Lundi, Kaïs Saïed, a indiqué qu’il refusait les fonds alloués par l’Union européenne à la Tunisie, qui s’apparentent, selon lui, à de la « charité ». L’UE a proposé en juillet une enveloppe de 105 millions d’euros à Tunis pour lutter contre les départs de migrants depuis les côtes tunisiennes. Sur cette somme, 42 millions d’euros devaient être « alloués rapidement » à Tunis. Un montant également jugé « dérisoire » par le président tunisien.
Le président tunisien, Kaïs Saïed, a indiqué lundi 3 octobre que son pays refusait des fonds alloués par l’Union européenne à la Tunisie, qui s’apparentent, selon lui, à de la « charité ».
La Commission européenne avait annoncé le 22 septembre qu’elle commencerait à allouer « rapidement » les fonds prévus dans le cadre de l’accord avec la Tunisie afin de faire baisser les arrivées de migrants depuis ce pays. Sur les 105 millions d’euros prévus pour lutter contre l’immigration irrégulière, 42 millions d’euros devaient être « alloués rapidement ». Auxquels s’ajoutent 24,7 millions d’euros déjà prévus dans le cadre de programmes en cours.
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En contrepartie, l’accord prévoit que Tunis doit empêcher les départs de bateaux de migrants, lutter contre les passeurs et assurer le retour des Tunisiens en situation irrégulière dans l’UE, ainsi que celui des migrants d’Afrique subsaharienne depuis la Tunisie vers leurs États d’origine.
« La Tunisie qui accepte la coopération, n’accepte pas tout ce qui s’apparente à de la charité ou à la faveur, car notre pays et notre peuple ne veulent pas de la sympathie et ne l’acceptent pas quand elle est sans respect », a-t-il déclaré, selon un communiqué de la présidence. « Par conséquence, la Tunisie refuse ce qu’a été annoncé ces derniers jours par l’UE », a dit Kaïs Saïed qui recevait son ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar.
Cet accord, « un tournant dangereux »
Il a expliqué que ce refus n’était « pas en raison du montant dérisoire […] mais parce que cette proposition va à l’encontre » de l’accord signé à Tunis et « de l’esprit qui a régné lors de la conférence de Rome » – grande conférence sur les migrations en Méditerranée organisée en juillet dans la capitale italienne.
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Cet accord UE-Tunisie, signé en juillet, fait grincer des dents les ONG et les experts de l’immigration. Le 14 août, plus de 350 chercheurs et membres de la société civile de près de 10 pays ont signé une tribune pour en dénoncer la signature. Ils mettent en garde à travers ce texte sur « un tournant dangereux dans l’acceptation de ces politiques et des présupposés racistes qui les sous-tendent ».
La Tunisie est, avec la Libye, le principal point de départ pour des milliers de migrants qui traversent la Méditerranée centrale vers l’Europe, et arrivent en Italie. Le nombre de départs depuis le pays est en hausse ces derniers mois en raison de la crise économique que connaît la Tunisie mais aussi de la vague de violences xénophobes que subissent les migrants subsahariens dans le pays.
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En février dernier, dans un discours, le président tunisien s’en était pris à ces personnes, les accusant d’être source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables » et de chercher à « changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».
Depuis, la situation des exilés subsahariens n’a cessé de se dégrader. Les tensions sont montées d’un cran lorsqu’un Tunisien a été poignardé début juillet lors de heurts avec des exilés. Des rafles ont ensuite été menées dans différentes villes du pays et des centaines de migrants subsahariens ont été abandonnés, sans eau ni nourriture, dans les zones désertiques frontalières du pays. Selon un décompte libyen, au moins 27 personnes sont mortes dans le désert.