Géographiquement favorisée, la Guinée possède un sol et un sous-sol doté d’importantes ressources minières. Dès l’indépendance, ces richesses ont été exploitées, ce qui a permis à l’Etat d’augmenter ses ressources publiques. Il en a résulté un impact sur la fiscalité. De ce fait, l’Etat a modéré la pression fiscale sur le reste de l’activité, alors même qu’il s’était lancé dans une politique ambitieuse d’investissements et de modernisation. Cependant, les retombées budgétaires de l’exploitation des mines ont été moins importantes que celles qui étaient prévues, en raison notamment d’une forte dépendance du pays de l’extérieur et d’une grande instabilité des recettes. En effet, une telle exploitation requérait des moyens technologiques et financiers dont ne disposait pas le pays. Celui-ci a alors eu recours à des investissements étrangers, ayant créé de facto une dépendance dans l’exploitation des gisements, ainsi que dans ses résultats. De plus, l’Etat, dépendant largement des cours de minerais dont il ne maîtrisait pas la fixation, a dû attirer les exploitants étrangers et mettre en place des régimes fiscaux, d’où une forte instabilité des recettes.
La République de Guinée dispose de ressources publiques excessivement faibles par rapport aux besoins en biens publics toujours plus importants. De ce fait, la mobilisation des ressources nécessaires au financement des infrastructures et des services publics sociaux et économiques a toujours constitué la priorité de l’Etat. Le gouvernement guinéen a recours à trois types essentiels de financement : la création de monnaie, l’emprunt et l’impôt. La création de monnaie s’est accrue ces dernières décennies. Concernant l’emprunt, il est fréquemment utilisé par l’Etat pour combler les déficits budgétaires. L’emprunt extérieur constituait, dès 1958, une ressource budgétaire importante. La Guinée, à l’instar de nombreux pays africains, a bénéficié de l’aide publique au développement pour financer ses dépenses budgétaires. Au cours des années 50, il fallait augmenter la production et les revenus par l’accroissement des fonds nationaux et étrangers. Dans les années 1960, la priorité a été donnée à l’assistance technique en matière de santé et d’éducation. Lors de la décennie suivante, l’aide s’est orientée vers la promotion de la croissance économique. Les besoins cruciaux de développement et la faiblesse du capital privé local ont poussé l’Etat à recourir à un endettement excessif massif auprès des bailleurs de fonds internationaux. Ce recours s’est opéré auprès des créanciers privés, et plus encore auprès des créanciers publics. L’impôt, quant à lui, constitue le moyen de financement habituel des dépenses publiques.
L’orientation budgétaire de la douane a été mise à mal par l’entreprise de désarmement douanier initiée par le GATT, puis par l’OMC. L’objectif de libéralisation des échanges internationaux sur la base des règles concertées, tant sur le plan de la réduction des entraves aux échanges que sur celui de l’organisation des relations commerciales entre Etats membres, a conduit à une division internationale du travail qu’aucune mesure contingentaire n’a contrariée. Cet horizon des relations commerciales internationales a abouti à une reconsidération de la place des recettes douanières dans les stratégies de mobilisation des recettes publiques. Ces dernières, assez fluctuantes, dépendent de variables peu maîtrisables par les autorités publiques nationales. Il en va ainsi des conditions de compétition internationale, de la fixation des termes de l’échange, à savoir de la matière sur laquelle s’applique le tarif douanier. C’est ainsi que l’administration des douanes a apporté des contributions financières importantes au budget de l’Etat, ayant atteint 40% des ressources budgétaires. L’importante détérioration des recettes extérieures, et l’extraversion des secteurs industriel et financier ont rapidement créé un cercle vicieux : la diminution des disponibilités en devises a freiné les importations et réduit le PIB et, par contrecoup, les possibilités d’honorer les échéances de la dette.
Cette crise de l’endettement a permis de relativiser la place de l’emprunt comme source de financement du budget national. La mauvaise utilisation des ressources acquises grâce à l’endettement, l’inefficacité des solutions traditionnelles de règlement de crises, l’endettement lié au service de la dette ont donné naissance, en Guinée, à une politique d’austérité. Le recours au FMI, véritable tremplin avec lequel il fallait s’entendre pour accéder à ceux qui détiennent les moyens de financement, était plus que nécessaire. En plus de la faiblesse qui relie les apports et la croissance économique, et de la critique qui présente l’aide publique étrangère comme un mécanisme de dépendance économique et politique, au plan budgétaire, cette aide ne pouvait fonder une stratégie pérenne de financement du budget de l’Etat.
Dr BAH ALIOU, Inspecteur Principal des Impôts.