Vous êtes demandeur d’asile, réfugié ou sans papiers. Vous aimeriez débuter ou reprendre des études supérieures. Pour cela, plusieurs possibilités existent, mais les démarches administratives sont souvent complexes. InfoMigrants fait le point.
Depuis 2015, les initiatives se sont multipliées pour faciliter l’accueil des exilés dans l’enseignement supérieur en France. Mais la procédure peut malgré tout s’avérer tortueuse. Pour avoir accès à certaines formations, on vous demandera parfois de faire reconnaître vos diplômes obtenus à l’étranger et de certifier votre niveau en français.
Avant tout, il faut savoir que s’inscrire à l’université ne nécessite pas d’être en possession d’un titre de séjour en règle. « L’accès à l’enseignement supérieur est inconditionnel », explique Camille Hanon, directrice du réseau MEnS (Migrants dans l’enseignement supérieur), interrogée par InfoMigrants. « Cela signifie que l’université n’a pas le droit de refuser l’inscription d’une personne en raison de son statut administratif », précise t-elle.
Quelle formation ?
Dans un premier temps, pour identifier la formation que vous aimeriez suivre, vous pouvez consulter le catalogue des formations universitaires de Campus France. Campus France est une agence publique qui s’occupe de l’enseignement supérieur français à l’étranger mais aussi de l’orientation des étudiants étrangers en France.
Par ailleurs, chaque université possède un site web où sont recensées les formations qu’elle propose. Vous y trouverez toutes les informations relatives aux conditions d’admission, aux cours proposés ou encore aux débouchés professionnels.
Un premier pas dans l’enseignement supérieur avec le DU Passerelle
Le diplôme universitaire (DU) Passerelle a été conçu en 2019 par le réseau MEnS. Ce programme prend en compte les besoins spécifiques des étrangers et propose un accompagnement dans les démarches administratives, une assistance sociale, psychologique et médicale ainsi que des activités culturelles et sportives. Les enseignements en français sont dispensés « dans une optique d’insertion sociale, académique et professionnelle en France ». En 2023, les DU Passerelle rassemblent près de 1 500 étudiants à travers la France.
Atout majeur de ce diplôme : il permet à tous les bénéficiaires d’une protection internationale de percevoir une bourse du gouvernement français et de faire une demande de logement social étudiant (CROUS), ce qui n’est normalement le cas que pour les cursus LMD (Licence, Master, Doctorat).
Trente-six DU Passerelles existent dans toute la France, dont 15 en région parisienne. Il devrait y en avoir 39 d’ici la fin de l’année 2023. Ils sont recensées sur cette carte. Les critères d’accès, notamment le niveau de langue française attendu, peuvent varier en fonction des universités. Certains cursus sont ouverts aux grands débutants tandis que d’autres sont réservés aux étudiants ayant déjà un niveau intermédiaire (B1, dans la classification européenne des niveaux de langue).
« C’est comme un tremplin », commente Sofia Dagna, chargée de plaidoyer pour l’Union des étudiants exilés (UEE). « L’insertion académique est beaucoup plus facile pour ceux qui sont passés par ce DU, ils sont mieux insérés socialement », poursuit-elle.
Les universités favorisent les étudiants ayant un projet académique et professionnel cohérent avec les autres formations qu’elles proposent, afin d’assurer une « continuité de parcours » dans le même établissement. « Par exemple, on oriente des étudiants qui veulent faire de la biologie dans des universités à dominante scientifique », précise Camille Hanon.
Pour faciliter le processus de candidature, une plateforme commune à onze établissements d’Île-de-France a été créée, avec 3 périodes d’ouverture des candidatures, en mai, juin/juillet et septembre.
Les autres formations réservées aux réfugiés
- À Paris, l’INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales) propose un DU « Hospitalité, Médiations, Migrations » pour former des étudiants qui parlent plusieurs langues à l’interprétariat et à la communication interculturelle. Les cours ont lieu le soir de 18h à 20h, ce qui permet aux étudiants d’avoir un emploi durant la journée.
Ce programme s’appuie sur les compétences linguistiques des étudiants exilés et leur permet ensuite des travailler pour des associations et des administrations qui sont au contact des populations exilées. Les langues les plus fréquemment parlées dans le diplôme sont l’arabe, l’ourdou, le persan, le pachto, le bengali, le tigrinya, le lingala et le swahili. Attention : pour l’intégrer, il faut posséder un diplôme de licence et un niveau de français B2.
- À Lyon, l’université Lumière propose un diplôme similaire, le DU « Dialogues – Médiation, Interprétation et Migration », destinés à ceux qui souhaitent devenir interprète en contexte migratoire. Il faut être titulaire d’un baccalauréat ou niveau équivalent, et avoir un niveau B2 en français et une autre langue étrangère.
- L’université d’Aix-Marseille propose un DU « Accueil des réfugiés par la découverte du droit » ouvert à tous les bénéficiaires d’une protection internationale, dont l’objectif est de leur permettre de « découvrir le droit français et l’environnement juridiques français ». À l’issue de ce diplôme, les étudiants peuvent entamer le cursus classique d’études en droit.
Faire reconnaître un diplôme obtenu à l’étranger
Pour s’inscrire dans une formation, la plupart des universités exigent un certain niveau de diplôme. Le plus souvent le baccalauréat, un diplôme de licence ou un équivalent étranger.
