoindre les côtes européennes. Les départs de migrants africains en Tunisie se sont intensifiés ces derniers mois. Mais en mer aussi, les migrants sont confrontés à des violences.
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Depuis quatre mois, plusieurs témoignages rapportent que les garde-côtes tunisiens dérobent les moteurs des canots de migrants, en route vers l’Europe, les laissant dériver en pleine mer. Les exilés accusent aussi les forces tunisiennes d’opérer des manœuvres dangereuses près des embarcations, provoquant des naufrages.
Selon un Ivoirien, en contact avec InfoMigrants, les garde-côtes tournent autour des canots pour faire des vagues. « Quand ils agitent l’eau, les gens paniquent et le bateau se retourne. Ils peuvent porter secours à certaines personnes mais ils ne peuvent pas sortir tout le monde », explique Kalilou. Ce dernier assure avoir « perdu plusieurs amis après ce genre d’actions des garde-côtes ».
avec infomigrants