Tunis accepte d’accueillir uniquement les Tunisiens en situation irrégulière en Europe, et refuse d’accueillir les migrants d’autres nationalités. Les autorités avaient déjà déclaré en juin dernier qu’elles ne voulaient pas que la Tunisie devienne le « garde-frontières » de l’Europe. Dimanche, un accord a été conclu avec l’Union européenne pour tenter d’endiguer l’immigration illégale, venue de la Tunisie.
Alors qu’un « partenariat stratégique » sur l’immigration a été signé dimanche 16 juillet entre l’Union européenne (UE) et la Tunisie, le pouvoir tunisien a fait savoir que le pays ne serait pas un « centre d’accueil » pour les retours de migrants subsahariens arrivés illégalement en Europe, selon The Guardian.
Cet État du Maghreb refuse de conclure des accords sur le même modèle que celui signé entre le Rwanda et le Royaume-Uni, qui prévoit d’envoyer à Kigali les demandeurs d’asile venus en Angleterre clandestinement. En clair, le président Kaïs Saïed accepte de récupérer les Tunisiens en situation irrégulière dans l’UE, mais pas les autres migrants.
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« C’est un point sur lequel les autorités tunisiennes estiment avoir communiqué clairement : à savoir qu’elles ne devraient pas être un point d’accueil pour les migrants irréguliers venant généralement d’Europe », a signalé au journal anglais un haut responsable de l’UE.
Ce n’est pas la première fois que Tunis se montre ferme sur cette question. En juin dernier, un conseiller du chef de l’État tunisien avait déclaré que la Tunisie ne voulait pas devenir « le garde-frontières » de l’Europe, après une première visite d’une délégation européenne dans le pays.
La Tunisie est le principal point de départ pour des milliers de migrants qui traversent la Méditerranée centrale vers l’Europe.
Former et équiper les garde-côtes tunisiens
L’accord conclu dimanche entre Bruxelles et Tunis prévoit une aide de 105 millions d’euros, pour lutter contre l’immigration irrégulière. En échange de cette somme, la Tunisie s’engage à développer l’économie dans « les zones défavorisées à fort potentiel migratoire », et à « soutenir davantage le retour et la réadmission depuis l’UE des nationaux tunisiens en situation irrégulière », note un communiqué de la Commission européenne.
Dans le même temps, l’UE assure qu’elle favorisera des voies de migration légale via des emplois saisonniers, la facilitation d’octroi de visas et la mise en œuvre d’un « partenariat de Talents ».
Mais la coopération ne s’arrête pas aux seuls exilés tunisiens. Bruxelles veut « améliorer la coordination des opérations de recherches et de sauvetage en mer ». Sur le même modèle que l’accord avec la Libye, l’UE va former et équiper les garde-côtes tunisiens pour stopper les canots de migrants en route vers l’Europe via la Méditerranée.
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Les deux parties ont aussi convenu « de soutenir le retour des migrants irréguliers en Tunisie vers leur pays d’origine dans le respect du droit international », sans donner plus de détails sur les modalités.
Violences contre les migrants subsahariens
Lors de la visite de la délégation européenne à Tunis, la situation des migrants en situation irrégulière dans le pays n’a pas été évoquée. Le soutien de l’UE au pouvoir tunisien pour empêcher les migrants de rejoindre le sol européen intervient pourtant dans un contexte tendu.
Depuis plusieurs jours, les Subsahariens sont visés par une vague de xénophobie à Sfax, dans le centre-est du pays. Ils sont la cible d’une partie de la population tunisienne qui pille et saccage leurs maisons, en réponse à la mort d’un Tunisien le 10 juillet dans des heurts avec des migrants subsahariens.
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Aux violences d’une frange de la société tunisienne, s’ajoutent celles des autorités. Des centaines d’exilés ont été interpellés ces derniers jours et envoyés de force dans le désert, à la frontière avec la Libye ou l’Algérie. Ils ont été abandonnés au milieu de nulle part, sans eau ni nourriture. Si certains ont été évacués par des ONG ou les forces libyennes, des dizaines d’autres sont toujours coincés dans une zone frontalière, au niveau de Ras Jdir.
En mer aussi, les migrants disent subir les attaques des garde-côtes tunisiens. Depuis plusieurs mois, des témoignages recueillis par InfoMigrants rapportent que les forces tunisiennes dérobent les moteurs des embarcations d’exilés, les laissant dériver en pleine mer. Les migrants accusent également les garde-côtes d’opérer des manœuvres dangereuses près des bateaux, provoquant des naufrages.
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Le nombre de morts en Méditerranée centrale a bondi en 2023, établissant un nouveau record – le dernier datant de 2017. Depuis janvier, 1 767 personnes ont péri dans cette zone maritime, selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Sur l’ensemble de l’année 2022, l’agence de l’ONU avait comptabilisé 1 417 morts dans ces eaux.
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