Si vous possédez un diplôme obtenu dans un pays étranger, vous pouvez en demander la reconnaissance auprès du Centre ENIC-NARIC France (European Network of Information Centres – National Academic Recognition Information Centres). Moyennant un paiement de 70 euros, ENIC-NARIC vous fournit une attestation qui certifie la valeur de votre diplôme. Pour les demandeurs d’asile, réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, cette procédure est gratuite et accélérée, sur présentation d’un justificatif de votre statut.
Si vous avez perdu ou que vous n’êtes pas en possession de votre diplôme – fait courant en situation d’exil – il est quand même possible de se présenter à l’université. « Présenter un diplôme n’est pas une obligation », souligne Camille Hanon. En vertu d’un accord international, la Convention de Lisbonne, l’université a pour obligation de mettre en place des procédures spécifiques, plus souples, pour l’admission d’étudiants en exil. Vous pouvez donc solliciter les services universitaires et leur faire part de votre situation.
Par ailleurs, si vous avez déjà une expérience professionnelle d’au moins un an dans un domaine spécifique, vous pouvez faire reconnaître vos compétences via la Validation des acquis de l’expérience (VAE). Le dispositif « VAE sans frontières » accompagne les migrants pour faire reconnaître l’expérience professionnelle acquise à l’étranger. Pour bénéficier de cet accompagnement et demander une VAE, vous devez contacter le DAVA (Dispositifs Académiques de Validation des Acquis) de l’académie de votre lieu de résidence, que vous pourrez trouver ici.
Obtenir une certification de langue française
De la même façon, certaines universités exigent un certificat attestant de votre niveau de langue, le plus souvent, un TCF (test de connaissance du français) ou un DELF (diplôme d’études en langue française). Passer l’un de ces tests peut s’avérer onéreux : le prix varie de 90€ à 184€.
De même que la reconnaissance de votre diplôme, l’université ne peut rendre la présentation d’un tel test obligatoire. Pour le niveau de français aussi, elle est tenue de mettre en place une procédure spéciale, plus souple, adaptée à la situation des personnes exilées.
La DAA : Demande d’admission adaptée
Pour assouplir les procédures de candidature et d’admission des étudiants exilés, dont la rigidité est souvent un frein, le réseau MEnS a créé la Demande d’admission adaptée (DAA). Cette procédure simplifiée permet aux étudiants exilés d’éviter les lourdeurs de Parcoursup et des plateformes de candidatures en ligne. L’objectif est également de rendre cette demande possible à tout moment de l’année, même en dehors des périodes de candidatures habituelles.
Elle est déjà mise en œuvre par quatre universités : Sorbonne Universités, Paris-Saclay, Strasbourg et Littoral – Côte d’Opale (Dunkerque).
Pour faire une DAA, la marche à suivre est expliquée sur le site web du réseau MEnS. Vous y trouverez également tous les éléments à envoyer aux universités.
Financer ses études
Pour financer vos études, vous pouvez avoir droit à une bourse. Si vous êtes inscrit en DU Passerelle ou dans une formation de type licence ou master, vous êtes éligible aux bourses du CROUS : la bourse sur critères sociaux si vous avez moins de 28 ans, ou l’allocation spécifique annuelle entre 28 et 35 ans.
Pour les autres bourses auxquelles vous pouvez prétendre : cet article d’InfoMigrants récapitule tout.
Les associations qui accompagnent les étudiants en exil
Des associations existent pour vous accompagner dans votre reprise d’études. N’hésitez pas à les solliciter sur leur site internet ou sur les réseaux sociaux et à vous rendre à une de leurs permanences. Elles vous accompagnent pour trouver la bonne formation, compléter vos dossiers de candidature, demander une bourse, un logement. Certaines, comme l’UEE, proposent aussi des ateliers pratiques pour vous aider à rédiger une lettre de motivation et faire un CV ainsi que vous accompagner sur le plan méthodologique : comment prendre des notes ou écrire une dissertation, par exemple.
- L’Union des étudiants en exil (UEE) à Paris. Les permanences ont lieu du lundi au vendredi, de 9h30 à 17h30, à la Maison des Réfugiés au 50 boulevard Jourdan, dans le 14ème arrondissement. Il est possible d’obtenir un entretien à distance si vous n’habitez pas en région parisienne, en remplissant le formulaire sur le site de l’UEE.
- Université Réfugiés (UNIR) à Paris. L’association reçoit uniquement sur rendez-vous : par mail à contact@uni-r.org ou par téléphone au 07 67 14 02 63.
- Le réseau Universités dans frontières (RUSF) présent à Paris, Lille, Reims, Strasbourg, Dijon, Besançon, Lyon, Grenoble, Poitiers, Toulouse, Montpellier, Marseille et Toulon.
Plus de moyens pour mieux accueillir
Dans un rapport publié en février, à l’occasion du bilan de l’accueil des étudiants ukrainiens, un an après le début du conflit, l’Union des étudiants en exil a listé ses principales revendications pour améliorer l’accueil des étudiants exilés en général. La première est de sortir d’un système d’urgence et de créer des dispositifs plus stables.
Pour cela, les universités qui admettent de nombreux étudiants en exil ont besoin de davantage de financement. En effet, les DU Passerelle sont entièrement financées par les universités. Les associations demandent également la formation et la sensibilisation du personnel pédagogique et administratif aux étudiants étrangers, l’embauche de référents dédiés à l’accueil des jeunes exilés ou encore la collecte de données sur le parcours académique des jeunes pour améliorer les dispositifs qui leur sont destinés, et permettre au plus grand nombre de réaliser leurs projets académiques et professionnels.
Avec infomigrants