Les migrants subsahariens en Tunisie détenus dans des lycées de Kebili et Tamerza, deux villes dans l’ouest et le centre-ouest du pays, ont été relâchés. Ils avaient été placés là après avoir été raflés en juillet, déportés puis abandonnés dans le désert à la frontière libyenne. Malgré leur libération, ils ont tout perdu : leur logement, leurs affaires. Ne reste qu’un sentiment amer de trahison, d’insécurité et de colère.
Ils ont finalement été libérés. Les migrants, dont certains en situation régulière, retenus dans deux lycées par les autorités tunisiennes après leur évacuation du désert sont libres. Début août, InfoMigrants rapportait que des Subsahariens étaient retenus dans un lycée à Kebili, à l’ouest de la Tunisie. Le Monde décrivait la même chose, cette fois dans un lycée de Tamerza, dans le centre-ouest du pays. Selon nos informations, ces personnes ont été évacuées mi-août dans des centres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Ces Subsahariens avaient été raflés en juillet par les autorités tunisiennes et abandonnés dans le désert à la frontière avec la Libye, puis rapatriés en Tunisie, dispersés entre des lycées et bâtiments publics. Dans au moins deux de ces lycées, ils étaient retenus contre leur gré, dans des conditions difficiles, sans accès autorisé à l’extérieur et sans savoir ce qu’il allait leur arriver.
« Je peux pardonner mais je ne vais jamais oublier, jusqu’à ma mort »
Moussa, un Ivoirien vivant en Tunisie depuis 2017, travaillait comme peintre à Sfax. Comme d’autres Subsahariens, il a été interpellé début juillet, envoyé dans le désert puis rapatrié par les autorités. Son périple a pris fin au lycée Tamerza où il a été retenu un mois.
Le jeune homme a finalement été évacué mi-août par l’OIM dans un de ses centres, à Zarzis, au sud de la Tunisie. À l’arrivée dans la structure, on lui a donné 30 dinars tunisiens (environ 9 euros) pour survivre une semaine. Même pas assez pour rentrer à Sfax. Un ami de Tunis l’a aidé à partir du centre pour venir vivre quelques jours chez lui.
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Moussa était en Tunisie légalement, mais ses documents d’identité (passeport et titre de séjour) ont été déchirés à la frontière par la police. Il se retrouve donc aujourd’hui sans-papiers dans le pays, alors qu’il y vit légalement.
Anciennement locataire à Sfax, l’Ivoirien a tout perdu. Ses affaires personnelles ont été détruites pendant la rafle de juillet, son argent lui a été volé. Il a aussi dû tirer un trait sur son logement, reloué par son propriétaire en son absence. « Je peux pardonner mais je ne vais jamais oublier ce qui m’est arrivé, jusqu’à ma mort », raconte-t-il à InfoMigrants.
Des exilés contraints de dormir à la rue
Moussa se repasse en boucle son séjour dans le désert, à la frontière libyenne. Comme beaucoup dans sa situation, il dit avoir été violenté et avoir été témoin de viols lorsqu’il a été jeté à la frontière en juillet. « Ils ont fait ça parce qu’on a la peau noire, alors que c’est le même sang qui coule dans nos veines ».
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Le jeune homme est aujourd’hui désespéré, mais surtout en colère. « Si j’avais de l’argent je rentrerais en Côte d’Ivoire. Ils ont volé tout mon argent, je ne sais pas ce que je vais faire. » Ce mardi 29 août, il est revenu à Sfax avec la promesse de retrouver son emploi de peintre, mais, son logement perdu, il dormira à la rue.
Yvan-François, à qui InfoMigrants avait parlé lors de sa détention à Kebili, connait le même sort que Moussa. Comme l’Ivoirien, ce Camerounais a été évacué mi-août dans un centre de l’OIM, à Tataouine, dans le sud-est de la Tunisie. Il est rentré à Sfax, mais s’est, lui aussi, retrouvé à la rue. « Mon bailleur a mis des Tunisiens dans la maison », raconte-t-il à InfoMigrants. Il n’a même pas pu récupérer ses affaires. Il est contraint de dormir dehors, avec un ami.
Selon lui, des dizaines d’autres personnes sont dans la même situation. Et ils doivent, une nouvelle fois, se protéger des violences de la population. Un ami de Moussa confie s’être fait agresser dimanche dans la rue par des Tunisiens, qui lui ont volé son argent. Le jeune homme est blessé à l’œil.
Enfin, pour Kadiatou Diallo, l’étudiante guinéenne raflée, rapatriée et détenue à Kebili dont InfoMigrants avait parlé, elle aussi a été transférée dans un centre de l’OIM et réside actuellement chez des amis à Sfax. Elle retrouvera les cours et un semblant de normalité en septembre, après un été terrifiant.